Com.nat.de contrôle de la campagne pour l'élection présidentielle

Publié le 26 février 2017

Discours de Monsieur Jean-Jacques URVOAS, garde des sceaux, ministre de la justice

Installation de la Commission nationale de contrôle
de la campagne pour l’élection présidentielle (CNCCEP)

Conseil d’Etat, dimanche 26 février 2017

Discours du garde des Sceaux - Commission nationale de contrôle élection présidentielle - 26022017.pdf PDF - 283,81 Ko

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Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Vice-président,

Messieurs les Premiers Présidents,

Mesdames, Messieurs,

Je remercie le Conseil d’Etat de nous accueillir au Palais Royal, pour l’installation de la Commission nationale de contrôle de la campagne en vue de l'élection présidentielle, en ce jour inhabituel…

L’élection présidentielle est l’évènement majeur de la vie politique nationale, un moment privilégié de mobilisation des citoyens.

Comme l’a écrit le professeur Philippe Braud, « bien plus que "le 14 juillet", "le 11 novembre" ou "le 8 mai", l’élection présidentielle est actuellement la plus efficace de nos fêtes nationales » !

Son déroulement doit donc être irréprochable.

Tous les candidats doivent pouvoir bénéficier, de la part de l'Etat, des mêmes facilités.

C’est votre Commission qui est chargée d’y veiller depuis 1965.

Vous connaissez son rôle et son fonctionnement, je ne vais donc pas les rappeler, ni détailler sa composition.

Plusieurs d’entre vous y siégeaient déjà en 2012.

Elle n’est, naturellement, pas la seule autorité appelée à intervenir dans le cadre de l'élection présidentielle.

Ainsi par exemple, compte-tenu de l’importance des moyens de communication électronique, cette Commission s’est rapprochée, lors de la dernière élection, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Nul doute que cette année, vous apporterez une vigilance particulière aux risques d’attaques informatiques lors de la campagne.

Déjà fin décembre, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) ont mis en garde contre le risque de cyberattaques à motif politique.

Les partis politiques ont été convoqués le 28 octobre 2016 au SGDSN pour un séminaire de «sensibilisation à la sécurité numérique ».

Et l’Anssi s’est aussi rapprochée du Conseil constitutionnel pour partager la veille technique menée sur Internet afin de détecter d’éventuelles manipulations liées au scrutin.

Peut-être serez-vous conduit à élaborer des suggestions.

C’est d’ailleurs de ce rôle de force de proposition que j’ai choisi de vous entretenir.

Au lendemain de l’élection, vous ferez un rapport qui sera publié au Journal officiel (JO).

Ce fut ainsi le cas le 17 juillet 2012, ou encore le 10 octobre 2007.

Il viendra alors compléter d’autres regards concomitamment établis.

Ainsi publieront aussi des observations :

-      Naturellement le Conseil constitutionnel, qui est, au premier chef, chargé de veiller à la régularité de l'élection et de proclamer les résultats du scrutin.

Mais aussi :

-      Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA),

-      La Commission des sondages,

-      Et la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Les différentes propositions que contiendront ces rapports sauront alerter le législateur qui ne manquera pas de s’en inspirer pour faire évoluer le cadre normatif de l’élection.

Ainsi en novembre 2015, c’est sur la base de ces recommandations que j’avais déposé, comme président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, deux propositions de lois.

 

J’avais en effet observé que bien des suggestions, non seulement paraissaient de bonne intelligence, mais surtout qu’elles avaient déjà été énoncées en 2007, voire en 1988.

Il était donc temps, non pas de procéder à un chamboulement, mais à des ajustements utiles et consensuels.

 

Après un long débat parlementaire, ces lois furent promulguées le 25 avril 2016.

 

Elles visent à moderniser ce scrutin et renforcer la confiance des citoyens dans cette élection majeure, en sécurisant son déroulement  dans cinq grands domaines.

1 - Les parrainages

 

Les modalités de transmission des présentations au Conseil constitutionnel ont évolué.

Un décret du 22 décembre 2016 en précise les modalités.

Les formulaires de présentation signés par les élus doivent désormais être transmis par les élus signataires eux-mêmes

Et non plus par le candidat ou l’équipe de campagne.

Il  s’agit de garantir le caractère personnel et volontaire de l’acte de présentation d’un candidat.

La publicité des auteurs de présentations des candidats sera intégrale.

Et non plus seulement 500 parrainages tirés au sort par le Conseil constitutionnel.

Ainsi au fur et à mesure de la réception des parrainages, le Conseil constitutionnel rendra publics, au moins deux fois par semaine, le nom et la qualité des élus qui ont parrainé un candidat.

En le décidant, le législateur a voulu indiquer qu’un « parrainage » est une question de responsabilité politique : les élus doivent donc assumer publiquement leur choix.

Dans un même objectif de transparence, les déclarations de situation patrimoniale des candidats seront rendues publiques par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, 15 jours avant le premier tour de scrutin.

Cette évolution ne découle pas de la loi du 25 avril 2016 mais de la loi organique du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

2 - La campagne électorale audiovisuelle

 

Lors de ses vœux au Conseil Constitutionnel, le 7 janvier 2013, le chef de l’Etat avait indiqué son intention d’ « assouplir les règles d’accès des candidats aux médias » notammentpendant la période dite « intermédiaire ».

Ainsi, pour la période qui s'étend de la date de publication au Journal officiel de la liste des candidats à la veille de l'ouverture de la campagne officielle, c’est le principe d’équité qui s’appliquera.

Cette mesure avait été très discutée lors des débats parlementaires.

