[Archives] Rencontre avec les chefs d'établissement pénitentiaire
Publié le 10 décembre 2007
Discours du Garde des Sceaux, Chancellerie
Rachida Dati rend hommage à l'ensemble du personnel pénitentiaire
Monsieur le Directeur de l'administration pénitentiaire,
Messieurs les directeurs interrégionaux,
Mesdames et Messieurs les chefs d'établissement,
Mesdames et Messieurs,
C’est avec beaucoup de plaisir que je vous accueille aujourd’hui place Vendôme.
Je tenais particulièrement à cette rencontre. C’est pour moi l’occasion de rendre hommage au travail que vous faites. C’est pour moi aussi l’occasion de rendre hommage à travers vous à toute l’administration pénitentiaire.
Les chefs d’établissement sont la colonne vertébrale de cette administration. Je sais que votre métier est exigeant. Vous êtes des animateurs d’équipes. Vous êtes des gestionnaires et des décideurs. Vous avez de lourdes responsabilités.
Que vous soyez directeurs des services pénitentiaires ou officiers, votre disponibilité est totale : le jour comme la nuit, la semaine comme le week-end. Les rapports d’événements le montrent bien.
Le 17 novembre, à la maison d’arrêt de Béthune, il a fallu procéder à l’évacuation de 400 détenus suite à une panne de chauffage. Tout cela n’a pris que quelques heures.
Le 2 décembre, un surveillant est décédé dans un incendie à Toul. J’ai appelé le chef d’établissement, Gérard François. Il a reçu la famille. Les personnels présents étaient sous le choc de l’émotion. Il a pris en charge l’équipe.
Votre métier impose une grande réactivité. Il nécessite beaucoup de sang-froid. Je sais qu’il est difficile.
Votre engagement est sans faille, même dans les moments douloureux. Depuis le début de l’année, 427 de vos collaborateurs ont été victimes d’agressions. Claude d’Harcourt, votre directeur le sait très bien, je serai toujours à vos côtés dans ces situations difficiles. J’ai demandé à tous les Parquets d’engager des poursuites systématiques en cas d’agressions contre les personnels. La prison est un espace de droit. Je veillerai à ce qu’elle le reste et que les coupables soient toujours punis.
L’univers pénitentiaire est en plein changement. Depuis mon arrivée place Vendôme, j’ai lancé d’importantes réformes. Certaines ont déjà abouti. D’autres sont en cours. Je veux que vous soyez, directeurs interrégionaux et chefs d’établissement, les acteurs de ces changements.
Je veux qu’ensemble nous posions un nouveau regard sur la détention. (I)
Je veux qu’ensemble nous portions un nouveau regard sur votre métier. (II)
I/ Je veux qu’ensemble nous posions un nouveau regard sur la détention
Les conditions actuelles de détention sont difficiles. Ce n’est pas porter atteinte à votre travail que de le dire. Je sais que vous vous investissez pleinement dans votre mission.
1) Vous êtes les garants du respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes détenus. C’est une responsabilité importante. Vous avez l’obligation de travailler dans la transparence.
La loi du 30 octobre institue un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Elle renforce encore cette transparence. Vous avez soutenu la création de cette nouvelle institution. Je vous en remercie. Vous avez montré qu’il n’y avait rien à cacher dans les prisons. Vous pouvez en être fiers. Le décret d’application de cette loi est aujourd’hui prêt. Nous allons le finaliser avec les autres départements ministériels.
Par ailleurs, la France souhaite s’appuyer sur les règles pénitentiaires européennes. Elles sont une véritable charte d’action. Je salue les efforts de la Direction de l’administration pénitentiaire pour les mettre en œuvre.
2) Il faut ensuite améliorer les conditions de travail et de détention au sein des établissements.
Les prisons françaises souffrent de la surpopulation carcérale et de la vétusté de certains établissements.
Actuellement, vous le savez, plus de 61.000 personnes sont incarcérées pour 50.000 places disponibles. Le taux d’occupation dépasse les 121%. La situation dans les établissements d’Outre-mer est encore plus préoccupante.
