[Archives] Réception du 13 juillet 2007
Publié le 13 juillet 2007
Allocution de Rachida Dati
Garde des Sceaux, Ministre de la Justice
13 juillet 2007
Mes chers collègues, ministres de la Justice…
du Portugal, président en exercice de l’Union européenne,
d’Espagne, de Hongrie, du Luxembourg, de Slovaquie,
du Liban, du Maroc et du Gouvernement palestinien,
Mers chers collègues du gouvernement,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et messieurs les magistrats,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Je veux d’abord vous remercier de votre présence, et en particulier nos invités étrangers qui nous font l’amitié et l’honneur d’être là ce soir.
Je veux vous dire aussi mon bonheur. Mon bonheur de vous accueillir dans ce lieu magnifique, pour la première fois. Bien sûr, en arrivant place Vendôme, je mesurais l’importance de ce grand et prestigieux ministère. Mais depuis que j’ai pris mes fonctions, je mesure aussi chaque jour la compétence et le dévouement de toutes celles et ceux qui travaillent à la Chancellerie à cette belle mission.
Je vous ai conviés pour partager avec nous la joie et la fierté qui nous habitent chaque année lorsque nous célébrons la fête nationale de la République française.
Aux yeux du monde, le 14 juillet 1789, c’est l’élan d’un peuple qui renverse l’injustice et l’arbitraire. D’un peuple qui ouvre la voie vers l’affirmation des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Aujourd’hui, ces valeurs sont le ferment de notre identité. Elles sont les guides de notre action.
Ce 14 juillet 2007 n’est pas le 14 juillet d’une année comme les autres.
Cette année, la France vit un changement éclatant que les Français ont souhaité, qu’ils ont choisi et qui est maintenant à l’œuvre.
Cette année est pleine d’espérance, pour la France comme pour l’Europe.
Cette année, l’Europe vit un élan nouveau, puisque le dernier Conseil européen a marqué le retour de la dimension politique dans la construction européenne.
Après l’échec du processus référendaire, il fallait une impulsion nouvelle. Le Président de la République l’a donnée avec force en proposant le traité simplifié. Ce moment comptera désormais comme un moment décisif dans l’histoire de l’Union.
Nous pouvons être fiers des acquis de l’Europe, cinquante ans après la signature du traité de Rome.
Il faut nous souvenir de la hauteur de vue de ses pères fondateurs. Ils ont relevé un défi majeur : celui d’offrir aux générations futures un univers stable, économiquement prospère, mais surtout axé sur des valeurs partagées au-delà des frontières.
Ils ont parié sur l’avenir, sur la capacité des hommes et des femmes à faire taire des antagonismes dépassés pour mettre en commun leurs diversités et leurs forces au service de la prospérité et de la paix. Au service d’une société plus fraternelle et plus humaine.
L’idéal européen, c’est la conviction profonde que les peuples peuvent choisir leur destin, plutôt que le subir.
Nous sommes aujourd’hui vingt-sept au sein d’une Union qui est beaucoup plus qu’une zone de libre échange. Elle est un espace de liberté, de sécurité, de justice et de paix.
Quel chemin parcouru ! Que d’étapes franchies !
Mais si nous devons à l’Europe la paix qui nous paraît si naturelle aujourd’hui, notre responsabilité commune est de la conforter pour la rendre encore plus durable.
Or il n’y a pas de paix durable sans justice.
La réponse à la violence ne saurait être la violence, ni entre Etats, ni à l’intérieur des Etats.
La réponse à la violence, c’est la justice. C’est pour moi une évidence, que je vis chaque jour : trop de femmes et d’hommes sont victimes.
La justice, les citoyens l’attendent pour garantir le respect de leurs droits, réparer les torts et, parfois, sauver les souffrances de l’oubli ; je ferai en sorte qu’elle soit plus efficace au service de chacun.
La justice, nos magistrats la rendent tous les jours dans un environnement de plus en plus complexe ; je m’attacherai à ce qu’ils puissent exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions et à ce qu’ils en éprouvent une légitime fierté.
Mais surtout, dans le monde tel qu’il est, la justice ne peut plus se concevoir ni s’exercer au sein d’un seul pays. Elle doit elle aussi s’ouvrir, tout comme nos frontières.
C’est au niveau international que s’apprécient nos normes de protection des droits fondamentaux.
Ce sont les exigences des Nations-Unies et du Conseil de l’Europe qui ont inspiré le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux privatifs de liberté. J’ai été heureuse de présenter ce projet cette semaine au Conseil des ministres.
C’est dans le cadre européen qu’il faut inscrire nos réalisations.
Bien sûr, l’espace judiciaire européen est loin d’être pleinement réalisé, mais ses progrès sont visibles.
Cet espace se crée chaque jour : par exemple,
- lorsque le mandat d’arrêt européen fonctionne entre les autorités françaises et luxembourgeoises ;
- lorsque l’interconnexion des casiers judiciaires permet l’échange d’informations sur des condamnés ;
- lorsque des équipes communes d’enquête sont créées entrela Franceet l’Espagne ;
- lorsqu’une décision de garde d’enfants est applicable en Slovaquie alors qu’elle a été prononcée en Hongrie…
Oui, les progrès sont évidents mais encore loin de nous satisfaire.