Mais elle correspond à l’une de vos recommandations, et du Conseil constitutionnel et du CSA.

Tous avaient souligné que la précédente stricte règle d’égalité était avant tout arithmétique, formaliste et déconnectée de la réelle représentativité électorale des candidats.

Et elle était très critiquée par les directeurs de chaînes, qui faisaient valoir les contraintes fortes sur leurs choix éditoriaux.

En revanche, à compter du début de la campagne officielle, l’accès  des  candidats  aux  médias  audiovisuels  reste  régi  par  une stricte égalité.

Enfin, il est fait obligation au CSA de publier, au moins une fois par semaine, dans un format ouvert et aisément réutilisable (open data), le relevé des temps consacrés à la reproduction et au commentaire des déclarations et écrits des candidats et à la présentation de leur personne jusqu’à la fin de la campagne officielle.

3 - Les opérations de vote

 

Là encore, reprenant une de vos propositions, la loi introduit une harmonisation de l’horaire de fermeture des bureaux de vote à 19 heures en métropole avec de possibles dérogations locales jusqu'à 20 heures.

 

Ce point est encore très méconnu.

Il s’agit d’éviter  la  diffusion  prématurée  de  résultats  partiels  de l’élection  ou  de  sondages  susceptibles  d’altérer  la  sincérité  du  scrutin.

Poursuivant le même objectif, la loi a aggravé les sanctions pénales qui répriment la divulgation de résultats de l’élection, par voie de presse ou par tout moyen de communication au public par voie électronique, avant la fermeture du dernier bureau de vote.

L’amende encourue a été portée de 3 750 euros à 75 000 euros, par parallélisme avec la peine applicable en cas de diffusion d’un sondage la veille ou le jour du scrutin.

Par ailleurs, les commissions de contrôle des opérations de vote prévues dans les communes de plus de 20 000 habitants ont été supprimées.

Elles faisaient double emploi avec les délégués du Conseil constitutionnel, désignés parmi  les  magistrats  de  l’ordre  judiciaire  ou  administratif et chargés de suivre sur place les opérations de vote.

4     - Les règles applicables aux Français de l'étranger

La loi organique du 1er août 2016 a mis fin à la possibilité de s'inscrire à la fois sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale dans une commune française.

Cette double inscription était à l’origine de nombreuses difficultés.

Cette mesure ne s’applique toutefois pas pour l’élection à venir.

Je n’y insiste donc pas.

Par contre, est applicable la disposition qui prévoit que la radiation du registre des Français établis hors de France entraîne, sauf opposition de la personne concernée, sa radiation de plein droit de la liste électorale consulaire.

Autre évolution, en référence à une autre de vos propositions, déjà exprimée en 2007, la loi organique a autorisé, par principe, la propagande électorale à l’étranger dans l’ensemble des pays.

Auparavant, celle-ci n’était possible que dans les seuls Etats membres de l’Union européenne ou parties à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il est donc mis fin à la discrimination qui existait entre les pays, sous réserve naturellement que la législation du pays en cause autorise une telle propagande sur son territoire.

Enfin, la loi a complété les interdictions de certaines formes de propagande électorale à l’étranger.

Ont ainsi été ajoutés  – par souci d’harmonisation avec les règles applicables en France – la prohibition des numéros d’appel gratuits (pendant les six mois précédant l’élection) et des appels téléphoniques en série aux électeurs (à partir de la veille du scrutin).

5 - Les comptes de campagne

La loi a renforcé les moyens de contrôle de la CNCCFP (comptes de campagne et des financementspolitiques).

 

Elle peut désormais recourir à des experts à même d'évaluer les coûts des services et des prestations retracés dans les comptes de campagne.

Ä Telles que l’impression de documents ou l’organisation de réunions publiques, en particulier lorsque ces prestations sont mutualisées.

En outre, concernant les sondages d'opinion, la loi du 25 avril 2016 a introduit des dispositions visant à améliorer la rigueur scientifique de leur réalisation.

Est notamment puni d'une amende de 75 000 euros, le fait d'utiliser le mot « sondage » pour des enquêtes portant sur des sujets liés au débat électoral et qui ne répondent pas à la définition du sondage telle qu'elle est énoncée par la loi.

Enfin, suivant vos recommandations, le décret du 22 décembre 2016 a modifié certaines règles encadrant l’usage des moyens de propagande.

-      Ainsi, a été rendue applicable aux professions de foi des candidats l’interdiction d’utiliser les trois couleurs nationales posée par l’article R. 27 du code électoral ;

-      Le contenu des petites affiches destinées à annoncer les réunions publiques des candidats a été assoupli.

Chaque candidat peut désormais faire mention du site internent de sa campagne et des identifiants de réseaux sociaux.

-      Les pouvoirs des commissions locales pour contrôler les opérations de mise sous pli de la propagande adressée aux électeurs ont été adaptés.

Il s’agissait de tenir compte du recours croissant à la sous-traitance par les préfectures,  lorsque ce mode opératoire ne s’effectue pas dans le département concerné par l’opération de mise sous pli.

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Je remercie à nouveau le Conseil d'Etat, plus particulièrement son secrétariat général qui assurera le secrétariat de la Commission pendant toute la durée de ses travaux.

Votre contribution, Monsieur le Vice-président, Messieurs les Premiers Présidents, Mesdames et Messieurs, est essentielle.

Huit semaines, jour pour jour, nous séparent du premier tour de scrutin de ce qui sera la dixième élection du Président de la République selon le suffrage universel direct sous la Vème République.

Dix semaines, du second tour.

Je sais que vous remplirez votre mission avec impartialité et sens des responsabilités.

Je vous remercie.

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