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40 ans d’archives audiovisuelles de la Justice
Publié le 11 juillet 2025 - Mis à jour le 09 octobre 2025
La loi du 11 juillet 1985 promue par Robert Badinter, ministre de la Justice de l’époque, a permis de faire entrer les caméras dans les prétoires pour enregistrer à des fins historiques les procès les plus notables. Ce texte a révolutionné les pratiques judiciaires et contribue encore au travail de mémoire et des historiens.
Le 11 juillet 1985, la loi n° 85-699 tendant à la constitution d’archives audiovisuelles de la justice était votée. C’est dans la perspective du procès de Klaus Barbie, ancien SS et chef de la Gestapo lyonnaise pendant la Seconde Guerre mondiale, que Robert Badinter, garde des Sceaux de l’époque, a proposé cette réforme levant partiellement l’interdiction datant de 1954 de filmer, photographier ou capter le son des procès. En faisant entrer la caméra dans les prétoires, la loi du 11 juillet 1985 a permis de constituer les archives audiovisuelles de la Justice (AAJ). Ce dispositif vise à garder une mémoire vivante de grands procès.
1987 : Klaus Barbie, un procès filmé en intégralité | INA
Qu’est-ce qu’un procès historique ?
Le texte adopté le 11 juillet 1985 vise des affaires qui « revêtent une dimension événementielle, politique ou sociologique » marquant à ce titre l’Histoire et pouvant faire l’objet d’un enregistrement au titre d’un procès historique. Cependant l’interprétation sur la nature des affaires jugées et pouvant être filmées n’est pas clairement explicitée. Le choix de décider ou de refuser l’enregistrement revient au premier président de la cour d’appel ou de la Cour de cassation pour les affaires civiles et pénales, au président du tribunal administratif ou au vice-président du Conseil d’État pour les affaires administratives, ou au président du Tribunal des conflits dans certains cas.
>> 1985 : Robert Badinter pour la captation filmée des procès «historiques» | INA
En 40 ans, les procès qualifiés d’historiques ont principalement porté sur le jugement d’auteurs de crimes contre l’humanité, de génocides, de crime de guerre ou plus récemment d’actes de terrorisme. Des scandales sanitaires, comme le procès du sang contaminé, ou des accidents industriels, comme le procès AZF, ont également été filmés dans ce cadre. Depuis 2014, les AAJ incluent aussi les procès d’auteurs de crimes commis sur des sols étrangers mais jugés en France comme pour le génocide au Rwanda, la dictature chilienne, des crimes contre l’humanité au Libéria et en Syrie.
Quarante ans après l’adoption de la loi, les AAJ constituent un fonds d’archives de 6 500 heures de captations couvrant 32 procès.
Filmer dans un cadre légal
Depuis 1985, la loi impose de préserver l’indépendance des juridictions judiciaires et administratives, le bon déroulement des audiences et les intérêts légitimes des différentes parties.
Pour chaque procès, des instructions sur l’organisation de la captation sont données par le ministère de la Justice aux opérateurs de prise de vue et de son. La caméra doit par exemple suivre le fil de la parole. L’enregistrement doit être intégral, sauf incident, sans coupures, sans ajouts. La captation doit être faite depuis des points fixes et doit garantir la neutralité des images.
Dès que l’audience est terminée, les archives audiovisuelles de la Justice sont transférées sous l’autorité du ministère aux Archives nationales, à l’exception des enregistrements audiovisuels du procès AZF versés aux Archives départementales de Haute-Garonne, pour y être pérennisées sur le temps long.
L’accès aux enregistrements audiovisuels des procès est régi par le livre II du code du Patrimoine (articles L221-1 à L222-3 et R221-1 et suivants). La consultation des captations à des fins historiques ou scientifiques est libre dès que l’instance a pris fin par une décision devenue définitive. La reproduction ou la diffusion intégrale ou partielle est en revanche soumise à l’autorisation du président du tribunal judiciaire de Paris ou du juge délégué à cet effet pendant 50 ans. Passé ce délai, la reproduction et la diffusion des enregistrements sont libres.
Filmer les procès, un enjeu pédagogique et d’intérêt général
En comblant par l’image et le son ce que les archives écrites des procédures judiciaires ne peuvent apporter, la loi du 11 juillet 1985 donne à voir le fonctionnement de la Justice. Elle montre la diversité des espaces de jugement, l’évolution juridique et la façon dont on peut filmer un procès. Malgré son caractère exclusif, elle participe à restaurer la confiance dans l’institution judiciaire et à se questionner sur l’image qu’on veut donner de la Justice.
Robert Badinter, en présentant le projet de loi à l’Assemblée nationale, avait précisé qu’il ne s’agissait pas seulement de filmer les grands procès, mais aussi ceux « que leur banalité même incite à en conserver un exemple […] pour conserver la mémoire de notre vie judiciaire. » Cette approche n’a finalement pas été retenue. Mais en 2021, l’article 1er de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021 est venu répondre à cette attente en autorisant l’enregistrement sonore ou audiovisuel des audiences de justice judiciaire et administrative pour un motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique. À ce titre, une convention entre le garde des Sceaux et France Télévisions signée en 2022 a permis de mettre en place une émission récurrente intitulée « Justice en France ».
