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Au cœur d’un restaurant d’application
Publié le 22 octobre 2019
Thiago, Sarah et Baptiste* sont en formation aux Trois Fourneaux, un restaurant d’application situé aux Ulis (91). Comme eux, chaque année, une quarantaine de jeunes, orientés par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), l’éducation nationale ou la mission locale, viennent s’y former pour se construire un avenir. Immersion en salle et en cuisine.
Le restaurant d'application Les Trois Fourneaux, aux Ulis, forme des jeunes d'horizons divers. © Clara Cadet
Salade d’endives au bleu, noix et magret fumé, dos de cabillaud sauce safranée accompagné de riz et d’un cannelé de courgette, carpaccio d’ananas et sorbet passion : des plats au menu de ce vendredi d’octobre aux Trois Fourneaux. Le tout pour 13 € !
Ce restaurant d’application de la protection judiciaire de la jeunesse a ouvert ses portes en 1989. Fruit d’un partenariat entre la PJJ, l’éducation nationale et la mairie des Ulis (91), il accueille en formation des jeunes de 16 à 25 ans d’horizons divers.
Certains sont là pour des stages d’observation de courte durée, d’autres pour un ou deux ans, le temps d’obtenir un titre professionnel ou un CAP (certificat d’aptitude professionnelle) cuisine ou commercialisation et services en hôtel-café-restaurant. "Ce sont des jeunes réfractaires à la scolarité. Ici, ils découvrent les métiers de la restauration dans un cadre plus convivial, moins rigide qu’en lycée hôtelier", explique Laurent Régnier, l’un des professeurs techniques de l’éducation nationale.
Côté PJJ, le restaurant compte cinq personnels encadrants : une responsable d’unité, une éducatrice, une encadrante service en salle et deux professeurs techniques. Au-delà des compétences qui pourront leur servir pour leur insertion professionnelle, les jeunes reprennent confiance en eux, se responsabilisent, apprennent à se "sociabiliser".
Filet de truite aux amandes et cannelé de courgettes au menu du jour. © C.Cadet/V.Bertereau
"Je kiffe"
Ce vendredi-là, 16 clients ont réservé pour le déjeuner. La salle peut accueillir une trentaine de personnes, tous les midis du lundi au vendredi et même le mardi soir. Ce sont plutôt des particuliers venus grâce au bouche-à-oreille, parfois des entreprises, souvent des habitués.
En cuisine, Baptiste*, 16 ans, élève en CAP, découpe des ananas avec minutie. Il est 10 heures et l’apprenti cuisinier est aux fourneaux depuis 8h30. Il finira son service vers 15 heures. "Si je pouvais, je passerais toute ma journée ici ! Je kiffe… J’aime l’ambiance dans une brigade, que les clients trouvent mes plats beaux, se souviennent du dressage. J’aime quand tout est carré. J’ai vraiment l’impression d’apprendre un métier. Le matin, j’ai envie de venir travailler et non de rester dans mon lit, sans motivation, comme je le faisais au collège."
Préparation des assiettes par Baptiste avant le coup de feu de midi. © Virginie Bertereau
Un restaurant gastronomique en ligne de mire
Baptiste vient du Loiret. En novembre 2018, il a déménagé précipitamment à Gif-sur-Yvette (91), chez son père. Il a découvert le métier de cuisinier dans le restaurant de son oncle puis lors d’un stage, en 4e. Ses objectifs pour l’avenir : passer un bac pro cuisine, peut-être un brevet de technicien supérieur (BTS) et ouvrir un restaurant gastronomique "parce que c’est le temple de l’excellence".
En attendant Baptiste va se former deux ans aux Trois Fourneaux. "Depuis septembre, j’ai appris la base : les différentes cuissons de la viande, le rangement des livraisons…" Il suit également les cours d’une enseignante de l’éducation nationale "en bas", dans une salle réservée du restaurant d’application, et dans un lycée proche pour certaines matières. La structure lui apporte l’encadrement dont il avait besoin. "Le français, c’est pas ça. Mais ici, les profs nous apportent plus d’attention."
90 % de réussite aux examens
Midi. Pendant que Baptiste dresse des assiettes, Sarah sert l’apéritif aux deux premiers clients, guidée par Laurent Régnier. C’est son dernier jour en salle aux Trois Fourneaux. L’adolescente de 16 ans, déscolarisée, était là pour deux semaines de stage de découverte, sur les conseils de la direction de son foyer. "Je veux travailler dans la vente. Mais j’ai un gros problème avec les maths, les opérations."
Au restaurant d’application, Sarah s’est perfectionnée dans des techniques découvertes en stage de 3e, notamment le maintien du plateau, des verres, des assiettes… "J’aime beaucoup conseiller les clients sur les plats. Mais la découpe de la viande me dégoûte...", avoue l’adolescente.
En deux semaines, Sarah a appris les bases du service en salle. ©C.Cadet/V.Bertereau
Après ce stage, elle ne sait pas encore ce qu’elle va faire. "Quand les jeunes quittent les Trois Fourneaux, ils vont travailler ou on s’arrange pour qu’ils continuent leur formation ailleurs. On ne les lâche pas complètement…", indique Laurent Régnier. "On obtient 90 % de réussite aux examens", ajoute Stéphane Simon, professeur technique et "chef" en cuisine.
"Avez-vous réservé ?"
Travailler : c’est ce que souhaite Thiago*. Pour le moment, ce jeune de 17 ans accompagné par l’aide sociale à l’enfance (ASE) prépare un titre professionnel service en salle. Il officie aux Trois Fourneaux depuis la rentrée de septembre 2019. "J’ai arrêté ma formation de vendeur. J’aime le contact avec les clients mais je dois bouger. C’est le conseiller d’orientation de mon foyer qui m’a parlé de cet endroit. Je suis passé par la mission locale des Ulis pour obtenir une convention. Ensuite, je veux travailler comme serveur dans un restaurant haut de gamme."
Et la façon dont l’adolescent cravaté présente et sert les plats avec grâce laisse à penser qu’il est en bonne voie. "Ici, j’ai appris comment m’adresser au client, bien formuler les choses. Je les accueille à la porte avec des "bonjour messieurs dames, avez-vous réservé ?", "puis-je prendre votre manteau pour le mettre au vestiaire ?"."
Aux Trois Fourneaux, Thiago apprend les codes pour travailler comme serveur dans un restaurant. ©V.Bertereau
Une pédagogie adaptée
Pour les encadrants, l’idée est de se rapprocher le plus possible du milieu professionnel. Pas toujours simple… "Certains jeunes sont expérimentés et apprennent vite. D’autres partent de rien et ont du mal à reproduire les gestes. Tout dépend de leur parcours. Cela nous pousse à faire une pédagogie adaptée. Mais cette année, ça va", confie Stéphane Simon. Pour Thiago, Sarah et Baptiste, une première étape est franchie.
*Les prénoms des jeunes ont été changés pour préserver leur anonymat.
> Si vous voulez déjeuner dans un restaurant d'application de la PJJ, consultez le guide des établissements .