[Archives] Examen du projet de loi de finances 2008

Publié le 30 novembre 2007

Discours du Garde des Sceaux - Sénat

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17 minutes

 

 

Monsieur le Président,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

 

Le budget de la Justice pour 2008 est un budget ambitieux.

Je tenais tout d'abord à saluer les sénateurs du Luart, Lecerf, Détraigne et Alfonsi pour la qualité de leur rapport et j'y associe le sénateur Sutour.

Ce budget témoigne de l'engagement du Gouvernement. Vous l'avez aussi souligné Monsieur le sénateur Portelli.

Engagement à l'égard des Français. Ils attendent que la Justice s'améliore et se modernise.

Engagement à l'égard des magistrats et des fonctionnaires du ministère de la Justice. Le Gouvernement a voulu leur donner les moyens de leur mission.

 

Comme vous l'avez rappelé Monsieur le sénateur du Luart, ce budget bénéficie d'une forte augmentation à la fois de ses crédits et de ses emplois :

- Ses crédits sont de 6,519 milliards d'euros. Ils augmentent de 4,5 % alors que le budget de l'Etat ne progresse que de 1,6 %.
- 1.615 emplois y sont créés. Ils viendront s'ajouter au remplacement de tous les départs en retraite.

M. le Sénateur Sueur, cette année, le ministère du budget a procédé à des « corrections techniques » des plafonds d'emplois de tous les ministères au printemps 2007

Dans de nombreux ministères, il y avait des emplois vacants, parfois depuis des années. Ils étaient souvent gelés. Et il n'y avait pas de crédits en face de ces postes

En réalité, ces emplois n'existaient plus. Les plafonds d'emplois des ministères ont donc été mis à jour.

C'est sur cette base nouvelle que s'apprécient les créations d'emplois 2008 pour tous les ministères.

Les 1.615 créations sont certaines. Il suffira de voir sur le terrain qu'il y aura bien 1.615 recrutements supplémentaires.

Depuis mon arrivée à la Chancellerie, j'ai engagé une importante réforme de l'institution judiciaire.

Depuis l'été, d'importants chantiers de modernisation ont été lancés. La Parlement y a pris toute sa part.

 

Je vous demande aujourd'hui de soutenir l'effort engagé. Le budget de la Justice pour 2008 permettra de poursuivre la réforme entreprise. Il répond à quatre objectifs :

- Rendre la Justice plus humaine,
- Rendre la Justice plus ferme,
- Rendre la Justice plus efficace,
- Rendre la Justice plus ouverte.

 

1. Tout d'abord, nous voulons rendre la Justice plus humaine.

- La justice est humaine quand elle accorde de l'attention aux victimes

Les victimes ont souvent le sentiment que l'institution judiciaire les délaisse. J'ai reçu la semaine dernière les représentations d'associations de femmes victimes de violences. Elles m'ont fait part des difficultés rencontrées lors du parcours judiciaire. Il ne faut pas ajouter de souffrance à la souffrance.

La Justice doit être davantage à l'écoute des victimes. Nous devons mieux les accompagner tout au long de la procédure judiciaire. Nous devons garantir aux victimes que les peines prononcées seront bien exécutées. Il faut améliorer et simplifier les conditions de leur indemnisation.

Le fonctionnement de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions n'est pas satisfaisant. Les trois quarts des victimes n'y sont pas éligibles. Il n'y a pas de véritable suivi de leur indemnisation. J'ai annoncé une série de mesures. Elles seront mises en œuvre dès 2008.

Nous créerons un service d'assistance au recouvrement des indemnisations. Il aidera les victimes non éligibles à la commission d'indemnisation.
Elles n'auront plus à effectuer de démarches pour être indemnisées. Elles n'auront aucun frais à avancer pour obtenir les dommages et intérêts auxquels elles ont droit. Elles n'auront plus de contact avec leur agresseur. Ce service servira d'intermédiaire entre la victime et la personne condamnée.

La commission d'indemnisation des victimes d'infractions sera rendue plus accessible. Son président recevra les attributions de juge délégué aux victimes. Il pourra être saisi par toute personne ayant été victime d'une infraction ou par un avocat. Il sera en contact avec le juge de l'application des peines et le procureur de la République. Le décret sur le juge des victimes est paru au Journal officiel le 15 novembre ; il entrera en vigueur le 2 janvier 2008.

