[Archives] Remise du prix des Droits de l’Homme de la République Française

Publié le 14 décembre 2006

Discours de Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux

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Mesdames les Ministres,
Madame le Député,
Monsieur le Médiateur de la République,
Monsieur le Président,
Monseigneur,
Monsieur le Recteur,
Monsieur le Pasteur,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs,

La remise du prix des droits de l'Homme de la République française est bien plus qu'une cérémonie rituelle. C'est chaque année, pour nous tous, l’occasion de participer à un combat pour le respect des droits de l’homme dans le monde entier.
Ce combat est difficile pour tous ceux qui en sont les acteurs. C’est pourquoi, à tous les défenseurs des droits de l’homme, la France veut témoigner de son respect, de son admiration et de sa volonté de les honorer.

En effet, près de 60 ans après l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme par l’Assemblée Générale des Nations Unies, les droits de l’homme sont malheureusement encore trop souvent bafoués, comme nous le rappelle la dramatique situation au Darfour, où près de 2 millions de déplacés survivent dans des conditions effroyables et plus de 200 000 personnes ont péri depuis 2003, fauchées par une violence absurde et aveugle. A l’heure aussi où l’antisémitisme et la remise en cause de l’holocauste marquent leur résurgence, la France se doit de marquer son attachement aux droits de l’homme et de refuser le révisionnisme et le négationnisme.

C’est donc avec plaisir que j’ai accepté de présider cette année la remise du prix 2006 décerné sur proposition de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme. Comme vous le savez, ce prix récompense des organisations non gouvernementales, c'est-à-dire des citoyens, parfois connus et reconnus, mais le plus souvent anonymes qui, dans des conditions extrêmement difficiles, souvent au péril même de leur vie, se battent jour après jour pour faire prévaloir l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme.

Ce prix est le leur et ne fait en définitive que rendre un légitime hommage à leur courage et à leur abnégation. Il est également l’expression de notre solidarité à l’égard de leur combat et rappelle que la patrie des droits de l’homme n’est pas une vaine formule galvaudée.

Soyez assurés que la France, constant et infatigable promoteur de la tolérance, se tiendra résolument, aujourd’hui et demain, aux côtés des défenseurs des droits de l’homme dans leur quête de justice et de vérité.

Cette année, la CNCDH a tenu à honorer plus particulièrement ceux qui se sont distingués dans la lutte contre les disparitions forcées et ont œuvré significativement par leur action sur le terrain à la formation sociale et civique des femmes.

La lutte contre les disparitions forcées constitue depuis plus de 25 ans un domaine d’action prioritaire de notre pays en matière des droits de l’homme. Aux côtés des familles des disparus, la France a plaidé inlassablement en faveur de l’adoption par les Nations unies d’une convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Elle a notamment présidé pendant trois ans des négociations intenses qui ont abouti à un projet de convention qui sera adopté dans les tous prochains jours par l’Assemblée générale des Nations unies.

Celle-ci permettra de voir reconnu et réprimé par le droit international un nouveau crime, en temps de paix comme de guerre : le fait de faire disparaître une personne, souvent un opposant politique ou un défenseur des droits de l’homme, sans que jamais sa famille ou ses proches ne soient informés de son sort, qu’il soit mort ou retenu prisonnier dans un lieu de détention secret.

Je rappellerai que 435 disparitions forcées ont été enregistrées en 2005 et que plus de 41 000 cas sont restés non élucidés depuis 1981. Nous entendons mettre un terme à cette politique de l’inacceptable.

Cette convention, qui viendra combler un vide juridique, interdira les lieux de détention secrets, ouvrira aux victimes et aux proches un droit à réparation. Aboutissement de plus de 25 années d’efforts, elle est en passe d’être enfin entérinée.

Tout ceci n’aurait pas été possible sans l’action constante et déterminée de ces défenseurs des droits de l’homme et c’est pourquoi nous avons tenu à saluer aujourd’hui plus particulièrement leur action.

Ceux qui ont œuvré en faveur de ce projet méritaient logiquement d’être récompensés.

Je félicite ainsi l’Observatoire congolais des droits de l’homme au CONGO BRAZZAVILLE pour son projet d’évaluation de la situation des parents des victimes de disparitions forcées au Beach et des témoins après le procès de Brazzaville, l’association « Mémorial » en FEDERATION DE RUSSIE pour un projet de financement de la publication des volumes des chroniques de la violence, l’association ASOFAMD en BOLIVIE, pour son projet de lutte contre les disparitions forcées. La République française est à vos côtés dans les actions que vous menez.

Les droits des femmes représentent un second axe majeur de l’action de la France en matière de droits de l’homme. Comme vous le savez, la France s’est résolument engagée au niveau national en leur faveur.

Le Président de la République a ainsi souhaité, en début d’année, que nous renforcions nos dispositifs visant à assurer la parité politique, en instituant une obligation de parité dans les exécutifs des grandes communes, des structures intercommunales et des régions et l’application de sanctions financières renforcées à l’encontre des partis politiques qui ne respecteraient pas les exigences légales en termes de parité.

Surtout, l’action de la France dans les enceintes des Nations Unies pour la promotion des droits des femmes doit être soulignée.

Notre pays s’est particulièrement engagé pour le respect des droits fondamentaux : la défense des droits liés à la santé, la garantie des droits civils, l’accès à des emplois décents, la représentativité des femmes dans les instances de décisions, le rôle des femmes dans la prévention des conflits ainsi que la lutte contre les violences faites aux femmes et contre la pauvreté, par l’instrument du microcrédit.

La France a également une action forte dans la lutte contre l’enrôlement des enfants dans les conflits armés, et en particulier des plus jeunes filles, premières victimes de viol et d’exclusion en situation de post-conflit.

C’est pourquoi, je suis particulièrement heureux que soient récompensés l’association des chefs de famille de MAURITANIE pour son projet de formation civique et politique des femmes candidates et la « Fédération Nationale des Mères pour la paix » de France en AFGHANISTAN pour son projet « Mieux vivre demain».

Enfin, en présidant la remise de ce prix, je tiens à rendre un hommage particulier au rôle que joue depuis de nombreuses années la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme. Par la qualité de ses travaux de réflexion, la CNDCH s’est imposée comme un gardien vigilant des droits de l’homme. Nul doute que la prochaine adoption du projet de loi, en application des principes de Paris de 1993, consacrant encore davantage son indépendance renforcera son rôle d’autorité morale et son action.

Mesdames et Messieurs,

C’est l’honneur de la France que de persévérer dans sa mission de promotion et de protection des droits de l’homme. Il nous permet de montrer au monde entier ceux qui sont les héros de cette journée : les défenseurs des droits de l’homme au quotidien, que je vous demande d’applaudir encore une fois.