Cette surpopulation touche bien évidemment les détenus. Ils souffrent de promiscuité. Leur droit à l’intimité ne peut pas toujours être respecté.
Les personnels des établissements en subissent aussi les effets. Leur travail est plus difficile. Les tensions avec les détenus sont plus nombreuses. Il faut faire preuve de vigilance à chaque instant.
Cette situation est accentuée dans les établissements les plus anciens. Vous le savez, sur l’ensemble de nos établissements, près de 100 ont été construits avant 1912. Ces bâtiments ne sont plus adaptés aux exigences actuelles. Ils ne permettent plus d’assurer une prise en charge convenable des détenus. Les conditions d’hygiène sont insatisfaisantes. Votre sécurité et celle de vos collaborateurs est souvent difficile à assurer.
C’est pourquoi le Gouvernement a choisi de renforcer les moyens de l’administration pénitentiaire. En 2008, l’administration pénitentiaire verra ses crédits augmenter de 6,4% pour atteindre 2,4 milliards d’euros.
Le budget prévoit la création de 1.100 postes supplémentaires dans l’administration pénitentiaire. Votre administration est la première administration de l’Etat en nombre de créations de postes. Dans la plupart des autres administrations, il y a des suppressions de postes. Aucune autre administration ne bénéficie d’un tel effort. Ces créations de postes permettront notamment d’ouvrir les nouveaux établissements pénitentiaires.
Je vous l’ai dit. Je suis particulièrement attentive à la sécurité des personnels. Je garde en mémoire l’évasion survenue à Grasse le 14 juillet dernier. Les personnels de la maison d’arrêt ont couru un risque important. Il faut agir contre les évasions par la voie aérienne. Il y a bien sûr des travaux de sécurisation à réaliser dans les établissements. Il faut aussi agir en amont, en lien avec les sociétés d’hélicoptère. Un projet était envisagé depuis 2005. Il n’avait jamais abouti. Eh bien, j’ai demandé qu’un accord soit trouvé dans les deux mois. Un protocole a été signé le 12 septembre entre les différents partenaires.
L’effort financier portera également sur l’immobilier. Sept nouveaux établissements ouvriront leurs portes en 2008. Sept autres ouvriront en 2009. Je salue à cette occasion le travail réalisé par l’agence de maîtrise d’ouvrage du ministère. Son directeur, Jean-Pierre Weiss, est là : vous pourrez le rencontrer pendant le déjeuner. L’agence travaille avec la direction de l’administration pénitentiaire. Je pense en particulier au programme de rénovation des Baumettes. L’agence en assure la maîtrise d’ouvrage en lien direct avec la DAP.
Notre effort budgétaire vous est consacré en priorité. Il vous permettra ainsi qu’à vos équipes de travailler dans de meilleures conditions. Il permettra aussi d’améliorer la prise en charge des détenus.
Créer des places en prison ne changera pas tout.
3) Pour changer la détention, il faut développer les aménagements de peine.
Ce n’est pas contradictoire. L’incarcération n’est pas une solution de long terme. Elle n’est qu’un passage. Nous devons profiter du temps de détention pour préparer celui de la sortie. Il faut éviter les « sorties sèches ». L’aménagement des peines est un outil qui facilite la réinsertion et limite la récidive.
A l’heure actuelle, 10% des personnes condamnées bénéficient d’un aménagement de peine. 2.307 personnes sont placées sous bracelet électronique, 1.724 personnes sont placées en semi-liberté et 800 en placements extérieurs. En un an, les aménagements de peine ont progressé de 39%.
Le décret du 16 novembre 2007 représente sur le terrain une réelle avancée. Il facilite les aménagements de peine et assouplit le régime des permissions de sorties pour favoriser la recherche d’un logement ou d’un emploi.
En tant que chef d’établissement, vous participez pleinement à cette politique d’aménagement des peines. Je veux souligner votre rôle dans la préparation des projets de sorties.