Articuler le fonctionnement des systèmes judiciaires et harmoniser les législations de vingt-sept Etats relèvent évidemment du défi.
Nos valeurs communes sont nos meilleures alliées pour y parvenir.
Elles s’expriment dans la Charte des droits fondamentaux.
Elles s’affirment lorsque nous adoptons la décision-cadre sur la lutte contre le racisme et la xénophobie.
Elles témoignent d’une approche commune de la justice centrée sur le respect de l’individu.
Je sais, cher Alberto Bernardes COSTA, vous qui êtes ministre de la justice au Portugal, combien vous êtes conscient de cette tâche immense à accomplir. Sous la présidence actuelle de votre pays, l’Union saura, j’en suis sûre, franchir des étapes décisives.
D’ores et déjà, je vous remercie du soutien apporté à mon initiative de former un « groupe de l’avenir » destiné à la prospective de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.
Dans un an débutera la présidence française. Dans l’esprit voulu par le Président de la République, je souhaite que cette présidence soit marquée par le dynamisme, la volonté de cohésion, la capacité d’innovation et des résultats tangibles.
Je souhaite tout particulièrement mettre l’accent sur la formation des magistrats au sein de l’Union. La qualité de notre justice européenne gagnera à l’évidence à disposer d’une formation commune des magistrats, puisque nos règles de droit sont appelées à se rapprocher.
Dans cette entreprise, je serai heureuse de pouvoir disposer du soutien de mon homologue italien, M. Clemente Mastella. Il m’a d’ailleurs appelée pour me dire combien il regrettait de n’avoir pu nous rejoindre. J’ai été aussi très sensible au message d’amitié que mon collègue britannique Jack Straw m’a adressé aujourd’hui.
J’aurai aussi à cœur de faire progresser Eurojust vers une coopération plus opérationnelle.
Et puis, vous le savez tous, l’un des grands défis de l’Europe est de donner corps à une politique extérieure commune. J’entends apporter toute ma contribution à la réalisation de cet objectif, dans le domaine qui me revient.
Comme le Président de la République, il me semble, pour des raisons affectives mais aussi pratiques, que l’Europe se doit de regarder vers le sud, vers la Méditerranée.
L’Union tirera sa vigueur de sa capacité à comprendre ses voisins. Le repli sur soi n’est plus dans l’air du temps. Il est évidemment stérile.
J’aime que l’Europe se tourne vers le sud, qu’elle s’investisse pleinement en faveur de la zone méditerranéenne, qu’elle tende la main à l’Afrique.
Si j’ai invité ce soir les ministres de la justice ou les ambassadeurs algérien, égyptien, israélien, jordanien, libanais, libyen, marocain, palestinien, syrien, tunisien et turc, c’est parce que nous devons franchir encore d’autres étapes, pour bâtir ensemble des coopérations durables.
Bien sûr, nous n’écrirons pas sur une page blanche puisque des actions de coopération ont déjà été engagées par le passé.
Le dialogue entre l’Europe et la Méditerranée est capital, parce que je vois la Méditerranée, non comme une zone dont le nord serait séparé du sud par une frontière invisible, mais comme un espace de solidarité et de coopération.
A l’avenir, je souhaite donc que la coopération en matière de justice devienne l’une des composantes essentielles de notre coopération politique.
Une coopération intégrée, adossée à un espace judiciaire commun, est la meilleure réponse que nous pourrons apporter ensemble à la corruption, au crime organisé et au terrorisme.
Cette coopération est à notre portée, car il est de notre devoir d’assurer le respect d’une certaine conception de la dignité humaine. Je crois profondément que cette conception de la dignité est plus forte que les particularismes des sensibilités, des peuples ou des institutions.
Notre coopération unit les Etats membres de l’Europe et, au-delà, l’Europe elle-même à la Méditerranée.
D’une rive à l’autre, nous avons déjà jeté des passerelles. Je pense évidemment aux nombreux liens tissés entre l’Ecole Nationale de la Magistrature et vos institutions.
Je suis heureuse que 203 magistrats marocains et 140 magistrats égyptiens aient été accueillis à l’Ecole Nationale de la Magistrature depuis sa création.
Nous ne saurions nous en tenir là et je ferai en sorte, au cours des prochains mois, de proposer à nos partenaires du pourtour Méditerranéen de nouveaux axes de coopération judiciaire.
Alors, merci d’être venus ce soir en réponse à une invitation lancée au titre de l’amitié entre nos peuples. Je veux très simplement vous dire que cette maison vous est ouverte.
Le président de la République nous fait le grand honneur de nous rejoindre tout à l’heure. Je suis sûre qu’il sera heureux de voir que ce ministère s’ouvre à l’Europe et au monde.
Notre projet, c’est aussi un projet d’amitié.
Je vous remercie.