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Magistrats de liaison : des acteurs de l’entraide judiciaire internationale
Publié le 17 juillet 2023 - Mis à jour le 18 juillet 2023
En 2023, les magistrats de liaison fêtent leur 30 ans d’existence. À cette occasion, Mariel Garrigos, magistrate de liaison en Espagne, nous éclaire sur cette fonction stratégique bien que peu connue de la coopération judiciaire internationale.
Les magistrats de liaison ont été mis en place en France en 1993. Nommés sur la base d’un accord avec un ou plusieurs Etats, ils ont pour objectif premier d'augmenter la rapidité et l'efficacité de l'entraide judiciaire internationale, que ce soit en matière pénale ou en matière civile.
Ils sont aujourd’hui 18 (dont 9 ayant une compétence régionale s’étendant à au moins deux pays). Le réseau couvre ainsi 48 pays sur quatre continents.
Par réciprocité, le service des affaires européennes et internationales du ministère de la Justice accueille à Paris sept magistrats de liaison étrangers.
Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer votre parcours ? Comment êtes-vous devenue magistrate de liaison ?
Mariel Garrigos : J’ai intégré l’École nationale de la magistrature en 2007, après avoir simultanément effectué un doctorat en droit et été attachée parlementaire d’un député. J’ai pris mes premières fonctions en tant que magistrate en 2009 au parquet de Paris. J’ai rejoint la section antiterroriste du parquet en janvier 2014 où j’ai pris la tête du Bureau des enquêtes « attentats commis à l’étranger, séparatismes et compromission » tout en étant la référente victimes. C’est là que j’ai découvert et investi le domaine de la coopération judiciaire internationale.
En janvier 2019, j’ai été nommée adjointe au chef du Bureau de l’Entraide Pénale Internationale (BEPI) où j’avais notamment en charge le suivi de la coopération intra Union européenne et en matière de terrorisme. J’ai candidaté au poste de magistrat de liaison en Espagne car je suis bilingue français-espagnol, que j’ai étudié et souvent travaillé en Espagne notamment sur les dossiers ETA. Suite à ma nomination, j’ai pris mes fonctions en juillet 2020.
Quelles sont vos missions dans ce poste ? Comment sont organisées vos journées ?
M.G. Mes missions sont multiples et tendent toutes à maintenir et renforcer les liens entre les ministères de la Justice et les institutions judiciaires de la France et de l’Espagne. Pour cela, je facilite et/ou organise des rencontres et des groupes de travail entre les représentants de la Justice des deux pays (ministres, directeurs du ministère, hauts magistrats…) ou entre les acteurs opérationnels de l’entraide judicaire.
Le rapprochement entre nos deux pays passe aussi par la coopération en matière de droit et l’organisation de séminaires thématiques en Espagne ou en France qui permettent d’échanger sur les pratiques respectives et les priorités. Afin de faire connaître et promouvoir le modèle judiciaire français, j’interviens aussi au cours de nombreux évènements espagnols. Enfin, en tant que chef de service au sein de l’Ambassade de France, j’assume des missions de conseil et d’assistance à la chancellerie et aux autorités consulaires.
Mes journées sont rythmées et ne se ressemblent jamais. Je partage mon temps entre mes deux bureaux à l’Ambassade et au ministère de la Justice espagnol, principalement à Madrid mais aussi dans les provinces espagnoles ou en France.
Avec qui travaillez-vous ? Sur quels sujets ? Quelles sont les spécificités de votre poste en Espagne ?
M.G. Mes interlocuteurs et partenaires sont principalement issus du monde judiciaire français et espagnol : magistrats et fonctionnaires des ministères des deux pays, même s’il est vrai que les contacts les plus fréquents et suivis se font avec les services judiciaires spécialisés dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Je travaille aussi quotidiennement avec le service de sécurité intérieure de l’Ambassade et les nombreux officiers de liaison répartis sur le territoire espagnol.
Le poste de magistrat de liaison en Espagne est marqué par une histoire judiciaire et une amitié franco espagnole anciennes, ainsi que par une situation géographique frontalière qui font de ces pays des partenaires privilégiés. Aujourd’hui, c’est dans le domaine de la lutte contre le trafic de stupéfiants que la coopération est la plus intense mais elle doit encore progresser au plan qualitatif et au niveau des moyens humains. Dans cette perspective, nous travaillons à la création d’un groupe bilatéral antidrogue, sur le modèle de celui qui existe déjà dans le domaine de l’antiterrorisme, afin de développer une coopération d’envergure et plus stratégique.