L'action des associations d'aide aux victimes sera davantage soutenue. Les crédits qui leur sont destinés augmenteront de près de 15 % en 2008. Ils s'élèveront à 10,9 millions d'euros.

L'accès au droit est une nécessité pour tous. L'an passé, 905 000 justiciables ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. La dépense devrait atteindre 320 millions d'€ en 2007. En 2008, 327 millions d'euros seront disponibles.

Monsieur le sénateur Détraigne, vous avez évoqué la question de la refonte du système de l'aide juridictionnelle. Votre collègue le sénateur du Luart, a présenté un rapport sur l'aide juridictionnelle le 9 octobre dernier. Vous proposez tous deux de faire évoluer ce dispositif. C'est une réflexion que nous pourrons mener ensemble en 2008.

Par ailleurs, Monsieur le sénateur du Luart, je tenais à vous rassurer au sujet du recouvrement des 8,9 millions d'euros. A ce jour, 8,7 millions d'euros ont déjà été recouvrés au titre de 2007. Nous parviendrons à faire encore mieux en 2008.

- La justice est aussi plus humaine quand elle garantit la dignité des personnes détenues.

Cette volonté, vous l'avez exprimée : la loi du 30 octobre 2007 a institué un contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Vous lui avez accordé hier 2,5 millions d'euros de crédits.

Le projet de loi pénitentiaire redéfinira le rôle des prisons. Il améliorera les conditions de prise en charge des détenus.

Le 19 novembre, le comité d'orientation restreint m'a remis sont rapport définitif. Il comporte 120 propositions.
Certaines concernent le régime de l'incarcération ainsi que les droits et devoirs des détenus. Les autres s'attachent à améliorer les conditions de travail des personnels de l'administration pénitentiaire. Elles sont actuellement examinées par les services du ministère. Un projet de loi est en cours d'élaboration. Je souhaite que vous puissiez l'examiner au premier semestre 2008.

M. le sénateur Lecerf, j'ai entendu vos remarques sur les limites de la prise en charge psychiatrique dans les prisons. Nous examinerons ce sujet dans le cadre de la loi pénitentiaire.

Pour répondre à votre question Monsieur le sénateur Détraigne, cette réforme s'appuiera sur une étude d'impact. Il faut que la mise en œuvre des lois se fasse dans de meilleures conditions. Il nous faut plus systématiquement réaliser des études d'impact.

Le budget 2008 prévoit, quant à lui, la création de 1.100 postes supplémentaires dans l'administration pénitentiaire. C'est un effort tout à fait significatif. Il s'accompagne d'un renforcement de la sécurité des personnels. J'ai signé le 12 septembre une convention avec les représentants des exploitants d'hélicoptères. Ce partenariat devrait permettre de réduire le nombre de tentatives d'évasion par voie aérienne. Parallèlement, des travaux de sécurisation continueront à être réalisés dans les établissements.

Il n'est pas prévu de transférer à la Justice les missions d'escortes et de garde des détenus dans les hôpitaux.
Le Président de la République l'a indiqué hier devant les forces de police et de gendarmerie. Ces missions font peser des charges importantes sur les services de la police nationale et de la gendarmerie. Il faut en avoir conscience et tout faire pour les alléger. Une véritable réflexion doit être conduite. Je pense par exemple au recours à la visio-conférence. Cette technologie limite les déplacements et les escortes. Ce n'est que l'une des pistes actuellement examinées.
En 2008, 7 nouveaux établissements ouvriront leurs portes. Trois seront des établissements pour mineurs.

Monsieur le sénateur Lecerf, vous appelez mon attention sur la nécessité de préserver des crédits d'entretiens pour l'administration pénitentiaire. Je vous rejoins. Cette préoccupation n'a pas toujours été une priorité. C'est souvent l'un des premiers postes budgétaires sacrifiés. Les choses sont en train de changer. Entre 2003 et 2006, la moyenne des crédits d'entretien a été 2,5 fois supérieure à la période 1999-2002. Ce n'est pas suffisant. L'effort sera poursuivi.

Monsieur le sénateur Alfonsi, compte tenu de ces ouvertures, vous m'avez interrogée sur l'opportunité de fermer davantage de quartiers pour mineurs. Il est nécessaire de conserver des quartiers pour mineurs afin d'assurer un maillage territorial. Il est important que les mineurs puissent rester proches de leurs familles.

Créer des places en détention ne règlera pas tout. Nous devons mettre en œuvre une politique ambitieuse d'aménagement des peines. C'est un outil qui facilite la réinsertion et limite la récidive.

