[Archives] Rencontres internationales des autorités anti-corruption

Publié le 16 juin 2016

Discours de Jean-Jacques URVOAS, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Conclusion des Rencontres internationales des autorités anti-corruption, pour une meilleure coopération judiciaire internationale

20160616Discours du GDS cloture rencontres internationales des autorités anticorruptionOCDE.pdf PDF - 292,29 Ko

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OCDE – Jeudi 16 juin 2016

Seul le prononcé fait foi

Je vous remercie, Monsieur l’Ambassadeur Curia, de nous avoir fait l’honneur de venir de Buenos Aires pour animer ces rencontres en qualité de modérateur principal.

Je souhaite également remercier chaleureusement mon homologue britannique, Jeremy Wright, pour sa présence parmi nous.

Mesdames et Messieurs, la France est très heureuse de vous avoir accueillis pour ses rencontres internationales consacrées à la lutte contre la corruption, et je vous remercie de votre participation et de votre présence.

Je remercie vivement nos partenaires dans le cadre de ces rencontres : l’OCDE, la Banque mondiale et les autorités Britanniques, pour leur soutien et la qualité de nos échanges. Sans vous, ces rencontres n’auraient pas pu avoir lieu.

Je salue enfin la qualité des modérateurs et des intervenants des différentes tables rondes.

Grâce à vous, des débats riches et audacieux sur ces enjeux et ces bonnes pratiques ont été menés !

Ce ne fut pas en effet, un symposium théorique même si le sujet en offrait la matière car en français, il existe dans le domaine de la corruption, plusieurs notions voisines ou complémentaires issues du droit, ou du langage quotidien : concussion, trafic d’influence, prévarication, pots de vins…

Chacune est précieuse pour définir le périmètre mais tel n’était pas l’objet de ce rendez-vous.

Notre ambition première était plus concrète et à dire vrai plus prometteuse : construire et proposer un cadre d’échange à visée opérationnelle.

Que les résultats viendraient des relations humaines entre les praticiens, de la coopération professionnelle sur des dossiers communs.

Et sur ce plan, le pari est réussi, puisque vous avez été près de 200 participants, représentant près de 60 pays, en provenance des 5 continents.

Je veux donc saluer en particulier M. Robert Gelli, directeur des Affaires criminelles et des grâces, et son équipe. Il est à l’origine de ces rencontres, car c’est lui qui a su convaincre, au sein du ministère de la Justice, de la pertinence de ce format. Il a défendu l’idée que ces rencontres internationales entre praticiens présentaient une réelle valeur ajoutée, et je crois qu’au terme de ces trois journées, la démonstration en est faite.

Ce succès illustre combien le défi est mondial. Et qu’il le fut de tous temps. Car il faut bien constater que la corruption est inhérente à la nature humaine. Aucune époque n’a été exempte de cette tare.

Celle-ci est hélas universelle, comme l’incorruptibilité elle-même, mais cette dernière est beaucoup moins répandue.

Elle n’a épargné, n’épargne et n’épargnera aucune profession, aucun groupe social, même ceux qui par nature devraient rester au-dessus de tout soupçon.

D’ailleurs dans l’un de ses livres, le grand romancier français du XIXe siècle, Balzac, la définissait comme « l’arme de la médiocrité ».

La corruption est aussi un symptôme. Elle dit quelque chose de l’état de santé d’une société. La présence ou l’absence de probité, le degré avec lequel la droiture et la moralité se manifestent, constituent des indicateurs.

Je veux même aller plus loin ; la confiance publique, au sein d’une société, est un marqueur de civilisation.

Voilà pourquoi, il est particulièrement réjouissant de vous voir tous ici réunis, animés par une même volonté concrète de partage sur les outils et sur le cadre juridique adéquat pour mener à bien vos missions.

Nul doute que cette rencontre aura demain des conséquences positives liées aux contacts qui ont pu se nouer, aux bonnes pratiques qui ont été présentées, et aux volontés qui ont pu se manifester dans les ateliers.

Si ce colloque a permis de donner une véritable impulsion à la lutte contre la corruption, alors son ambition est dépassée.

Si demain la coopération judiciaire internationale connait un nouvel élan, en raison de ces liens personnels nouvellement tissés, alors nous aurons – ensemble - fait œuvre utile.

Je souhaite donc que ces rencontres ne restent pas sans lendemain. J’espère que des décisions seront prises pour contribuer à les inscrire dans la durée. Au cours de vos débats, les différents intervenants français ont cherché à faire partager leurs moyens d’actions et leurs réflexions.

Notre pays, a depuis trois ans, souvent eu l’occasion d’agir dans ce domaine et de renforcer son arsenal.

Cela nous a conduits à adapter notre architecture judiciaire en créant un parquet national financier ou en imaginant une « haute autorité de la transparence de la vie publique ».

J’en profite pour saluer Madame Eliane Houlette, qui dirige le premier et Monsieur Guillaume Valette-Valla qui est le secrétaire général de la seconde.

La création du parquet financier s’est accompagnée de la mise en place d’un office central de police judiciaire, spécifiquement dédié à la corruption et aux infractions financières et fiscales.

Cet office central vient compléter un dispositif policier qui comprend des services régionaux spécialisés en matière économique et financière. Il est doté de plus de 80 enquêteurs et fonctionnaires spécialisés.

Cela nous a permis des progrès tangibles : en 4 ans, le nombre d’enquêtes pénales ouvertes en France du chef de corruption d’agents publics étrangers a doublé !

Nous sommes heureux d’avoir constaté que bien des organisations comme l’OCDE avaient salués les progrès ainsi accomplis.

Cela nous conforte dans notre détermination à poursuivre dans cette voie, conformément aux engagements pris ces dernières années, notamment dans le cadre du G20 ou de l’Organisation des Nations Unies contre la Drogue et le Crime.

Concrètement, de nouvelles mesures sont actuellement en discussion en France dans le cadre du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique que nous sommes trois ministres à porter.

Vous les avez évoqués dans des tables rondes, mais je veux les rappeler :

-       Création d’une obligation de prévention contre les risques de corruption pesant sur certaines sociétés ; 

-       Adoption d’une peine dite de mise en conformité, qui pourra être prononcée par le juge pénal à l’encontre d’une entreprise condamnée du chef de corruption ou de trafic d’influence ;

-       Extension de la peine complémentaire de publicité des condamnations à toutes les infractions dites d’atteinte à la probité ;

-       Elargissement de l’infraction de trafic d’influence à l’hypothèse où les faits impliqueraient un agent public étranger ;

-       Effacement des entraves au plein déploiement de la compétence des autorités de poursuite françaises, en matière de corruption et de trafic d’influence, lorsque ces faits ont été commis à l’étranger ;

-       Création d’une Agence interministérielle, qui aura des pouvoirs d’investigation et de sanction.

Ce sont autant d’armes et de boucliers qui nous aideront dans cette lutte mondiale. Car comme l’a rappelé le Président de la République en ouvrant les travaux mardi : l’engagement de la France sera indéfectible !

 

Mesdames, Messieurs,

Pour conclure, j’en appelle à une phrase que j’ai lue dans un livre de l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun :

 « La corruption, c’est le manque de dignité ».

Cela vaut pour un Etat, pour une économie, pour une société, pour un être humain.

Pour que la dignité soit là, pour que la dignité demeure, chacun d’entre nous, chaque praticien, chaque autorité, chaque pays, doit s’engager dans ce combat mondial. C’est un beau défi que nous relevons ensemble !

Je vous remercie.

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