[Archives] Pose de la 1ere pierre du TGI de Pointe-à-Pitre

Publié le 06 juillet 2016

Discours de Jean-Jacques URVOAS, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Intervention de Monsieur Jean-Jacques URVOAS
garde des Sceaux, ministre de la Justice,

à l’occasion de la pose de la première pierre du Tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe).

Mardi 5 juillet 2016

Discours Pose de la 1ere pierre TGI Point à Pitre 05 07 2016 - .pdf PDF - 291,68 Ko

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Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Préfet, 

Mesdames et Messieurs les Parlementaires, 

Monsieur le Maire, 

Mesdames et Messieurs les Elus,

Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de grande instance,

Madame la Présidente du tribunal de grande instance,

Monsieur le Directeur des services de greffes judiciaires,

Mesdames et Messieurs les magistrats et fonctionnaires,

Mesdames et Messieurs,

Un Palais de Justice n’est pas un bâtiment anodin car il y a bien longtemps que ce n’est plus sous les arbres que se tiennent les audiences.

Il doit tout à la fois incarner la sérénité de la justice, qui conduit à créer des lieux clos, séparés du reste de la ville afin de permettre que les décisions soient prises dans l’impartialité et l’indépendance, et traduire sa puissance, ce qui se manifeste souvent par la majesté du bâtiment, dont la façade doit être synonyme d’élégance.

C’est pour cela que l’architecture de nos Palais est importante. On ne peut pas rendre la justice dans n’importe quel endroit.

Je suis donc très heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour cet événement important et je vous remercie de votre invitation.

Ce Palais sera à l’image de la Justice accueillante à laquelle, tous ici rassemblés, nous travaillons.

Je veux donc remercier :

-      Le Conseil départemental, qui a bien voulu mettre à disposition le terrain sur lequel avait été bâtie l’ancienne maison d’arrêt de Pointe-à-Pitre,

-      La ville de Pointe-à-Pitre également (la direction des services techniques) pour son précieux soutien dans cette opération,

-      La société BP Architectures et ses architectes qui ont gagné le concours, lancé il y a maintenant près de six années,

-      L’Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice, et notamment Messieurs Paul-Luc Dinnequin, Philippe Eloi et Nicolas Souchaud, qui, en son sein, suivent ce chantier.

Evidemment, j’y associe les magistrats qui ont participé, et particulièrement les chefs de juridictions et le directeur des services de greffes, les chefs de cour d’appel, sans oublier le magistrat délégué à l’équipement.

Sans leur participation, un tel projet ne saurait répondre aux besoins de fonctionnement des juridictions qu’eux seuls maîtrisent parfaitement.

Demain, c’est-à-dire au premier semestre 2018 pour la livraison, au second semestre 2018 pour la mise en service, dans ce nouveau Palais de Justice, tous les services du tribunal de grande instance (TGI), outre le tribunal mixte de commerce seront regroupés dans un lieu unique, au centre de la ville.

C’est une question de bon sens, d’efficacité, de cohérence et surtout… de vie pratique.

Tellement plus simple pour les justiciables,

Tellement plus pratique pour tous ceux qui y travaillent !

Il n’est pas construit – et c’est heureux – n’importe où : il se tiendra au cœur de Point-à-Pitre, au cœur du centre historique.

Ici, c’est l’histoire et l’avenir qui se donnent la main : c’est le passé et le futur qui se parlent en écho !

L’Histoire, c’est d’abord le terrible ouragan Okeechobee de 1928 qui fut suivi de la construction de l’actuel Palais de Justice de la place Gourbeyre par l’architecte Ali TUR. Bâtiment auquel il faut rendre hommage, eu égard à sa longévité, et malgré les vicissitudes du temps si marquées ici.

C’est aussi l’ouragan Hugo, en septembre 1989, qui fit tant de victimes ici et auquel le Palais de Justice résista.

J’ai également une pensée pour l’ancienne maison d’arrêt qui occupait le site sur lequel nous nous trouvons, et qui était à l’origine une ancienne abbaye construite en 1863 !

Cet établissement, qui fut désaffecté en 1996, s’est récemment rappelé à notre beau souvenir, puisque les premiers travaux ont mis au jour de nombreux réseaux enterrés de l’ancienne prison.

Et quand j’évoque l’avenir, ce n’est pas par facilité, mais par volontarisme. Car l’avenir, ne peut pas être la continuation du présent.