 

A l'heure actuelle, seulement 10% des personnes condamnées bénéficient d'un aménagement de peine. Ce n'est pas suffisant. Le décret que j'ai pris le 16 novembre 2007 propose d'aller plus loin. Il facilite les aménagements de peine et assouplit le régime des permissions de sorties pour favoriser les démarches de logement et d'emploi.

Aujourd'hui, 2307 personnes sont placées sous bracelet électronique, 1724 personnes sont placées en semi-liberté et 800 en placements extérieurs.

L'effort pour développer les aménagements de peine se poursuivra en 2008. Le budget du ministère de la Justice consacrera 5,4 millions d'euros au financement des bracelets électroniques fixes ou mobiles. 3 000 bracelets seront disponibles.

Comme vous Monsieur le sénateur Lecerf, je souhaite développer les libérations conditionnelles. Au cours du 1er semestre 2007, le nombre de libérations conditionnelles a augmenté de 6% ( 3 113 contre 2 937 pour la même période de 2006).
Le nombre d'aménagement de peines a augmenté de 38 % en un an.

 

Enfin un million d'euros sera destiné au financement des associations qui accueillent des détenus.
Elles les accompagnent tout au long de leur aménagement de peine. En leur offrant un logement et un travail, elles augmentent considérablement leurs chances de réinsertion.

C'est par ces mesures que la Justice deviendra plus humaine pour nos concitoyens.

La Justice doit également assurer leur sécurité.

 

2. C'est pour cela que nous devons rendre la Justice plus ferme

Veiller à la sécurité des Français est la mission essentielle de la Justice. Elle doit faire preuve d'autorité et de réactivité quand la situation l'impose.
Mardi dernier, suite aux événements survenus dans le Val d'Oise, j'ai demandé aux procureurs de la République de faire preuve de fermeté. 42 personnes impliquées dans des faits de violences et de dégradations ont déjà été déférées. 21 ont été jugées en comparution immédiate. 13 peines d'emprisonnement ferme avec mandat de dépôt ont été prononcées.
J'ai également demandé aux parquets d'assurer une information complète et immédiate des victimes.
Il est nécessaire de les informer sur leurs droits et sur les suites judiciaires données.
Ces violences ne sont pas acceptables. La Justice doit y répondre fermement.

Cette fermeté, nous l'avons aussi dans la lutte contre la récidive. Vous avez voté la loi du 10 août 2007. Sur son fondement, 2.231 décisions ont été rendues à ce jour. 1.227 décisions ont condamné des délinquants récidivistes à une peine plancher. Cette loi constitue un juste équilibre. Elle respecte le pouvoir d'appréciation des juges et le principe d'individualisation des peines. Il n'y a pas d'automaticité de la sanction pénale.

Il y a seulement la volonté de sanctionner plus sévèrement et plus systématiquement ceux qui multiplient les actes de délinquance.

Chacun est responsable de ses actes. C'est aussi vrai pour les mineurs. J'ai posé un principe clair : « Une infraction, une réponse pénale. ». Il ne faut pas que la délinquance des mineurs s'installe. Il ne faut pas qu'ils aient le sentiment d'être à l'abri de la Justice. Entre les mois de juillet et octobre, les jugements de mineurs sur présentation immédiate ont augmenté de 30%.

Le projet de budget améliore la prise en charge des mineurs délinquants. Elle sera plus rapide et plus efficace.

Les centres éducatifs fermés sont un outil de réponse adaptée. C'est vrai Monsieur le sénateur Roland du Luart, ces centres ont un coût. Il est essentiellement lié à la montée en charge de ces centres. Il ne tardera pas à se stabiliser. Mais il faut aussi regarder les résultats de ce dispositif : 61% des adolescents qui en sortent ne récidivent pas. Ils permettent aux mineurs de réfléchir sur les actes commis. Ils leur donnent la possibilité de suivre un programme scolaire ou d'effectuer une formation. Ils donnent aux jeunes une nouvelle chance dans la vie. Ils leur donnent les moyens d'affronter sereinement l'avenir.

10 nouveaux centres éducatifs fermés ouvriront en 2008. Nous en aurons donc au total 43 fin 2008.

Cinq centres à dimension pédopsychiatrique seront également opérationnels. Ils permettront de renforcer l'accompagnement des mineurs en difficultés. M. le Sénateur Alfonsi, ils ont vocation à accueillir des jeunes de toute la France pour une prise en charge adaptée.

