[Archives] Rencontres nationales de la sécurité routière

Publié le 07 mars 2007

Discours de Pascal Clément, Garde des Sceaux, ministre de la Justice

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Monsieur le Ministre,

Messieurs les Présidents et Directeurs,

Madame le Délégué Interministérielle à la Sécurité Routière,

Mesdames et Messieurs,

Chantier prioritaire du Président de la République, la lutte contre la délinquance routière constitue, depuis 2002, un axe fort de la politique pénale du ministère de la Justice.

Ainsi, plusieurs textes législatifs ont été adoptés afin de renforcer la répression en matière de circulation routière.

Ces textes ont modifié de manière significative les dispositions applicables. Ils ont permis d’une part de punir plus sévèrement les comportements dangereux de certains conducteurs et d’autre part de diversifier les réponses pénales.

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La loi du 3 février 2003 a instauré la répression de la conduite sous l’influence de produits stupéfiants, et l’a érigée en circonstance aggravante en cas d’homicides ou de blessures involontaires.

Quelques mois plus tard, la loi du 12 juin 2003 a renforcé l’efficacité de la justice pénale dans le traitement du contentieux routier et davantage responsabilisé les conducteurs.

  • Elle a alourdi les peines d’emprisonnement sanctionnant les atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne,
  • Elle a aggravé la répression de la récidive en matière routière,
  • Elle a durci les peines complémentaires en supprimant les « permis blancs » et en instaurant l’annulation automatique du permis de conduire en cas d’homicide ou de blessures involontaires aggravées.
  • Elle a, en outre, créé la peine complémentaire de stage de sensibilisation à la sécurité routière, qui, lorsqu’elle n’est pas respectée, peut donner lieu à de nouvelles poursuites.

Enfin, la loi du 9 mars 2004 a « correctionnalisé» la conduite sans permis de conduire ou sans assurance.

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En même temps, l’ensemble des parquets a adopté une politique pénale réactive faisant appel à tout l’éventail de la réponse pénale afin d’absorber les conséquences de cette correctionnalisation :

  • Ainsi, le recours aux poursuites par ordonnance pénales ou par voie de composition pénale en matière délictuelle, notamment dans le domaine des Conduites en Etat Alcoolique, a été développé.
  • La procédure de Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité dans le domaine des Conduites en Etat Alcoolique et des infractions de conduite malgré suspension ou annulation du permis de conduire a été mise en place par plusieurs parquets.
  • Enfin, le recours à la comparution immédiate à l’encontre des récidivistes – notamment en matière de Conduites en Etat Alcoolique – ou pour les affaires les plus graves a permis d’accélérer les procédures.

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Parallèlement, pour étayer la lutte contre la délinquance routière, les parquets ont développé de nombreuses initiatives partenariales dans une volonté de renforcer la prévention.

A côté des stages de sensibilisation à la sécurité routière qui sont largement mis en œuvre au titre des alternatives aux poursuites ou des sanctions, de multiples initiatives innovantes ont été mises en place par certains parquets, notamment par l’intermédiaire de réunions régulières avec les acteurs médicaux ou par la pose d’un appareil éthylométrique contrôlant le démarrage du véhicule.

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Par ailleurs, je voudrais évoquer le contrôle automatisé de la vitesse mis en place depuis la fin de l’année 2003.avec les résultats très positifs qui ont été décrits lors des tables rondes.

Les perspectives en la matière se concentrent aujourd’hui sur l’élargissement des infractions qui pourraient être constatées par ce procédé comme, par exemple, le non respect des feux ainsi que sur l’amélioration de l’identification et de la sanction des contrevenants immatriculés à l’étranger.

Un accord a en ce sens été signé le 14 mars 2006 avec l’Allemagne, dont la ratification est en cours. D’autres suivront avec les autres états riverains : l’Espagne, la Suisse, la Belgique puis l’Italie.