L’avenir, ce doit être un Palais où l’on pourra travailler dans de bonnes conditions. Où l’ensemble des services du TGI seront regroupés et bénéficieront de  3 salles d’audience (civile, pénale et mixte), 5 salles d’audience de cabinet, un service d’accueil unique du justiciable, des bureaux, des salles d’attente et des conditions d’accueil dignes.

C’est-à-dire un Palais pour le 21ème siècle.

Un bâtiment dans lequel nos concitoyens devenus par obligation justiciables, n’auront plus à patienter des heures, des jours, des mois, avant leur audience devant le juge ou avant de recevoir la décision qui peut bouleverser leur vie.

Car c’est hélas aujourd’hui le lot commun pour les français, qui sont 95 % à trouver la justice trop lente, et 88 % à la trouver trop compliquée.

Et pour le dire avec les mots de Montesquieu « souvent l'injustice n'est pas dans le jugement, elle est dans les délais ».

 

Mais c’est aussi le quotidien des magistrats, des greffiers, des fonctionnaires administratifs et tous ceux qui font œuvre de justice, qui connaissent les lourdeurs administratives, l’encombrement des dossiers, les emplois du temps saturés et les bureaux surchargés.

C’est pourquoi, je ne cherche pas seulement à dégager des moyens pour que la justice fonctionne mieux. J’agis pour en simplifier le fonctionnement.

C’est l’objet du projet de loi dit « J21 » (de modernisation de la Justice du 21ème siècle).

Il a pour ambition,

-       D’abord de réaffirmer l’indépendance des membres de l’autorité judiciaire, car sans leur impartialité rien ne serait possible,

-       Ensuite, de simplifier et de clarifier certaines procédures,

-      Et enfin de recentrer le juge sur sa mission première de décider, de trancher les litiges par l’application du droit.

C’est ainsi que nous avons facilité le divorce par consentement mutuel, fusionné les contentieux de la sécurité sociale, supprimé les tribunaux correctionnels pour mineurs.

 

Dans le même esprit, nous avons transféré le PACS aux officiers d’état civil, décidé la sanction systématique de certains délits routiers pour en renforcer la répression, créé un socle commun pour les actions de groupes permettant à nos concitoyens de mieux se défendre.

Ces actions n’allument pas de nouveaux brasiers, elles éclairent les problèmes par des solutions, et cherchent à résoudre les conflits, par l’apaisement.

Elles dessinent la Justice de demain qui sera rendue dans ce beau Palais.

La Justice du 21ème siècle, c’est aussi une Justice qui a des moyens financiers suffisants.

Vous savez que j’en ai fait mon obsession, puisqu’il s’agit du combat qui rend possible tous les autres combats pour la Justice.

Le Premier Ministre a pris la décision le mois dernier de « dégeler » (pour la première fois aussi tôt dans l’exercice budgétaire) 107 millions d’euros pour les juridictions.

J’ai réparti ces crédits pour le paiement des frais de justice, le fonctionnement des juridictions, l’immobilier et l’informatique.

A ce dégel de crédits est venu s’ajouter au plan de soutien de 14 millions d’euros. (Crédits redéployés annoncé en mars en faveur du recrutement de juges de proximité, de magistrats à titre temporaire, d’assistants de justice, de réservistes et de vacataires.)

Ce sont les conditions de possibilité d’une Justice digne : pour les citoyens, pour les justiciables et pour tous ceux qui y travaillent quotidiennement.

Dans son discours de réception du Prix Nobel de littérature, Saint-John Perse, une figure particulièrement importante ici, comparait l’office du poète et l’office du scientifique.

Malgré de grandes différences et un rapport antinomique au réel, ils ont une même quête : celle du sens.

Il n’a rien dit de l’office du juge, de l’office de ceux qui travaillent à la Justice …

Or, à mes yeux, leur spécificité, par rapport aux scientifiques et par rapport aux poètes : c’est qu’ils ne cherchent pas le sens, ils le construisent. Ils le construisent, comme des artisans dans leur atelier.

C’est cela, faire œuvre de Justice.

Et cette première pierre, qui n’est pas une pierre comme les autres, qui est une pierre de taille, c’est-à-dire une pierre travaillée, re-travaillée, assemblée, est le symbole de ce futur atelier de la Justice !

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