[Archives] Projet de schéma d'organisation judiciaire

Publié le 12 octobre 2007

Cour d'appel de DOUAI - Discours de Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

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La réforme de la carte judiciaire s'est engagée le 27 juin dernier dans la concertation. Elle se mettra en place dans la concertation. Je me réjouis d'être à Lille aujourd'hui, aux côtés du Premier Ministre, pour vous présenter les évolutions que nous envisageons.

Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les Députés, Sénateurs et

Députés européens,

Monsieur le Préfet de Région,

Monsieur le Président du Conseil régional,

Messieurs les Présidents des Conseils généraux,

Messieurs les Préfets,

Mesdames et Messieurs les élus,

Monsieur le Premier Président,

Monsieur le Procureur général,

La réforme de la carte judiciaire s'est engagée le 27 juin dernier dans la concertation. Elle se mettra en place dans la concertation. Je me réjouis d'être à Lille aujourd'hui, aux côtés du Premier Ministre, pour vous présenter les évolutions que nous envisageons.

Le Premier ministre vous l'a dit, nous avons voulu que le schéma d'organisation soit d'abord présenté dans votre région, et à ceux qui sont directement concernés : maintenant aux élus, puis, tout à l'heure, aux acteurs du monde judiciaire.

 

Je connais le dévouement et la passion que vous mettez au service de vos concitoyens et des collectivités que vous représentez.

La réforme est conduite dans l'intérêt du justiciable, et donc des Français. Elle est inspirée de deux principes : la qualité de la justice et la réalité du territoire. Elle sera progressive et étalée sur trois ans.

 

I - Elle commencera en 2008 avec la mise en place des pôles de l'instruction.

 

Après le drame d'Outreau que votre région a vécu douloureusement, l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté une loi qui vise à éviter l'isolement des juges, à encadrer les jeunes magistrats et à renforcer la collégialité.

Le législateur a ainsi prévu que la liste des tribunaux dans lesquels existerait un pôle de l'instruction serait déterminée par décret.

 

Aux termes de la loi, ces dispositions entrent en vigueur le 1er mars 2008, avec des formations collégiales de deux juges d'instruction, pour l'instruction des crimes et des délits les plus graves ou les plus complexes.

Elles concerneront toutes les affaires soumises à l'instruction à partir du 1er janvier 2010, avec des formations collégiales de trois juges d'instruction.

En nous inscrivant d'emblée dans la perspective de l'échéance de 2010, il est paru logique de retenir comme pôle de l'instruction les tribunaux de grande instance qui ont d'ores et déjà une activité en matière d'instruction suffisante pour trois magistrats. Cette activité reflète d'ailleurs la réalité de la vie judiciaire sur le ressort de la cour d'appel.

Naturellement, nous avons réfléchi à une répartition équilibrée dans les deux départements de votre région.

Cela conduit à définir 5 tribunaux de grande instance qui deviendront des pôles de l'instruction à partir du 1er mars 2008 : deux dans le Pas-de-Calais (Béthune et Boulogne-sur-Mer), trois dans le Nord (Dunkerque, Lille et Valenciennes).

Comme leur nom l'indique, ces pôles ne seront compétents qu'en matière d'instruction. Tous les tribunaux de grande instance - ceux qui seront pôles de l'instruction comme ceux qui ne le seront pas - conserveront leur compétence pour juger les délits. Les cours d'assises de Saint-Omer et Douai resteront compétentes pour juger les crimes.

 

II - La réforme de la carte judiciaire se poursuivra en 2009 avec les tribunaux d'instance et les tribunaux de commerce.

 

Soyons clairs, la qualité de la justice n'est pas compatible avec la situation que nous connaissons actuellement : des juges d'instance, souvent nommés à la sortie de l'Ecole nationale de la magistrature, donc très jeunes, seuls dans leur tribunal, sans possibilité d'échanges avec des magistrats plus expérimentés.

Le bon fonctionnement de la justice passe par la continuité du service, l'accueil du justiciable, la sécurité des juridictions.

Dans votre région, 13 tribunaux d'instance sur 21 ne comptent pas plus de deux juges d'instance ; 2 greffes détachés ne comptent aucun fonctionnaire ; 1 a une activité qui ne justifie pas l'emploi d'un juge à plein temps.

