[Archives] Hommage national aux victimes de terrorisme
Publié le 19 septembre 2011
Discours de Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés
Merci Monsieur le Directeur général,
Mesdames, Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs les élus,
Monsieur le préfet,
Mesdames, Messieurs les représentants des associations de victimes,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis aujourd'hui pour rendre hommage aux victimes de terrorisme et pour honorer la mémoire de vos frères, de vos sœurs, vos conjoints, vos parents ou enfants, qui ont été victimes d'actes d'une violence intolérable, certains y ont péri, d'autres sont blessés à vie dans leurs chairs. Je veux vous exprimer, au nom de Nicolas Sarkozy, président de la République, notre compassion et vous dire que la France n'oublie pas, qu'elle est à vos côtés dans ces moments douloureux.
Se souvenir, c'est rendre leur dignité aux victimes, c'est marquer le temps du recueillement en appelant la mémoire d'un être cher, en saluant le courage de ceux qui ont été blessés souvent très grièvement. C'est aussi rendre hommage, à ceux qui ont porté secours aux victimes, parfois au péril de leur vie, à ceux qui apportent leur soutien quotidien aux victimes, à leur famille et leurs proches.
Que soit saluée aujourd'hui la mémoire de toutes les victimes d'actes de terrorisme, sur notre territoire ou à l'étranger. La France a été touchée plusieurs fois sur son sol par des actes d'une rare violence, que l'on pense aux attentats de 1985 et 1986, à ceux de 1995 et 1996.
Que soit également saluée la mémoire de tous ceux qui ont subi la folie meurtrière des terroristes à l'étranger, brisant des vies partout dans le monde, alors que nous venons de rendre hommage aux victimes des attentats du 11 septembre 2001 :
- souvenons-nous des 170 personnes qui trouvèrent la mort il y a 22 ans, jour pour jour, dans l'attentat contre le DC10 d'UTA,
- rappelons-nous aujourd'hui des victimes de la tragédie de Beslan,
- pensons aux dernières victimes dont les proches ont ici évoqué la mémoire : la jeune Cécile Vannier, décédée, en février 2009, soufflée avec une cinquantaine de ses camarades dans l'explosion d'une bombe en plein centre du Caire ; Antoine Lamour Béchet de Léocour et Vincent Delory, enlevés au Niger, puis emmenés et assassinés au Mali en janvier dernier,
- n'oublions pas aussi les 16 victimes, et parmi elles, les 8 ressortissants français, tuées dans l'explosion du café Argana de Marrakech, le 28 avril dernier,
- pensons également aux otages dont la France fera tout pour obtenir la libération et tant d'autres victimes encore de la barbarie, à travers le monde.
Rappelons-nous que certains d'entre-eux étaient engagés dans l'action humanitaire, pour l'éducation, qu'ils entendaient porter les valeurs de partage et de dévouement. Honorer leur mémoire, c'est dire que la violence terroriste ne fera pas disparaître ces valeurs et que ni peur, ni repli ne l'emporterons.
Ayons une pensée pour tous ceux, nombreux aussi, qui furent blessés dans ces attentats ou survécurent aux enlèvements, je salue leur courage alors qu'ils se battent chaque jour pour surmonter des souffrances immenses, aussi bien physiques que morales. Je veux dire la reconnaissance de la France à tous ceux qui témoignent de cette douloureuse expérience, témoigner est un acte courageux et difficile : il nous faut entendre et porter votre voix, car la mémoire est un devoir collectif et individuel. La parole des victimes doit être entendue, pour leur permettre de se reconstruire, de relever la tête.
