Typologie de contenus: Réaliser un reportage ou un documentaire au ministère de la Justice

Captation d'une audience

Procédure pour les juridictions de l’ordre judiciaire (hors Cour de cassation)

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Pour contribuer à une meilleure information du citoyen sur le fonctionnement de la justice, dans un souci de transparence et de pédagogie, il est désormais possible que les audiences de justice civile, pénale, économique ou administrative soient enregistrées ou filmées pour un motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique.

En effet, le décret d’application de l’article 1er de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021 publié le 1er avril et entré en vigueur le 2 avril 2022, autorise l’enregistrement sonore ou audiovisuel des audiences judiciaires et administratives.

Les captations des audiences pourront être diffusées uniquement lorsque l’affaire aura été définitivement jugée, avec l’accord et dans le respect des droits des parties : droit à l’image, respect de la vie privée, présomption d’innocence, droit à l’oubli, intérêt supérieur des mineurs ou des majeurs protégés.

Toutes les personnes filmées, professionnels comme justiciables, devront remplir un formulaire de consentement concernant la captation et la diffusion de leur image. Ces formulaires sont portés en annexe d’un arrêté publié parallèlement au décret d‘application.

La décision d'autorisation de captation des audiences des tribunaux judiciaires et cours d’appel sera donnée, après avis consultatif du ministère de la Justice, par le premier président de la cour d'appel pour les audiences de la cour d’appel et des juridictions de l'ordre judiciaire de son ressort.

Procédure pour les demandes de captations d'audiences

Les demandes d’autorisation d’enregistrement des audiences doivent suivre un circuit en plusieurs étapes :

1. Les médias doivent adresser une demande d’autorisation auprès du bureau de presse du ministère par mail à l’adresse presse-justice@justice.gouv.fr.

Cette demande doit comporter une note d’intention, détaillant :

  • le nom et les coordonnées postales du demandeur
  • l’audience devant être enregistrée, ou, a minima, la juridiction concernée et le type d’audiences
  • le motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique qui justifie la demande
  • les conditions d’enregistrement et de diffusion
  • le format du reportage ou du documentaire (durée finale après montage)
  • la chaîne le diffusant, ainsi que le nom de l'émission
  • l'angle général, avec une description circonstanciée du projet éditorial
  • la durée et les dates du tournage
  • la constitution de l'équipe de tournage
  • la/les juridictions dans lesquelles le tournage est envisagé.

Si le média n’a pas identifié une juridiction où le tournage pourrait avoir lieu, un contact avec le bureau de presse, préalablement à l’envoi de la demande d’autorisation, est recommandé. Le bureau de presse pourra alors utilement renseigner le média.

2. Dès lors que la juridiction de tournage est identifiable dans la demande du media, le bureau de presse la transmet sans délai à l’autorité décisionnaire compétente.

3. Le bureau de presse transmet ensuite l’avis de la chancellerie dans un délai de 15 jours à ladite autorité décisionnaire.

4. Le premier président de la cour d’appel doit rendre sa décision dans les 45 jours à compter de la réception de la note d'intention par le garde des Sceaux. Cette décision est notifiée sans délai au demandeur. L’absence de décision dans un délai de 45 jours à compter de la réception de la demande par le garde des Sceaux vaut décision implicite de rejet.

5. La décision de refus d’enregistrement peut faire l'objet d'un recours dans les huit jours de sa notification ou de la date à laquelle est née la décision implicite de rejet. Ce recours, qui n'a pas d'effet suspensif, est porté devant la Cour de cassation, lorsque la décision a été rendue par le premier président d'une cour d'appel.

6. Huit jours ouvrés avant la diffusion, le média/journaliste doit informer le bureau de presse par mail à l’adresse presse-justice@justice.gouv.fr, de la date de diffusion du reportage/documentaire.

Enregistrement : les obligations légales incombant aux médias

Consentement avant le tournage et l’enregistrement Une fois l’autorisation d’enregistrement délivrée par le premier président de la Cour d’appel concernée, le média qui prévoit d’enregistrer est soumis aux obligation suivantes :

  • pour une audience non publique, le média doit recueillir au préalable par écrit l’accord des parties au moyen des formulaires visés dans le décret d’application de l’article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881, et fixés par arrêté du ministère de la Justice. Ces formulaires sont téléchargeables ici et dans l’espace presse du site Internet du ministère ou pourront être communiqués au média par le bureau de presse.
  • pour une audience publique ou non publique pour laquelle un mineur ou un majeur protégé est partie, le média doit recueillir au préalable par écrit l’accord :

    - du mineur capable de discernement et de ses représentants légaux (ou de son administrateur ad hoc dans les audiences où ils sont désignés et lorsque les intérêts de l’enfant sont assurés par ce dernier), au moyen des formulaires visés dans le décret d’application de l’article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 et fixés par arrêté du ministère de la Justice - ces formulaires sont téléchargeables ici et dans l’espace presse du site Internet du ministère ou pourront être communiqués au média par le bureau de presse ;

    - du majeur protégé seul quand il bénéficie d’une mesure de protection à la personne ou de la personne chargée d’assurer la mesure de protection à la personne, au moyen des formulaires visés dans le décret d’application de l’article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 et fixés par arrêté du ministère de la Justice – ces formulaires sont téléchargeables ici et dans l’espace presse du site Internet du ministère ou pourront être communiqués au média par le bureau de presse.

