[Archives] Inauguration du Centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan

Publié le 20 novembre 2008

Discours de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice

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9 minutes

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député (Alain Vidalies),
Madame le Maire (Geneviève Darrieussecq),
Monsieur le Maire (Jean-Pierre Jullian),
Monsieur le Premier Président,
Monsieur le Procureur Général,
Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,

 

L'ouverture d'une école, d'une crèche est toujours un événement très positif dans la vie d'un pays ou d'une ville. C'est un moment de fierté. Un moment où notre société investit pour son avenir.

L'ouverture d'une prison n'a pas forcément la même image. Car la prison porte en elle l'image de la faute, de la sanction et de l'exclusion. Et ce sujet n'est pas en soi très populaire.

Le nouveau centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, c'est une nouvelle vision de la prison.

Celle d'une prison qui assure sa mission d'exécution de la peine, donc de sanction mais aussi de réinsertion.
Celle d'une prison qui isole mais qui ne détruit plus les liens familiaux.

Celle d'une prison qui s'occupe des détenus, mais aussi des personnels qui y travaillent.

Nous sommes au commencement d'un nouveau temps pour le monde pénitentiaire. Elle débute aujourd'hui à Mont-de-Marsan avec l'inauguration du centre pénitentiaire.

Je veux dire aux élus et aux habitants des Landes qu'ils peuvent être fiers d'accueillir un établissement aussi moderne, novateur et humain.

Je tiens à féliciter l'ensemble des acteurs qui ont fait aboutir ce projet : l'architecte, la maîtrise d'ouvrage, les différentes entreprises qui sont intervenues sur le chantier, l'ensemble des corps de métier, les personnels de la Direction de l'administration pénitentiaire et ceux de l'Agence publique pour l'immobilier de la Justice...

Je tiens aussi à remercier la ville de Mont-de-Marsan et son Maire Madame Geneviève Darrieussecq. Les différentes équipes municipales ont toujours soutenu ce projet.

Je veux dire à vos administrés que l'ouverture d'un établissement pénitentiaire dans une ville comporte de nombreux aspects positifs en matière d'emplois, d'arrivées de nouvelles familles et de développement du commerce.

Je tiens aussi à m'adresser tout particulièrement aux personnels de l'Administration pénitentiaire qui sont présents aujourd'hui. Je veux leur dire publiquement qu'ils effectuent un travail remarquable au profit de l'ensemble de la société. Votre tâche est de plus en plus difficile, avec une population de plus en plus difficile. Je le mesure parfaitement à chacune de mes rencontres avec vous sur le terrain.

Je veux vous assurer de mon soutien et dire que je prends des mesures en leur faveur. Ce matin, j'ai reçu les syndicats de surveillants pour installer officiellement les groupes de travail sur les conditions de travail.
D'ores et déjà, nous avons décidé :
- de renforcer l'action sociale en faveur des personnels par la création d'un bureau d'action sociale pour les personnels pénitentiaire,
- de lancer un audit sur les postes et les besoins des établissements.

Je veux aussi saluer l'action déterminante des équipes de direction, les directeurs, les officiers, les premiers surveillants. C'est sur eux que repose la responsabilité du fonctionnement des détentions. Je sais ce que représente cette charge, cette tension. Il est de ma responsabilité de vous donner les meilleures conditions pour exercer votre mission. Le nouveau centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan était attendu de longue date. Il va permettre de soulager l'activité des maisons d'arrêt de la région et donner un nouvel élan à votre action.

Cela passe par le développement d'outils de travail modernes et par la mise en place d'une « constitution » des prisons : la loi pénitentiaire.

Le centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan est le premier établissement d'une nouvelle génération.

En 2008, nous aurons ouvert 8 établissements pénitentiaires, dont 3 pour mineurs. En 2009, 7 établissements ouvriront : ils représenteront 5 130 places neuves, avec un objectif de 13 200 en 2012.

Le centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan est la première réalisation de ce programme que j'ai le plaisir d'inaugurer avec vous. Il a coûté 64 millions d'euros.

L'ancienne maison d'arrêt de Mont-de-Marsan a été mise en service il y a presque deux cents ans. En visitant ce nouvel établissement, vous pouvez mesurer le progrès accompli.

 C'est d'abord un progrès pour les personnels pénitentiaires.

Les surveillants de prison exercent un métier qui fait honneur à notre République.

C'est un métier au service des Français et de leur Justice. Un métier d'une grande richesse humaine où il faut faire preuve de rigueur et de professionnalisme.