Je veux dire mon profond respect à celles et ceux qui s'engagent pour la cause des victimes, car que serait notre action sans l'implication sans relâche des associations, sans le dévouement de chaque instant des membres de l'Association française des victimes de terrorisme, de l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation et de la fédération nationale des victimes d'accidents collectifs pour soutenir, écouter, accompagner ceux qui souffrent. L'Etat entend être auprès des victimes, de leurs proches, pour vous soutenir, pour vous accompagner dans le long parcours de reconstruction qui est le vôtre, pour qu'à la douleur ne s'ajoute pas d'autres difficultés (difficultés de procédure, difficultés matérielles). Parce qu'il est de notre devoir à tous de vous aider, la France s'est dotée d'un fonds de garantie pour que les victimes soient intégralement indemnisées de tous les préjudices subis, la France a entendu développer un régime protecteur - pour que soient pris en charge les soins et l'appareillage des victimes. J'entends les réserves de certains, mais je veux leur dire que nous mettrons tout en œuvre pour poursuivre, intensifier cet engagement en faveur des victimes et améliorer notre action. Soyez assurés de mon écoute et de mon attention pour faire progresser l'aide aux victimes.
Aujourd'hui par cet hommage national s'expriment des valeurs essentielles, des valeurs républicaines, celles précisément qu'ont bafouées les auteurs d'actes terroristes.
Par cette cérémonie, nous disons aux victimes, à leurs proches qu'elles peuvent compter sur la solidarité de la nation, car nous ne pouvons tolérer que les victimes soient seules. Le terrorisme vous a arraché un être cher, elle vous a privé aussi de l'insouciance : rien ne pourra, en effet, effacer ces actes cruels et lâches que vous avez subis. Vous bénéficierez de notre appui, de notre écoute aussi longtemps qu'ils vous seront nécessaires.
La France s'engage à ce que justice vous soit rendue car nous n'admettrons jamais que de tels actes restent impunis, nous le devons aux victimes, nous le devons à leur famille et à leurs proches : nous mobilisons toutes nos forces pour que les auteurs des actes de terrorisme soient identifiés, jugés et sanctionnés, car ils ont commis les crimes les plus graves - la loi antiterroriste française repose sur des infractions lourdement sanctionnées. Enquêteurs, magistrats sont à pied d'œuvre pour que soient retrouvés et poursuivis ces criminels ; et nous travaillons très étroitement avec nos partenaires étrangers pour démanteler les réseaux et agir le plus en amont possible.
Nous devons rester vigilants.
Malheureusement, comme vous le rappeliez Monsieur le Directeur général, le terrorisme frappe encore les populations civiles partout dans le monde : dix ans ont passé depuis les attentats du 11 septembre, 22 ans depuis l'attentat du DC10 d'UTA, et les blessures demeurent ouvertes.
Le terrorisme peut encore frapper, tout doit être mis en œuvre pour déjouer les projets d'attentats. Le terrorisme est un fléau international, la France est déterminée à lutter sans relâche, et déploie tous ses efforts pour prévenir la réitération des violences terroristes : la coopération internationale est la première voie pour y parvenir.
Je sais que c'est avec courage que vous affrontez l'adversité. Pour ceux qui restent, rien ne sera jamais plus pareil, vos hommages aujourd'hui en témoignent : mais à la douleur, succède la force vitale, la force de se relever et d'agir ensemble pour que jamais de tels actes ne se reproduisent ; la force de lutter pour nos valeurs républicaines, celles de l'Etat de droit. Contrairement à ce qu'ils souhaiteraient, les terrorismes ne feront pas advenir la peur, ils ne nous feront pas renoncer, face à l'adversité nous unissons nos forces.
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Mesdames, Messieurs,
Le 11 septembre dernier, il aura fallu cinq heures aux familles de New-York pour citer les noms de leurs proches disparus dans les attentats de 2001, ils étaient près de 3 000 à y avoir perdus la vie ; mais combien de blessés, de cœurs meurtris, combien de morts encore dans les attentats perpétrés partout dans le monde depuis des décennies. Se souvenir, rendre leur dignité aux victimes est un travail essentiel que chacun de nous doit accomplir, parce que la mémoire, l'écoute, l'attention aux autres sont le meilleur rempart contre tous les obscurantismes et les fanatismes. Il nous faut agir ensemble, agir sans répit, pour ne jamais laisser aucun espace à la barbarie, et surtout empêcher qu'à l'avenir de nouveaux noms ne viennent s'ajouter à la liste déjà bien trop longue des victimes.