L'étude attentive des propositions, des situations concrètes et des contraintes territoriales nous amène à concentrer l'activité de proximité sur 17 tribunaux d'instance.

L'objectif est de regrouper les tribunaux d'instance et les greffes détachés au siège d'une juridiction ayant une activité suffisante pour assurer un service permanent de qualité. Le regroupement et la mutualisation des moyens sont la condition d'une justice plus rapide et plus efficace : dans une juridiction plus importante, l'organisation du travail permet un audiencement plus rapide. La charge de travail est mieux répartie. Les magistrats peuvent s'entraider. On améliore ainsi la réponse apportée aux justiciables.

 

Comme aujourd'hui, le département du Nord comptera 10 tribunaux d'instance. La forte activité judiciaire le justifie.

Le greffe détaché de Denain sera rattaché au TI de Valenciennes, compte tenu de sa proximité.

Celui de Marchiennes, qui ne comporte plus de fonctionnaire, sera rattaché à Douai.

 

Le département du Pas-de-Calais comptera 7 tribunaux d'instance : Arras, Béthune, Boulogne-sur-Mer, Calais, Lens, Montreuil et Saint-Omer. Malgré une activité un peu faible, il nous a paru important, pour l'équilibre territorial, de maintenir Calais et Montreuil.

Le tribunal de Saint-Pol-sur-Ternoise fusionnera avec celui d'Arras. Objectivement, son activité ne justifie pas son maintien.

Les tribunaux de Liévin, Carvin et Houdain sont suffisamment proches d'un autre tribunal pour être regroupés sans préjudice pour les justiciables : les deux premiers seront regroupés avec Lens, le troisième avec Béthune.

Le greffe détaché de Samer, qui ne comporte plus de fonctionnaire, est rattaché à Boulogne-sur-Mer.

Les maisons de justice et du droit seront toutes maintenues, là où elles sont actuellement implantées : je pense en particulier à Denain, où il n'y aura plus de greffe détaché.

  • Pour les tribunaux de commerce, notre projet s'appuie sur les recommandations de la conférence des juges consulaires de France et du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce. La réforme vise à améliorer la qualité, l'impartialité et la lisibilité de la justice commerciale.

Nous voulons renforcer l'implication des parquets dans le suivi de l'ensemble des procédures commerciales. Nous voulons mieux garantir l'impartialité des juges consulaires : les commerçants veulent bien être jugés par des commerçants ; ils ne veulent pas être jugés par des concurrents. Nous voulons aussi renforcer la compétence technique des juges consulaires. Les contentieux ont évolué. Ils sont plus complexes, qu'il s'agisse de la prévention des difficultés des entreprises, de la sauvegarde des entreprises, des procédures collectives et même du contentieux général.

 

Le Nord comptera à terme 4 tribunaux de commerce renforcés : Lille, Douai, Dunkerque et Valenciennes.

Pour Lille, vous savez qu'il y a un projet de fusion avec le tribunal de Roubaix. Ce projet, souhaité par la chambre de commerce de la métropole lilloise, verra le jour quand l'opération immobilière sera effectuée. Roubaix sera donc maintenu dans cette attente.

Le tribunal de Douai sera renforcé par la fusion avec celui de Cambrai. C'est une proposition des chefs de cour qui fait l'objet d'un accord de principe entre les deux juridictions.

Les tribunaux de Valenciennes et de Dunkerque seront aussi renforcés. Les compétences commerciales des tribunaux de grande instance situés dans le même ressort (Avesnes-sur-Helpe et Hazebrouck) leur seront transférées. Cela améliorera la lisibilité de la justice commerciale.

Le Pas-de-Calais sera couvert par deux tribunaux de commerce renforcés : Arras et Boulogne-sur-Mer.

Arras bénéficiera du transfert de la compétence commerciale du TGI de Béthune.

Boulogne sera renforcé par la fusion avec les tribunaux de commerce de Saint-Omer et de Calais. Il faut savoir que ces tribunaux traitent respectivement 131 et 161 affaires par an.

III - La réforme s'achèvera en 2010 avec les tribunaux de grande instance.