Ils sont 229 à travailler sur le site de Mont-de-Marsan. Je tiens à ce que les surveillants disposent d'un cadre de travail optimal et d'outils performants à la hauteur de leur engagement.

Le centre pénitentiaire va changer leur vie et leur façon de travailler.
- La sécurité est renforcée : Parce que la prison est un lieu où vivent des personnes dangereuses, des personnes atteintes de troubles psychologiques, nous devons offrir une protection maximale aux surveillants. Et à tous ceux qui interviennent en détention : les associations, les médecins. L'établissement de Mont-de-Marsan bénéficie des dernières avancées techniques : des équipements modernes de communication, de détection et de protection ; le développement des activités de proximité pour limiter les déplacements des détenus....

- Le cadre de vie est amélioré : Dans un métier aussi contraignant, il faut pouvoir décompresser, prendre un peu de temps pour soi. Bien souvent, les personnels ne disposent d'aucune intimité. Les locaux de travail et de repos sont vétustes, exposés à la vue des détenus.... Le nouvel établissement améliore le quotidien des surveillants : les bureaux sont fonctionnels, les postes de surveillance sont spécialement aménagés, le mess du personnel est situé à l'extérieur de l'enceinte. Cela permet de faire une coupure entre le travail et le repos.

Leurs conditions de vie personnelle et familiale seront-elles aussi améliorées grâce à la réalisation de 80 logements sociaux destinés à accueillir des personnels du ministère de la justice.

 Le centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, c'est aussi une vision neuve de l'enfermement.
Les détenus sont accueillis au sein d'un centre pénitentiaire, moderne et humain d'une capacité de 690 places.

- Leurs conditions de vie seront plus dignes :
Les prévenus et les condamnés ne seront plus mélangés :
- la maison d'arrêt dispose de 300 places et d'un quartier d'accueil de 30 places pour les nouveaux arrivants.
- Le centre de détention pourra accueillir 360 condamnés.
Près de 80% des cellules sont individuelles. Elles sont toutes équipées de douches et de toilettes isolées. Ce sont des améliorations qui changent la vie en prison. La justice peut priver les hommes de leur liberté, mais elle n'a pas le droit de leur retirer leur dignité. Les règles pénitentiaires européennes seront pleinement appliquées.

- La réinsertion est favorisée :
Une nouvelle fois, le centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan est exemplaire.
- Les détenus pourront exercer une véritable activité professionnelle grâce aux 2 500 m² de locaux spécialement aménagés.
- Les détenus pourront suivre des enseignements : des salles de cours, des salles informatiques, des bibliothèques sont à leur disposition ;
- Les soins seront mieux dispensés grâce à des unités de consultations et de soins performantes. Ce sont de véritables antennes médicales animées par le Centre hospitalier Layné de Mont-de-Marsan. Des médecins, des psychiatres, des dentistes et des infirmières interviendront notamment.
- Les détenus bénéficieront d'un terrain de sport et d'un gymnase.

 Le lien avec les familles est préservé :
Le maintien du lien social et familial est une garantie pour l'avenir. Les conditions d'accueil des familles sont améliorées avec la construction d'un bâtiment qui leur est destiné et de trois unités de visites familiales (UVF). En plus des parloirs traditionnels, ces UVF sont des appartements meublés de type F2. Les condamnés peuvent rencontrer les membres de leur famille proche et élargie ainsi que les personnes avec lesquelles ils entretiennent des liens.

J'ai eu l'occasion de mesurer, lors de déplacements précédents, l'intérêt de ces structures.

Des espaces de jeux sont également prévus pour que les enfants puissent s'aérer lors des visites.

Vous le voyez, le centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan est un établissement totalement novateur : dans sa conception, dans son esprit et aussi dans son fonctionnement. Vous serez fiers de travailler dans cet établissement.

Notre objectif de doter la France d'établissements modernes qui permettront de gagner le combat de la réinsertion. Des prisons neuves et performantes, c'est d'abord l'intérêt des détenus. C'est surtout celui de notre société car un détenu qui ressort de prison avec une formation, un travail et des soins, c'est moins de récidive.

La modernisation des établissements pénitentiaires modernes est une condition essentielle de la réforme de notre administration pénitentiaire. Ce n'est qu'une première étape.

La loi pénitentiaire fait entrer notre système carcéral dans le XXIe siècle.

