[Archives] INAVEM-Institut National D'aide aux Victimes et de Médiation

Publié le 17 juin 2008

Discours de Hubert Bonin, Président

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Nous sommes heureux et honorés de vous accueillir pour notre congrès national annuel, les 23es assises des associations d'aide aux victimes ayant pour thème "de la réparation à la restauration".

Ce thème est bien sûr sous tendu par la philosophie de la Justice Restaurative à laquelle nous sommes très attachés depuis l'origine de notre mouvement.

L'INAVEM et son réseau associatif ont une place bien particulière et prépondérante dans la politique publique de l'Aide aux Victimes qui est portée aujourd'hui à un très haut niveau dans notre pays. La France est sans nul doute dans le peloton de tête des pays européens. Cela fait près de 25 ans que la France, au début des années 1980, a pris conscience de l'insuffisance criante voire de l'indécence de la place faite alors à la victime.

La victime, grande oubliée des prétoires, n'existe qu'à travers la réparation indemnitaire et matérielle par la constitution de partie civile ; même l'audience lui donne bien peu l'occasion de s'exprimer, de parler, elle est souvent représentée.

Le travail législatif  important et ambitieux, a permis à la victime de se voir reconnaître des droits très étendus et complets.

Tous les gouvernements successifs vont se relayer pour mettre en oeuvre des plans victimes.

C'est d'abord le droit à réparation indemnitaire qui est garanti, puis de larges droits procéduraux lui sont reconnus.

Corrélativement le choix associatif, fait dès l'origine, apparaît comme un choix politique fondateur qui n'a jamais être remis en cause, mais toujours conforté et renforcé.

"Ce choix associatif, c'est la rencontre entre une intuition politique forte et un besoin social incontournable".

Le choix de l'aide aux victimes associative désormais pleinement pérenne et reconnu comme le meilleur mode opératoire par les politiques, par  les praticiens et même les théoriciens de la victimologie.

Madame la Ministre, je sais que vous partagez pleinement cette conviction et ce choix.

Pour preuve depuis votre arrivée à la Chancellerie, vous n'avez pas manqué de multiplier les signes de reconnaissance et de confiance réitérés à l'INAVEM et son réseau associatif fédéré.

Vous nous avez associé à tous les évènements marquants organisés par votre ministère concernant la problématique des victimes.

Vous avez consacré votre premier déplacement extérieur pour les victimes à l'INAVEM  le 4 septembre 2007.

A cette occasion, vous avez dit votre satisfaction, en présence des hautes autorités judiciaires parisiennes à rencontrer des animateurs de terrain du réseau associatif ainsi que toute l'équipe des 26 salariés oeuvrant au siège de la Fédération.

A cette même occasion, vous faisiez l'annonce forte et symbolique de l'augmentation substantielle de près de 15 % de la ligne budgétaire consacrée au réseau associatif habilité justice pour l'aide aux victimes.

C'est une augmentation sans précédent.

Dès le 9 octobre 2007 vous organisiez une grande manifestation à la Chancellerie pour l'annonce de votre plan victime. Votre engagement est sans réserve, ni réticence.

Outre la confirmation de l'augmentation budgétaire précitée vous signez le même jour cette importante circulaire "relative aux droits des victimes dans le procès pénal et à leur mise en oeuvre".

Circulaire essentielle que nous demandions depuis près de trois années au ministère de la justice.

Le préambule de la circulaire rappelle que l’aide aux victimes est « un enjeu national qui doit tendre à développer et diversifier l'offre proposée par les associations et mieux sensibiliser les juridictions aux possibilités d'intervention des associations », or c’est bien là la préoccupation constante du réseau Inavem.

Pour la première fois je lis cette recommandation : "il faut assurer leur pleine effectivité aux droits reconnus aux victimes par les lois récentes.

Vous l'avez entendu c'est une bonne chose, je vous en remercie vivement.

Je sais aussi pouvoir compter sur le soutien de tous vos services.

A Monsieur Marc MOINARD, le fondateur éclairé des maisons de justice et du droit, de la promotion de l'Aide aux Victimes et toutes formes d'alternative aux poursuites je réitère nos chaleureux et sincères remerciements.

Depuis le début de ma Présidence, il m'a ouvert largement sa porte, écouté et conseillé. Sous votre ministère, il a mis en oeuvre ou poursuivi plusieurs groupes de travail importants notamment sur la revalorisation des alternatives aux poursuites dont la médiation pénale, sur la cartographie associative ou encore sur la mission d’administration ad hoc.

S'agissant du premier, je vous redis notre confiance mais notre attente marquée d'une certaine fébrilité à le voir enfin aboutir après l'avis favorable de votre cabinet.

Il n'est pas envisageable que ce chantier si important soit bloqué trop longtemps par Bercy alors que votre volonté politique a été clairement affirmée par votre Directeur de Cabinet.