La protection judiciaire de la jeunesse bénéficiera de 100 emplois supplémentaires en 2008. Ils seront destinés à l'encadrement des centres éducatifs fermés et des établissements pénitentiaires pour mineurs. Ils contribueront également à améliorer le travail éducatif et à diversifier les prises en charges. C'est un point important.

Pour les personnels comme pour les justiciables, nous renforçons la sécurité des palais de justice. Nous avons tous en tête les drames de Metz et de Laon en juin dernier. Ils ne doivent pas se reproduire. Cet été, j'ai débloqué 20 millions d'euros de crédits qui avaient été gelés. Grâce à ce plan de sécurisation, 209 juridictions ont maintenant un portique de sécurité ; 92 % des équipes de surveillance sont aujourd'hui en place. Notre effort sera poursuivi en 2008. Nous y consacrerons 39 millions d'euros. Il n'y a pas de privatisation de la sécurité Mme Borvo.
Je rappelle qu'une partie de la surveillance est assurée par des retraités de l'Administration Pénitentiaire.

Les chefs de cour et de juridictions ont joué un rôle essentiel dans la mise en œuvre de ce plan. Monsieur le sénateur Détraigne, vous avez évoqué le souhait de leur donner davantage d'autonomie dans la gestion de leurs crédits. Cela a été le cas pour la sécurisation des juridictions. Les chefs de cour et de juridiction disposent donc d'une marge de manœuvre. Il s peuvent l'estimer insuffisante. Nous ne sommes qu'au début de la LOLF. Les choses vont évoluer.

Pour protéger les Français, il est également essentiel de prévoir des mesures de sûreté contre les pédophiles et les délinquants dangereux en fin de peine. C'est l'objet du projet de loi que j'ai présenté mercredi en Conseil des ministres. Il concerne les personnes condamnées à au moins 15 ans de réclusion pour des crimes commis sur mineurs et qui sont toujours dangereux en fin de peine.

Elles pourront être placées dans des centres fermés où elles bénéficieront d'une prise en charge médicale. Le bien fondé du placement sera réexaminé chaque année.

Le second volet de ce projet de loi concerne les irresponsables pénaux pour troubles mentaux. Il s'agit de mieux prendre en compte les victimes. La procédure judiciaire ne s'achèvera plus par « un non-lieu ». Ce terme est mal vécu par les familles de victimes. Il donne l'impression que les faits n'ont jamais eu lieu. Désormais, une audience publique pourra être tenue si les victimes le souhaitent. Les juges pourront ordonner des mesures de sûreté comme l'interdiction de rencontrer les victimes.

Le projet de loi est inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le 18 décembre.

Comme vous l'avez souligné Monsieur le sénateur du Luart, la Justice est en pleine mutation. Ses principes fondamentaux évoluent pour mieux s'adapter aux attentes de notre société.

La Justice doit gagner en fermeté, en humanité, mais aussi en efficacité.

 

 

3. Nous devons rendre la Justice plus efficace

- Pour cela, nous devons moderniser l'organisation territoriale de la Justice.

Le Parlement a voté la loi du 5 mars 2007. Cette loi instaure la collégialité de l'instruction. La collégialité est une réponse au drame d'Outreau. Cette affaire a montré que la solitude du juge pouvait être dangereuse. Il faut que les magistrats puissent échanger entre eux. Il faut que les magistrats les plus expérimentés puissent conseiller ceux qui prennent leurs fonctions.

C'est pourquoi la loi du 5 mars 2007 a prévu en son article 6 que, « dans certains tribunaux de grande instance, les juges d'instruction sont regroupés au sein d'un pôle de l'instruction. » Le Parlement a confié au gouvernement le soin de fixer par décret la liste des tribunaux concernés.

Il ne peut pas y avoir de pôles de l'instruction dans tous les départements. C'est la loi qui le dit.

Ces pôles seront installés dans les tribunaux de grande instance ayant une activité suffisante pour trois juges d'instruction. Cela suppose nécessairement une réflexion territoriale. Nous avons recherché un équilibre pour chaque région.

Notre carte judiciaire date de 1958. Elle n'a pas été modifiée depuis cinquante ans. Chacun connaît les difficultés de fonctionnement qu'elle engendre. Chacun comprend que l'on ne peut pas continuer à disperser nos moyens au sein de 1 200 juridictions sur 800 sites. Cette réforme est une nécessité. Vous l'avez très bien souligné Monsieur le sénateur Fauchon. J'apprécie votre soutien et vous en remercie.