La loi pénitentiaire est un engagement du Président de la République. Le projet de loi est actuellement examiné en commission par le Sénat. Je serai entendue le 10 décembre par la commission des lois. Vous voyez que ce texte fondateur n'est pas mis de côté. Le Gouvernement doit tout simplement tenir compte du calendrier parlementaire qui est extrêmement chargé en cette fin d'année.

Tout d'abord, la loi pénitentiaire permet de donner une nouvelle impulsion aux aménagements de peine.
Une politique pénale peut être ferme et humaine. Ce n'est pas incompatible. C'est tout à fait cohérent. La prison est une sanction ultime mais nécessaire. Ce n'est pas la seule réponse pénale. Les aménagements de peine et les alternatives à l'incarcération sont d'autres modes de sanction qui, pour certains condamnés, sont tout aussi efficaces.

La loi pénitentiaire traduit cette approche nouvelle et moderne du concept de la « prison hors des murs ». On peut faire exécuter une peine sans forcément recourir à l'incarcération.

Avec la loi pénitentiaire, les aménagements de peine seront par exemple possibles pour les peines d'emprisonnement inférieures à deux ans. Le projet comporte bien d'autres innovations.

Lorsque la loi sera adoptée, les condamnés âgés de plus de 75 ans pourront bénéficier d'une libération conditionnelle, sous réserve que leur prise en charge soit adaptée à leur situation à la sortie de prison.

Autre avancée en matière d'alternative à l'incarcération : l'assignation à résidence des prévenus pour limiter le recours à la détention provisoire.

Le projet de loi clarifie également les missions du service public pénitentiaire.
Ses missions seront clairement fixées. Le service public pénitentiaire participe en effet à l'exécution des décisions privatives ou restrictives de liberté. Il contribue également à la réinsertion, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique.

J'insiste sur la notion de prévention de la récidive. Cette disposition permet, comme pour la réinsertion, d'inscrire l'action de l'administration dans le long terme. Les aménagements du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan montrent que cette mission est aujourd'hui une réalité. La prison n'a pas qu'une finalité répressive. Elle a aussi une dimension sociale et humaine.

Ensuite, la loi pénitentiaire réaffirmera les droits fondamentaux des personnes détenues.

C'est un principe essentiel.

L'instauration du contrôleur général des lieux de privation de liberté a permis de faire avancer notre Etat de droit.

La loi pénitentiaire permettra de poursuivre cette action, notamment en mettant en œuvre les règles pénitentiaires européennes.

Permettez-moi de vous citer quelques-uns de ces droits auxquels le projet de loi fait référence :
- Les droits civiques : un détenu pourra se faire domicilier à l'établissement pénitentiaire pour pouvoir s'inscrire sur les listes électorales et exercer son droit de vote, s'il n'en est pas privé.

- Le droit à l'insertion : nous devons modifier notre approche de la formation en détention. Dans notre pays, les Régions ont fait la preuve de leur savoir-faire en matière de formation professionnelle. Eh bien, demandons-leur de nous aider à former les détenus. Le projet de loi propose une expérimentation dans ce domaine. Trois régions, dont l'Aquitaine, se sont portées candidates. Je les remercie d'avoir su montrer l'exemple

- Le droit au respect de la vie privée et familiale : notamment dans l'organisation des visites des familles et proches. Les unités de vie familiales seront développées, les communications téléphoniques pourront être autorisées sous certaines conditions.

- Le droit à la santé des détenus. Il s'agit de l'accès aux soins du quotidien et aussi à des soins plus spécifiques.

- Les détenus mineurs bénéficieront de l'ensemble des droits reconnus aux majeurs, sous réserve bien sûr de leur capacité à les exercer.

Enfin, la loi pénitentiaire humanise le régime de la détention.
La loi pénitentiaire pose le principe de l'individualisation des régimes de détention.

Lorsqu'on gère une prison, il faut tenir compte de la personnalité des détenus, de leurs efforts de réinsertion et de leur dangerosité. L'Administration pénitentiaire tiendra compte de ces critères lors de l'affectation en cellule.

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Mesdames et Messieurs,

Vous le voyez, la future loi pénitentiaire est une réforme d'envergure. Elle pose les bases concrètes d'une nouvelle politique pénitentiaire, plus humaine, plus digne, plus moderne.

Elle permettra aux nouveaux établissements pénitentiaires de montrer leur intérêt et leur valeur.

La Justice pourra mieux exercer sa mission de protection, de sanction et de service rendu aux Français. C'est le sens des réformes que je conduis depuis dix-huit mois.

Je vous remercie.