Le budget du ministère de la Justice pour 2008 consacrera 5,4 millions d’euros au financement des bracelets électroniques fixes ou mobiles. 3 000 bracelets seront disponibles.
Vous êtes aussi à l’origine de projets innovants pour aider les détenus. Je pense par exemple à Jean-Paul Chapu, chef de la maison d’arrêt de Valenciennes qui est à l’initiative de la « Ch’ti-Ventoux ». Cette traversée de la France à vélo a montré que la réinsertion passe par l’effort individuel et collectif. C’est une initiative originale.
De la maison d’arrêt de Valenciennes au sommet du Mont-Ventoux, on voit que les missions du chef d’établissement sont diverses. Votre place est essentielle. C’est pour cela que votre statut de chef d’établissement doit être à la mesure de votre rôle.
II- Je veux qu’ensemble nous portions un nouveau regard sur votre métier
Votre métier est en constante évolution. Vous êtes des femmes et des hommes d’action. En tant que manager d’équipes, vous êtes les moteurs du changement.
Je souhaite que votre métier soit davantage mis à l’honneur.
1) Sur le plan statutaire, des avancées très significatives ont été réalisées en 2006 et en 2007. Elles concernent aussi bien les directeurs des services pénitentiaires que les officiers. A compter du 1er janvier 2008, votre régime indemnitaire sera modernisé.
Il reposera sur une indemnité de fonctions et d’objectifs. Elle tiendra davantage compte de vos responsabilités.
2) Je souhaite également renforcer le suivi individualisé de vos carrières. Nous devons détecter les talents et mettre les bonnes personnes aux bons postes. Je pense notamment aux officiers. Sur l’ensemble de nos établissements, 91 sont dirigés par des officiers. L’administration pénitentiaire a toujours reconnu les talents de ses cadres. Je sais que certains parmi vous ont commencé comme surveillant. Ils ont pu avancer dans la carrière grâce à leurs mérites. Il faut encourager les promotions internes.
3) Ce suivi individualisé des carrières sera complété par un véritable accompagnement professionnel. Vous avez parfois le sentiment d’être seuls. Vous êtes quotidiennement confrontés à la détresse humaine. L’exigence de votre métier nécessite d’améliorer sans cesse la formation continue qui vous est proposée.
4) Je souhaite enfin que vos liens avec vos différents partenaires soient intensifiés. Je pense tout particulièrement à l’autorité judiciaire. Vous êtes également les acteurs des partenariats avec le monde institutionnel et associatif. Ces partenariats doivent être développés. Ils contribuent au meilleur fonctionnement de vos établissements.
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Mesdames et Messieurs,
Comme vous le voyez, vous occupez une place centrale dans notre système pénitentiaire. Je souhaite que vous soyez les acteurs de son évolution.
Il connaîtra d’importants changements dans les prochains mois avec la loi pénitentiaire. Cette loi est en cours d’élaboration. Elle sera présentée au Parlement au premier semestre 2008.
Les chefs d’établissements ont largement été associés aux travaux du Comité d’orientation restreint. Trois directeurs et un officier des services pénitentiaires en étaient membres. Leurs contributions ont été particulièrement appréciées.
La nouvelle loi pénitentiaire sera l’occasion d’un débat national. La loi fixera le nouveau cadre de notre politique pénitentiaire. Elle guidera notre action pour les années à venir.
Elle s’attachera au respect de la personne humaine durant la privation de liberté. Elle précisera clairement les droits et devoirs des personnes détenues. Je pense par exemple à la possibilité d’élire domicile au centre pénitentiaire.
Je pense également au développement de la formation et de l’enseignement en détention.
La loi pénitentiaire n’oubliera pas les personnels de l’administration pénitentiaire. Des développements seront consacrés au renforcement de la protection statutaire des personnels. Des règles de déontologie seront élaborées.
Je souhaite que la loi pénitentiaire soit une rencontre. Celle de la France avec le monde pénitentiaire. C’est un rendez-vous important.
Nous ne devons pas le manquer.
Je sais que je peux compter sur vous. Je serai toujours à vos côtés.
Je vous remercie.