La nouvelle carte judiciaire dessine une justice renforcée dans l'intérêt des justiciables. J'ai entendu vos interrogations, M. Détraigne, Mme Borvo, et je peux vous assurer que la future implantation des tribunaux correspondra aux réalités démographiques, sociales et économiques de notre territoire. Elle améliorera la qualité et l'efficacité de la réponse judiciaire. C'est cela qu'attendent les Français.

La réforme de la carte judiciaire n'a été ni mécanique, ni partisane, ni comptable.

Pour les tribunaux de grande instance, nous avons recherché les meilleurs équilibres locaux. Un tiers des départements en métropole (32 sur 96) continuera à compter au moins deux TGI.

S'agissant des tribunaux d'instance, 176 sur 462 seront regroupés. C'est 38%. Nous n'avons pas créé de « désert judiciaire ». La proximité en 2007, ce n'est pas la proximité de 1958. Aujourd'hui, ce n'est plus la proximité physique du tribunal qui importe. C'est la qualité de la justice rendue.

M. le Sénateur Sueur, la proximité, c'est la satisfaction rapide du besoin de justice. Mme Borvo, les affaires familiales ne sont pas une compétence des tribunaux d'instance, mais des TGI. Le Sénateur Fauchon a raison, aller au tribunal, ce n'est pas aller au bureau de poste. Il faut faire la différence entre l'accès au droit et l'accès au juge. L'Assemblée Nationale a d'ailleurs adopté un amendement pour permettre de développer la politique de l'accès au droit pour tenir compte des contraintes géographiques.

Pour les tribunaux de commerce, 55 ont été regroupés sur 185. C'est 30%. Le transfert des compétences commerciales des TGI aux tribunaux de commerce nous conduit à créer 56 nouvelles juridictions commerciales.

Pour les conseils de prud'hommes, le code du travail prévoit une consultation spécifique. Un avis du ministère du Travail est paru au Journal Officiel du 22 novembre. Les collectivités, les organismes syndicaux et professionnels ont un délai de trois mois pour faire connaître leurs observations aux préfets de département. Le Conseil de Prud'hommes de Flers, c'est 116 affaires par an pour 32 conseillés.

M. le Sénateur Sueur, vous avez relevé que cette réforme suscite des inquiétudes. Je les entends et je les comprends. Quand une organisation n'a pas changé depuis plus de 50 ans, voire même, comme l'a rappelé le Sénateur Fauchon, depuis l'ancien régime, sa réforme fait peur.

Il faut d'ailleurs relativiser ces inquiétudes. Hier, le nombre des grévistes était d'environ 21%. Il faut savoir que ce taux était de 44% en 2000 lors de la réforme sur la présomption d'innocence par Mme Guigou, alors que cette loi ne visait pas une réforme de structure.

M. le Sénateur Sueur, vous indiquez que les parlementaires n'ont pas été associés. Nous avons rencontré 235 élus. Tous les élus ont été entendus lors des réunions régionales.

Vous indiquez qu'il n'y pas eu de concertation.

J'ai reçu des orientations générales des acteurs nationaux de la justice dans le cadre du comité consultatif mis en place. Je me suis rendue dans chaque région pour expliquer les propositions fondées sur les rapports des chefs de cours.

M. le Sénateur Sueur, vous demandez une nouvelle commission. Mais nous avons déjà eu la commission Outreau. Faut-il encore créer un nouveau comité pour mieux enterrer cette réforme ? C'est la technique qui a été choisie sous Mme Guigou ou Mme Lebranchu. Cette réforme ne peut plus être reportée. Aujourd'hui, nous devons agir. Nous avons beaucoup trop attendu.

La réforme de la carte judiciaire se fera progressivement. Elle sera étalée sur trois ans. Elle commencera en 2008 et s'achèvera en 2010.

Un accompagnement social des personnels concernés par la réforme sera, naturellement, mis en place. Dès 2008, une provision de 1,5 million d'euros sera consacrée aux premières mesures d'aides aux personnels.

Nous étudions également les possibilités d'apporter des compensations financières aux avocats touchés par la réforme.

Une fois que cette nouvelle organisation territoriale sera stabilisée, il nous faudra réfléchir à une nouvelle répartition du contentieux au profit des justiciables.

- Pour renforcer son efficacité, la justice doit aussi utiliser les outils de son temps.