L'arrivée de M. MACHI, votre nouveau conseiller aux victimes, est aussi pour nous une raison supplémentaire de satisfaction et confiance. M. MACHI connaît bien l'aide aux victimes, l'INAVEM et son réseau avec lesquels il a su nouer des relations fructueuses et confiantes.

M. HUET m'a assuré lui aussi récemment de sa volonté forte de voir les parquets mettre en oeuvre la circulaire précitée du 9 octobre 2007.

Mme THUAU nous a aussi apporté son soutien technique, son écoute bienveillante et toujours exigeante notamment au plan budgétaire.

Pourquoi l'INAVEM et son réseau sont-ils indispensables aujourd'hui à la mise en oeuvre de cette politique publique essentielle. Parce que la première mission d'un service d'aide aux victimes est d'assurer "une information juridique de qualité".

Mais l'attente de la victime est dans l'accompagnement sous toutes ses formes. Cet accompagnement personnel, psychologique et même social est bien la spécificité de l'aide aux victimes associative.

Elle est faite d'empathie, de proximité humaine, être cette écoute attentive, cette parole qui rassure, qui garantit la vraie et authentique réparation de la victime.

La force de l’associatif c'est aussi cette souplesse, cette capacité d'adaptation, cette richesse et cette créativité, cette proximité avec l'Institution Judiciaire.

Pour autant nous assumons et revendiquons cette AUTONOMIE associative que la Justice a toujours respectée.

L'Aide aux Victimes associative c'est ainsi cette capacité formidable à faire porter par une structure juridique aussi souple une vraie mission de service public déléguée.

Si elle est avant tout généraliste l'Aide aux Victimes associative a élaboré des modes opératoires bien spécifiques propres à certaines catégories d'infractions et de victimes : les violences conjugales, les accidents de la circulation, les violences conjugales, les discriminations, abus sexuels, mineurs victimes, personnes âgées…

Généraliste mais spécifique, l'Aide aux Victimes repose sur la gratuité, la neutralité et l'impartialité garanties par la charte et le code de déontologie de l'INAVEM.

L'Aide aux Victimes associative ne peut être militante, elle doit respecter l'autonomie et la liberté de la personne humaine, blessée, affaiblie à laquelle elle tend à rendre son intégrité par une réparation pluridisciplinaire.

Opérationnelle et efficace, force incontournable de nos 150 associations, l’ aide aux victimes est implantée dans tous les lieux où se rencontre la victime : commissariats, gendarmerie, parquets, audiences, hôpitaux, écoles, maison de retraite et de soins des aînés....

Elle s'inscrit dans l'urgence (SAVU) comme dans la durée. Au quotidien comme dans les accidents collectifs ou les procès sensibles.

Mission régalienne de l'Etat, elle s'inscrit pleinement dans la politique territoriale de la ville et de la prévention de la délinquance.

Avec Humanité et Compétence, nous assurons cette mission difficile. Notre ambition associative est de parfaire les prestations assurées aux victimes, de garantir la qualité et la diversité et mieux structurer encore notre réseau territorial.

Nous reconnaissons la tutelle de la Justice et de l'Etat et nous y sommes attachés.

Mais nous avons de réelles inquiétudes, l'incohérence avec laquelle se superposent des dispositifs catégoriels en faveur de certaines victimes mis en oeuvre par les pouvoirs publics et nos partenaires.

Il faut rendre sa cohérence à cette politique par un renforcement de la démarche interministérielle et une réforme significative du Conseil National de l'Aide aux Victimes.

Il faut aussi  un renforcement significatif de l'effectivité  des droits des victimes.

S’agissant ainsi de la circulaire du 9 octobre 2007 , il faut développer la saisine directe des associations par le parquet, légaliser et promouvoir l'enquête rapide victime pratiquée si utilement par certains parquets, intensifier l'accompagnement des victimes dans le cadre du TTR, des audiences d'assises et de l'information sur l'exécution de la peine.

Nous entendons avec inquiétude ainsi un discours victimaire péjoratif de nature à nuire aux victimes.

Ces voix qui s'élèvent pour dénoncer l'excès de compassionnel, la dérive victimaire voire la victimocratie.

Nous n'avons jamais prôné la sacralisation de la victime et de sa parole.

La victime est à égalité de droits et devoirs avec l'auteur. C'est la justice RESTAURATIVE dont nous allons beaucoup parler qui donne la voix de l'équilibre et du lien social. Elle s’illustre par la médiation pénale et bien d’autres formes de résolutions amiables des conflits.

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Mais vous n’ignorez pas que l'aide aux victimes associative connaît aujourd'hui de réelles et sérieuses difficultés pour assurer la pérennité de ses actions par un financement mieux adapté et garanti.

Trop d'associations se trouvent brutalement confrontées à des difficultés souvent en raison de variation brutale de politique pénale ou locale dans les financements partenariaux (politique de la ville et collectivité locale).

Nous comptons sur vous pour assurer la pérennité de notre intervention associative et généraliste.