L'inventaire des archives audiovisuelles de la justice (au 28 mai 2025)
| l'intitulé du procès | Les étapes de la procédure | Les dates des audiences | Le lieu des audiences |
|---|---|---|---|
| Klaus BARBIE | 1ère instance | 11 mai - 3 juillet 1987 | Cour d'assises du Rhône (Lyon) |
| Sang contaminé (docteurs GARRETTA, ALLAIN, NETTER et ROUX) : enregistrement sonore | 1ère instance | 22 juin - 23 octobre 1992 | Tribunal de grande instance de Paris |
| Sang contaminé (docteurs GARRETTA, ALLAIN, NETTER et ROUX) : enregistrement sonore | Appel | 3 mai - 13 juillet 1993 | 13e chambre de la cour d’appel de Paris |
| Paul TOUVIER | 1ère instance | 17 mars - 20 avril 1994 | Cour d'assises des Yvelines |
| Maurice PAPON | 1ère instance | 8 octobre 1997 - 2 avril 1998 | Cour d'assises de la Gironde |
| BADINTER-FAURISSON | 1ère instance | 12 mars et 2 avril 2007 (jugement rendu le 21 mai 2007) | Tribunal de grande instance de Paris |
| Serge BIECHLIN et SA Grande Paroisse (AZF) | 1ère instance | 23 février - 30 juin 2009 (jugement rendu le 19 novembre 2009) | Tribunal correctionnel de Toulouse |
| Dictature chilienne (Augusto PINOCHET) | 1ère instance | 8-17 décembre 2010 | Cour d'assises de Paris |
| Serge BIECHLIN et SA Grande Paroisse (AZF) | 1er appel | 3 novembre 2012 - février 2013 | Cour d'appel de Toulouse |
| Pascal SIMBIKANGWA (Rwanda) | 1ère instance | 4 février - 14 mars 2014 | Cour d'assises de Paris |
| Octavien NGENZI et Tite BARAHIRA (Rwanda) | 1ère instance | 10 mai - 7 juillet 2016 | Cour d'assises de Paris |
| Pascal SIMBIKANGWA (Rwanda) | Appel | 25 octobre - 3 décembre 2016 | Cour d'assises de Seine-Saint-Denis (Bobigny) |
| Serge BIECHLIN et SA Grande Paroisse (AZF) | Second appel | 24 janvier - 24 mai 2017 (délibéré rendu le 31 octobre 2017) | Cour d'assises de Paris |
| Octavien NGENZI et Tite BARAHIRA (Rwanda) | Appel | 2 mai - 6 juillet 2018 | Cour d'assises de Paris |
| Attentats terroristes des 7-9 janvier 2015 | 1ère instance | 2 septembre - 16 décembre 2020 | Cour d’assises de Paris (tribunal judiciaire de Paris) |
| Action en réparation contre l’État français de la traite négrière transatlantique et de l’esclavage | 1ère instance | 11-12 octobre 2021 | Cour d’appel de Fort-de-France |
| Claude MUHAYIMANA (Rwanda) | 1ère instance | 22 novembre - 16 décembre 2021 | Cour d’assises de Paris |
| Attentats terroristes du 13 novembre 2015 | 1ère instance | 8 septembre 2021 - 29 juin 2022 | Cour d’assises de Paris |
| Laurent BUCYIBARUTA (Rwanda) | 1ère instance | 9 mai - 12 juillet 2022 | Cour d’assises de Paris |
| Attentats terroristes des 7-9 janvier 2015 | Appel | 12 septembre - 20 octobre 2022 | Cour d’assises de Paris |
| Kunti KAMARA (Libéria) | 1ère instance | 10 octobre - 2 novembre 2022 | Cour d’assises de Paris |
| Attentat terroriste du 14 juillet 2016 à Nice | 1ère instance | 5 septembre - 13 décembre 2022 (audience civile du 3 au 5 janvier 2023) | Cour d’assises de Paris |
| Philippe MANIER (Rwanda) | 1ère instance | 10 mai - 28 juin 2023 | Cour d’assises de Paris |
| Sosthène MUNYEMANA (Rwanda) | 1ère instance | 14 novembre - 19 décembre 2023 | Cour d’assises de Paris |
| Kunti KAMARA (Libéria) | Appel | 5-27 mars 2024 | Cour d’assises de Paris |
| MAMLOUK - HASSAN - MAHMOUD (Syrie) | 1ère instance | 21-24 mai 2024 | Cour d’assises de Paris |
| Jacques FESCH | 1ère instance | 6 juin 2024 | Cour de cassation |
| Attentat terroriste du 14 juillet 2016 à Nice | Appel | 22 avril - 14 juin 2024 | Cour d’assises de Paris |
| Eugène RWAMUCYO (Rwanda) | 1ère instance | 30 septembre - 30 octobre 2024 | Cour d’assises de Paris |
| Attentat d'Eragny (assassinat de Samuel PATY) | 1ère instance | 4 novembre - 20 décembre 2024 | Cour d’assises de Paris |
| Otages de Daech (Syrie) | 1ère instance | 17 février - 20 mars 2025 | Cour d’assises de Paris |
| Majdi NEMA (Syrie | 1ère instance | 29 avril - 28 mai 2025 | Cour d’assises de Paris |