    Les accords ne peuvent faire l’objet d’aucune contrepartie directe ou indirecte.

    Lorsqu’il s’agit d’une audience non publique ou d’une audience pour laquelle un mineur ou un majeur protégé est partie, le média doit justifier du recueil préalable des accords au président de la formation de jugement, avant le début de l’audience.

    L’absence de recueil des accords, ou le recueil des accords en méconnaissance des exigences fixées par les dispositions de l’article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et du décret d’application, engage la responsabilité du bénéficiaire de l’autorisation d’enregistrement.

Modalités techniques de tournage

Les modalités de l'enregistrement ne peuvent porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure et des débats, ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées, dont la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client.

Pour ne pas perturber la sérénité des débats, une discrétion particulière est requise dans l’installation et le fonctionnement des appareils d’enregistrement sonore et audiovisuel :

  • les enregistrements sont réalisés à partir de points fixes
  • le nombre de personnes autorisées à procéder à l’enregistrement et la disposition des appareils d'enregistrement à l'intérieur de la salle d'audience sont fixés en accord avec les chefs de juridiction ou leurs représentants.

L'autorisation de tournage peut être accompagnée de prescriptions relatives aux conditions techniques d'enregistrement et de diffusion. Par ailleurs, le président d’audience peut interrompre à tout moment l’enregistrement s’il l’estime nécessaire. L’enregistrement est, dans tous les cas, interrompu en cas de suspension d’audience et le média ne peut filmer les échanges entre un avocat et son client.

Diffusion : les obligations incombant aux médias

Consentement pour la diffusion

Les captations d’audience non utilisées dans le reportage/documentaire qui a fait l’objet de la demande initiale, ne peuvent en aucun cas être utilisées par ailleurs. Elles doivent être détruites.

La diffusion, intégrale ou partielle, de l'enregistrement n'est possible qu'après que l'affaire ait été définitivement jugée. En cas de révision d'un procès, en application de l'article 622 du code de procédure pénale, cette diffusion peut être suspendue.

L'image et les autres éléments d'identification des personnes enregistrées ne peuvent être diffusés qu'avec leur consentement donné par écrit avant la tenue de l'audience. Ce recueil se fait au moyen du formulaire visé dans le décret d’application de l’article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881, et fixé par arrêté du ministère de la Justice – ces formulaires sont téléchargeables ici et dans l’espace presse du site Internet du ministère ou pourront être communiqués par ailleurs au média par le bureau de presse.

La notion de personne enregistrée signifie toute personne filmée ou enregistrée en audio : les parties, les professionnels de la Justice (magistrats, personnels de greffe, huissiers, audienciers, etc.), avocats, témoins, experts, victimes, personnes dans la salle, etc.

Les personnes enregistrées peuvent rétracter ce consentement, au moyen du formulaire qui leur a été remis par le média, dans un délai de 15 jours à compter du lendemain du dernier jour de la dernière audience enregistrée.

En l’absence de consentement donné à la diffusion des images et des éléments d’identification, et dans le cas où celle-ci est interdite (pour les mineurs et les majeurs protégés, et pour tout le monde après 5 ans), le bénéficiaire d’une autorisation d‘enregistrement est tenu à une obligation d’occultation.

L’occultation implique que l’image et tout élément permettant l’identification directe ou indirecte des personnes enregistrées soient dissimulés, notamment que les éléments relatifs à l’état civil soient modifiés ou masqués, les visages et les silhouettes floutés et les voix déformées. L’occultation des mineurs implique aussi celle de leurs parents et entourage.

Les consentements ne peuvent faire l’objet d’aucune contrepartie directe ou indirecte.

Protection du droit de l’image et de la vie privée des parties, respect du secret de l’instruction

L'image et les autres éléments d'identification des mineurs ou des majeurs bénéficiant d'une mesure de protection juridique ne peuvent, en aucun cas, être diffusés. Il en va de même pour les fonctionnaires dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l’anonymat.

Aucun élément d'identification des personnes enregistrées ne peut plus être diffusé cinq ans après la première diffusion de l'enregistrement ni dix ans après l'autorisation d'enregistrement.

Les échanges ne relevant pas du déroulement public de l’audience ne peuvent pas être diffusés, notamment ceux entre l’avocat et son client.

La diffusion intégrale ou partielle des enregistrements doit retracer fidèlement les débats.

L’enregistrement est diffusé dans l’objectif de donner une information exacte au public.

La cession des droits sur les images enregistrées emporte de droit transfert au cessionnaire des obligations et interdictions prévues par la loi.

Diffuser un enregistrement sans respecter les conditions prévues par la loi est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

(Article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881)