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Les 80 ans du procès du maréchal Pétain
Publié le 23 juillet 2025
Le 23 juillet 1945 s’ouvrait le procès du maréchal Pétain, poursuivi pour crime d’attentat contre la sûreté intérieure de l’État et intelligence avec l’ennemi. Durant trois semaines, la France entière va vivre au rythme des débats.
Dès 1944, un vaste mouvement d’épuration se met en place, s’attaquant aux collaborateurs, avérés et présumés. Cette épuration extra-judiciaire, animée d’un esprit de revanche et de vengeance, conduit à de nombreuses exactions. Pour y mettre fin, le gouvernement provisoire de la République française organise l’épuration judiciaire. L’ordonnance du 26 juin 1944 crée les cours de justice et les chambres civiques pour juger des faits de collaboration. Celle du 18 novembre 1944 recrée la Haute Cour de justice pour juger les responsables politiques du régime de Vichy, du chef de l’État aux secrétaires généraux.
C’est dans cette France libérée et avide de justice que s’ouvre, le 23 juillet 1945, devant la Haute Cour de justice, le procès de Philippe Pétain, chef de l’État français pendant l’Occupation allemande, mais qui fut également le héros de Verdun.
Pétain, contraint de suivre les Allemands dans leur retraite, reste à Sigmaringen de septembre 1944 à avril 1945. En son absence, son procès se prépare en France. Mais Pétain, soucieux de défendre son honneur, est finalement autorisé par les autorités allemandes à quitter Sigmaringen et trouver refuge en Suisse. Renonçant à l’asile offert par la Confédération suisse, il est remis aux autorités françaises le 26 avril et pris en charge par le général Koenig, héros de la France libre et de la bataille de Bir Hakeim. Il est ensuite transféré et interné au fort de Montrouge. Sa défense sera assurée par maîtres Fernand Payen, Jacques Isorni et Jean Lemaire.
« Gardes, faites entrer l’accusé »
À l’approche du procès, l’atmosphère est électrique en France. Le parti communiste demande avec véhémence la condamnation à mort. Le 23 juillet, beaucoup de gens ne peuvent entrer dans la salle d’audience et attendent dans les cafés autour du palais de justice de Paris, où se tient le procès, la sortie des avocats et des journalistes.
Vers 14h, le président Mongibeaux, premier président de la Cour de cassation, prononce la traditionnelle phrase : « Gardes, faites entrer l’accusé ». Pétain fait alors son entrée en uniforme kaki de maréchal de France, n’arborant qu’une décoration, la médaille militaire. Le sort de Pétain dépend désormais des 24 jurés, 12 parlementaires, 12 résistants.
Après la lecture de l’acte d’accusation, Pétain se lève et fait sa déclaration : « C’est le peuple français, qui par ses représentants, réunis en Assemblée nationale, le 10 juillet 1940, m’a confié le pouvoir. C’est à lui que je suis venu rendre des comptes. La Haute Cour, telle qu’elle est constituée, ne représente pas le peuple français, et c’est à lui seul que s’adresse le maréchal de France, chef de l’État. Je ne ferai pas d’autre déclaration. Je ne répondrai à aucune question. Mes défenseurs ont reçu de moi la mission de répondre à des accusations qui veulent me salir et qui n’atteignent que ceux qui les profèrent. »
Ne reconnaissant pas la compétence de la Haute Cour, Pétain refusera de répondre aux questions.
Un réquisitoire autour du thème de la France déshonorée
Durant la première semaine du procès vont se succéder à la barre les témoins de l’accusation, dont Paul Reynaud, ancien président du Conseil qui a fait entrer Pétain dans son gouvernement et l’a proposé comme successeur quand il a démissionné, l’ancien président Lebrun, les anciens présidents du conseil Édouard Daladier, Édouard Herriot ou Léon Blum, de retour de déportation. Ces témoignages s’avèrent peu probants et n’étayent pas la stratégie de l’accusation visant à démontrer l’existence d’un complot ourdi par Pétain pour abattre la Troisième République.
Se présentent ensuite les témoins de la défense. Coup de théâtre le 1er août : Pierre Laval, expulsé d’Espagne par Franco, a été remis aux autorités militaires françaises et se présente à la barre le 3 août. Présenté par maître Payen comme l’âme damnée de Vichy et témoin clé, sa prestation vise plus à préparer sa propre défense pour son procès qui s’ouvrira en octobre qu’à défendre ou accabler Pétain.
Le 11 août, le défilé des témoins s’achève et le procureur général, André Mornet, prononce ensuite son réquisitoire autour du thème de la France déshonorée. La défense dispose ensuite de deux audiences pour plaider en faveur du maréchal Pétain et tenter de restaurer son honneur. Le 14 août, les débats sont clos à 21h et les jurés se retirent pour délibérer avec le tribunal. La délibération dure toute la nuit.
Pétain, coupable d’intelligence avec l’ennemi et de haute trahison
Le verdict tombe le 15 août 1945 à 4h30. Suivant les réquisitions du procureur général Mornet, la Haute Cour déclare Philippe Pétain coupable d’intelligence avec l’ennemi et de haute trahison. Il est condamné à mort, à l'indignité nationale, et à la confiscation de ses biens. L’arrêt se termine par le vœu que la condamnation à mort ne soit pas exécutée compte tenu du grand âge de l’accusé. Sa peine est commuée en emprisonnement à perpétuité par le général de Gaulle.
Pétain meurt, incarcéré, à 95 ans, le 23 juillet 1951, à Port-Joinville sur l'île d'Yeu, où il sera inhumé.