Les nouvelles technologies facilitent l'accès à la justice. Elles la rendent plus rapide, plus réactive, plus efficace. Un décret du 15 novembre 2007 prévoit la dématérialisation des procédures pénales. Elle sera effective en 2008. La dématérialisation des procédures civiles interviendra en 2009. La communication électronique avec les auxiliaires de justice et la visioconférence seront développées. Des sites pilotes les utilisent déjà avec des résultats prometteurs.

Demain, le justiciable et son avocat pourront suivre l'avancement de leur procédure sans avoir à se déplacer. Ils pourront consulter ou compléter un dossier à distance. Ils pourront recevoir un jugement par courrier électronique. Les greffes gagneront un temps précieux, qui pourra être consacré à des travaux plus utiles que la reprographie des dossiers.

Plus de 67 millions d'euros seront consacrés en 2008 aux programmes informatiques de la Justice.

 

4. Nous devons rendre la Justice plus ouverte

- Je souhaite que la Justice reflète la diversité de notre société.

L'Ecole nationale de la magistrature sera modernisée. C'est la mission de son nouveau directeur. Comme l'ont souligné les sénateurs Fauchon et Gauthier, l'Ecole doit former des magistrats efficaces, responsables, ouverts sur le monde. Elle doit développer chez les auditeurs de justice les qualités humaines indispensables à l'exercice de leurs futures fonctions. La formation des magistrats et des personnels judiciaires sera l'un des chantiers de la présidence française de l'Union européenne.

La Justice prend toute sa part dans la politique d'égalité des chances.
Une classe préparatoire intégrée à l'Ecole nationale de la magistrature ouvrira en janvier 2008. Elle est destinée à accueillir 15 étudiants d'origine modeste qui veulent préparer le concours de la magistrature. Nous avons déjà reçu 176 dossiers de candidats de toute la France. La condition sociale ne doit pas être un frein à l'ouverture de la magistrature. D'autres classes préparatoires ouvriront : à l'Ecole des greffes dès février 2008, à l'Ecole de l'administration pénitentiaire et au Centre national de la protection judiciaire de la jeunesse en septembre 2008.

Je souhaite également que les femmes soient mieux représentées au plus haut niveau de responsabilités du corps judiciaire. Je me suis engagée à renouveler et à assurer la parité dans les nominations : 10 nouveaux procureurs généraux ont été nommés le 14 novembre. Parmi eux, il y a cinq femmes.

- Cette politique d'ouverture sera encouragée par la mise en place d'une véritable politique des ressources humaines.

La gestion des carrières des magistrats et des greffiers doit être modernisée.

Il y a de nombreux talents dans les juridictions : talents dans l'organisation, talents dans certains contentieux, talents dans les perspectives d'une fonction en administration centrale. Il faut les valoriser.
Je pense notamment aux possibilités offertes par les détachements de personnels. Ils donnent la possibilité d'une ouverture vers une autre administration, vers le secteur privé ou vers la sphère internationale. Ce sont toujours des expériences très riches.

En 2008, 400 emplois supplémentaires vont être créés au profit des juridictions. Des emplois de magistrats sont destinés aux pôles anti-discrimination, au secrétariat général de tribunaux de grande instance, aux futurs pôles de l'instruction ; d'autres seront utilisés pour des missions de magistrats placés, qui remplacent leurs collègues absents. Une bonne gestion des ressources humaines, c'est mettre les bonnes personnes aux bonnes fonctions.

Pour répondre à vos préoccupations Messieurs les sénateurs du Luart et sénateur Détraigne, il y aura autant d'emplois nouveaux de greffiers que d'emplois nouveaux de magistrats. Soit 187 magistrats et 187 greffiers. Je partage votre vision des choses messieurs les sénateurs : la qualité du travail judiciaire, c'est aussi l'assistance qu'apporte le greffier au magistrat.

Ces créations de postes et le recours aux nouvelles technologies permettront aussi, comme vous l'avez souhaité Monsieur le sénateur Alfonsi, de réduire le délai d'exécution des décisions de justice.

J'ai créé cet été à la Chancellerie une véritable Direction des ressources humaines pour améliorer les conditions de carrière des magistrats et des greffiers.

 

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Comme vous le voyez, la Justice est en pleine modernisation.

Le budget constitue l'un des outils de cette modernisation.

Celle-ci demandera de grands efforts.

Elle se fera grâce à l'engagement de toutes les forces, de toutes les volontés de notre pays, et donc de la vôtre.

Je vous remercie.