[Archives] Rencontre avec les syndicats de magistrats et de SPIP
Publié le 14 février 2011
Discours de M. Michel Mercier, Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés
Il y a près d’un mois, le mercredi 19 janvier dernier, à Pornic, en Loire Atlantique, Laetitia PERRAIS, une jeune fille de 18 ans a disparu. Une enquête a été ouverte dans le cadre d’une présomption d’enlèvement et un suspect, Tony MEILHON a été identifié et interpellé, dès le 20 janvier. Ce suspect a été mis en examen le 22 janvier pour enlèvement et séquestration suivi de mort. Dès le 24 janvier, j’ai diligenté des inspections administratives pour que toute la lumière soit faite sur le fonctionnement de la chaine pénale dans cette affaire et que des réponses soient apportées aux dysfonctionnements qui pourraient être observés.
Le 11 février dernier, les rapports de l’inspection générale des services judiciaires et de l’inspection des services pénitentiaires ont été communiqués.
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Il est rapidement apparu que l’intéressé, libéré de prison le 24 février 2010, devait faire l’objet d’un suivi dans le cadre d’un SME pour outrage à magistrat et menaces. Ce dossier a été transmis par le service d’application des peines du TGI de Nantes avant même la libération de Monsieur MEILHON, le 24 novembre 2009 avec mention « urgent, saisir le SPIP ». Ce dossier a été enregistré par le SPIP le 9 décembre 2009, il n’a pas été affecté nominativement à un travailleur social eu égard à la nature de l’infraction. De ce fait, si Monsieur MEILHON a bénéficié d’un suivi effectif en milieu fermé, il n’a pas été suivi après sa libération en milieu ouvert.
Par ailleurs, il a été constaté par les inspections sur la gestion du dossier de Monsieur MEILHON :
- un suivi antérieur dans le cadre d’une mise à l’épreuve prononcée en 2001 non transmis au SPIP en raison d’une erreur de gestion, n’a pas été mis en œuvre ;
- une absence de liaison entre les conseillers d’insertion du milieu fermé et du milieu ouvert ;
- une mauvaise utilisation des moyens informatiques des suivis des dossiers ;
- des critères d’affectation des dossiers méconnaissant le principe d’individualisation des suivis, ne tenant pas suffisamment compte du profil des personnes condamnées ;
- des carences manifestes au niveau de l’organisation des services (absence de réactivité de la hiérarchie, gestion des RH défaillantes…) et dans la circulation des informations entre les différents acteurs ;
Les inspections ont également révélé concernant le fonctionnement des services :
- des choix inadaptés sur l’affection des moyens, tant au niveau de la juridiction du TGI de Nantes que de la cours d’appel de Rennes, alors qu’ils auraient pu être affectés notamment au service de l’application des peines, qui avaient appelé l’attention de sa hiérarchie à plusieurs reprises sur sa situation ;
- l’audit de la DAP concernant le SPIP de Nantes, dont les conclusions ont été transmises en septembre 2010 à la direction interrégionale des services pénitentiaires n’ont pas été prises en compte. Certaines recommandations visaient les carences décrites antérieurement et proposaient des solutions ;
- des charges de travail lourdes pesant sur les deux services et une inadéquation des moyens à la charge réelle de l’activité (quatre postes de conseillers insertion probation manquants, deux postes de greffier et un poste de juge d’application des peines vacants).
S’agissant des conclusions à tirer de ses rapports :
- en ce qui concerne les suites à donner sur le plan d’éventuelles sanctions, je prendrai mes responsabilités et vous ferai part dans les prochaines de mes conclusions ;
- sur le fond des choses, j’ai toujours indiqué que mon principal souci était de mettre un terme à travers cette triste affaire, aux dysfonctionnements observés par une remise à plat de l’organisation et des méthodes sur le plan national.
A la demande du Président de la République et du Premier ministre, je viens de proposer aux organisations syndicales de les retrouver rapidement, sous forme de groupes de travail, afin d’évoquer les questions suivantes :
- l’organisation des services pénitentiaires d’insertion et de probation (bilan des orientations 2009, organigramme, rôle de l’encadrement, répartition des charges et des ressources humaines…) ;
- l’évaluation de l’activité et des moyens des services de l’application des peines au sein des juridictions ;
- les modalités du suivi des personnes condamnées, et en particulier des récidivistes et des délinquants sexuels…
En parallèle et afin d’enrichir ce travail, une inspection conjointe justice/finances va être lancée sur l’ensemble de ces questions.
Une organisation nouvelle est recherchée. Des moyens complémentaires y seront immédiatement consacrés. Ils prendront la forme :
- d’un triplement du budget consacré en 2011 à la réserve judiciaire et pénitentiaire, ce qui permet de dégager dès maintenant 5 millions d’euros pour des vacations supplémentaires, principalement consacrés aux services de l’exécution et de l’application des peines et aux SPIP,
- de l’anticipation dès 2011 de l’arrivée dans les services en 2012 de 400 greffiers avec la mobilisation du même nombre de vacataires ;
- de l’augmentation des crédits consacrés aux juges de proximité.
Par ailleurs, et pour conclure, je me suis engagé auprès des organisations syndicales à ne pas envisager la mise en œuvre de nouvelles réformes sans évocation des moyens nécessaires.