Vous le savez, les tribunaux de grande instance sont au cœur de l'organisation judiciaire de notre pays. La concertation a montré que l'objectif d'un TGI par département était difficile dans une grande région comme la vôtre. Nous en avons tenu compte.

La préoccupation essentielle qui doit nous guider est avant tout celle de la qualité.

Vous le savez, dans les plus petites juridictions, les magistrats passent d'un dossier à un autre. Ils sont tour à tour juge correctionnel, juge d'instruction, juge aux affaires familiales, juge de l'exécution, juge du surendettement... Comment voulez-vous que chaque dossier soit traité avec une qualité égale ? Comment voulez-vous que les victimes soient suffisamment écoutées et accompagnées ?

La pluralité des fonctions ne permet pas d'acquérir une compétence optimale dans des domaines de plus en plus techniques, avec une procédure de plus en plus exigeante.

Vous connaissez comme moi les difficultés d'organisation et de fonctionnement, dès qu'il y a une absence, un congé de maternité ou une période de formation.

C'est pourquoi nous recherchons l'exigence de qualité dans trois directions pour les TGI.

 

Première direction : les 5 pôles de l'instruction. Je les ai déjà évoqués.

 

Deuxième direction : les contentieux les plus délicats, qui nécessitent une spécialisation et une haute technicité, seront jugés au siège de la juridiction interrégionale spécialisée de Lille. Elle pourra recevoir de nouvelles compétences pour certains contentieux : adoption internationale, droit de la presse, nationalité, indemnisation de l'amiante, catastrophes en matière de transport.

Dans ces affaires complexes, il faut des juges spécialisés pour une justice de meilleure qualité. L'égalité de traitement des justiciables doit être mieux garantie. Je pense notamment au douloureux contentieux de l'amiante. Le Parlement sera appelé à se prononcer sur cette nouvelle répartition des contentieux qui relève du domaine de la loi.

 

Troisième direction : il faut accepter des regroupements de TGI là où on peut le faire. Dans cette région, il est manifeste que l'activité et la taille du tribunal d'Hazebrouck ne permettent pas de répondre aux nouveaux défis de qualité que nous voulons pour la justice. Sa situation géographique ne pose pas de contrainte particulière. C'est pourquoi ses activités seront regroupées avec celles du tribunal de grande instance de Dunkerque. Je précise qu'un tribunal d'instance sera maintenu à Hazebrouck, pour traiter le contentieux de proximité.

Le département du Pas-de-Calais comptera 4 TGI, comme aujourd'hui ; celui du Nord 6, au lieu de sept.

Nous serons bien entendu attentifs aux conséquences pour les avocats. 19 sont concernés sur un total de 1 310 dans le ressort. Nous sommes prêts à envisager des mesures compensatoires. Je leur en parlerai tout à l'heure.

 

*

Trois points brièvement pour conclure.

1. On ne peut pas imaginer la justice aujourd'hui comme on l'imaginait il y a seulement dix ans. La modernisation par les nouvelles technologies va complètement bouleverser les relations à la justice. Un avocat n'aura plus besoin de se déplacer pour suivre l'avancement d'une procédure ou consulter les pièces d'un dossier.

 

2. Nous mettrons en œuvre un plan d'accompagnement social pour les personnels concernés par les regroupements. La réforme ne s'appliquera pas du jour au lendemain. Nous allons les aider à s'y préparer.

Dès la semaine prochaine, la mission carte judiciaire de la chancellerie, se rendra dans votre région pour faire un premier point des situations individuelles. Cela nous permettra de dimensionner le plan d'accompagnement au mieux des intérêts des personnels.

La mission étudiera également les conséquences immobilières de la réorganisation. Il s'agit d'améliorer les conditions de travail des personnels en juridiction ainsi que les conditions d'accès des justiciables.

 

3. Comme vous pouvez le constater, nous avons privilégié une démarche pragmatique, et non mécanique. Nous avons recherché le meilleur équilibre entre les impératifs de modernisation de l'institution judiciaire, de renforcement de la qualité de la justice au service de nos concitoyens et l'indispensable prise en compte des contraintes d'aménagement du territoire.

Nous savons que vous partagez ces préoccupations. Nous vous proposons que nous les mettions en œuvre ensemble pour que demain la justice réponde mieux aux aspirations de nos concitoyens.

Je vous remercie.