En outre je tiens à appeler votre attention sur deux dispositions de la loi relative à la prévention de la délinquance, adoptée récemment par le parlement :

  • L’une qui prévoit la possibilité de retenir le véhicule d’un contrevenant ne résidant pas en France s’il est redevable d’amendes définitives ;
  • L’autre qui transpose en droit interne la décision-cadre de l’Union Européenne du 24 février 2005 relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires, qui permettra également de favoriser le recouvrement des amendes que les contrevenants ne paieraient pas spontanément. Le décret nécessaire pour en définir les modalités est d’ores et déjà en cours d’élaboration.

Le contrôle automatisé sera d’autant mieux accepté qu’il s’appliquera à tous, avec la même fermeté.

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Toutes ces innovations, tous ces efforts, se traduisent dans les faits par une augmentation notable de l’activité juridictionnelle et par un accroissement de la sévérité des décisions de justice.

Si 205 000 condamnations pour délits routiers ont été prononcées en 2001, 236 00 l’ont été en 2005.

En 2000, les peines d’emprisonnement prononcées en matière d’homicides involontaires, représentaient 20% des condamnations avec une durée moyenne d’emprisonnement de 9,2 mois. En 2004, elles représentaient 30% des condamnations avec une durée moyenne d’emprisonnement de 19,4 mois.

Cette sévérité a également été élargie à la conduite sous l’empire d’un état alcoolique en récidive qui représente près de 30 % des condamnations en 2005 avec une peine moyenne d’emprisonnement de 3,6 mois.

En contrepartie de cette répression, nous avons la satisfaction de constater un net recul des poursuites pour homicides et blessures involontaires :

En 2003, 17 000 condamnations ont été prononcées pour des atteintes aux personnes. Leur nombre a chuté à 11 000 en 2005, ce qui correspond à une baisse de 33% pour les blessures involontaires et une baisse de 23% pour les homicides involontaires.

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Comme vous le voyez, les efforts menés par l’institution judiciaire en concertation avec les autres acteurs de la sécurité routière ont porté leurs fruits.

Néanmoins des statistiques récentes ont montré une recrudescence des accidents mortels de la circulation et prouvent qu’en ce domaine rien n’est définitivement acquis. La mobilisation qui est la nôtre doit impérativement être poursuivie.

Par une circulaire du 16 février 2007, j’ai donné aux parquets de nouvelles instructions visant à relancer la lutte contre la délinquance routière.

J’ai rappelé aux procureurs les cinq objectifs prioritaires de la politique pénale en matière de lutte contre les violences routières qui leur avaient déjà été assignés en 2004 :

  • une mobilisation de tous les services de l’Etat ;
  • une prise en considération spécifique des victimes ;
  • une réponse pénale plus efficace ;
  • une réponse pénale affermie ;
  • des réponses pénales partenariales.

Dans le même esprit je les ai incité à prononcer d’avantage la confiscation du véhicule des auteurs des infractions les plus graves qui est une mesure qui marque vraiment l’esprit de celui qu’elle frappe et qui alors prend conscience qu’il a commis une faute grave

Je les ai également incités à approfondir la prise en compte des victimes qui n’a cessé de progresser, notamment à travers l’intervention de plus en plus fréquente du secteur associatif. Je rappelle ainsi que, lors de la réunion du conseil national d’aide aux victimes du 8 décembre dernier, j’ai voulu que « l’amélioration de la prise en charge des victimes d’accidents de la circulation » soit le thème de réflexion de cette instance.

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Parce qu’elle est à l’origine de trop de drames humains, la délinquance routière est devenue un objectif de politique pénale.

S’appuyant sur un arsenal pénal renforcé, l’institution judiciaire a pris toute sa part dans la lutte contre ces comportements autrefois banalisés. Les résultats enregistrés sont suffisamment encourageants pour nous inciter à la poursuite de ces efforts sur le long terme.

Je vous garantis que vous pouvez compter sur la détermination de l’institution judiciaire et de ses représentants.

Je vous remercie de votre attention.