[Archives] Déplacement à l'ENPJJ jeudi 1er septembre 2011

Publié le 01 septembre 2011

Discours de Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés

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6 minutes

 

Madame la Première présidente, (Dominique Lottin)

Monsieur l’Avocat général, (Philippe Gosselin)

Mesdames et messieurs les élus,

Monsieur le Directeur général, Jean-Pierre Valentin,

Mesdames, Messieurs les Directeurs,

Mesdames, Messieurs les formateurs et personnels de l’ENPJJ,

Mesdames et Messieurs les stagiaires,

Mesdames, Messieurs,

 

Je suis ravi d’être aujourd’hui parmi vous, aujourd’hui où, Mesdames et Messieurs les futurs Directeurs et éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, vous débutez vos deux années de formation. Je me réjouis que vous veniez rejoindre les rangs de la protection judiciaire de la jeunesse, vous avez choisi d’embrasser les passionnantes professions de la PJJ.

Vous avez intégré une Ecole d’excellence, et je veux saluer, Monsieur le Directeur général, la qualité de l’enseignement et le dynamisme de l’ENPJJ. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour adresser mes remerciements à l’ensemble des personnels et équipes pédagogiques qui dispensent des enseignements de grande qualité, grâce auxquels les stagiaires diplômés de l’ENPJJ seront hautement qualifiés. L’ENPJJ a toujours su adapter ses formations pour être en phase avec la réalité des métiers de la protection judiciaire de la jeunesse et des évolutions de notre société. Et l’on sait toute l’importance d’une telle capacité d’évolution pour apporter la meilleure réponse à la protection de l’enfance, pour apporter la réponse la mieux adaptée à la délinquance des mineurs.

2012 sera une année importante pour la PJJ. Nous sommes en effet à l’aube de deux anniversaires symboliques qui témoignent du chemin parcouru, mais aussi (et je dirais surtout) de la permanence des principes fondamentaux qui gouvernent vos métiers : un siècle, on pense souvent que c’est avec l’ordonnance du 2 février 1945 que débute la justice pénale des mineurs telle que nous la connaissons, mais c’est en 1912 qu’ont été posés les principes de cette justice. Voilà soixante ans qu’a été créée une formation pour la protection judiciaire de la jeunesse : la PJJ repose sur des méthodes et des outils spécifiques, et nous avons très tôt pris conscience qu’il ne saurait y avoir de prise en charge efficace sans formation adéquate et sans partage d’expérience.

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Notre droit pénal des mineurs et la formation que vous vous apprêtez à suivre reposent sur des principes fondamentaux, auxquels chacun de nous est profondément attaché : celui de la spécialisation de la justice des mineurs, celui de la finalité éducative de cette justice. Ces deux principes au cœur de votre mission, guident aussi mon action. Notre justice pénale des mineurs a considérablement évolué, vos métiers se sont modernisés, sans jamais perdre de vue ces valeurs qui font la qualité de notre action en faveur des mineurs en difficulté.

Ces principes, la volonté de définir des solutions efficaces, ont d’ailleurs présidé à la réforme de la loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs. Par cette loi, nous avons amélioré le fonctionnement de la justice pénale des mineurs, en apportant de nouvelles réponses, progressives en fonction de la gravité des faits et qui permettent une appréciation plus approfondie de la personnalité du mineur. Tel est ainsi l’objet du dossier unique de personnalité. C’est grâce à une information complète, actualisée, que magistrats et professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse pourront prendre les mesures et les sanctions adaptées à la situation et au parcours du mineur. C’est en effet en affinant les réponses pénales et éducatives, que nous nous donnerons les meilleurs moyens de prévenir la récidive.

La loi a également innové en introduisant le principe de césure du procès pénal, qui, tout en respectant le temps nécessaire au juge pour recueillir les éléments de personnalité, permet un jugement plus rapide. Nous le savons, le temps entre la commission des faits et le jugement du mineur est encore souvent trop long, intervenant de longs mois après les faits, la sanction perd toute portée pédagogique. C’est pourquoi nous avons introduit, par la loi du 10 août 2011, la possibilité pour le parquet de convoquer par officier de police judiciaire directement devant le tribunal pour enfants le mineur déjà connu de la justice, sous réserve de l’existence d’investigations sur la personnalité du mineur et du respect d’un seuil de peine fixé en fonction de son âge.

Enfin, pour n’évoquer que quelques-unes des nombreuses avancées de cette loi, nous avons créé une nouvelle formation de jugement : le tribunal correctionnel pour mineurs. Il était important qu’à la progressivité des sanctions puisse correspondre une progressivité dans les formations de jugement, tout en préservant la spécificité de ces formations et de la procédure suivie.

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Grâce à des réponses diversifiées, nous pouvons agir efficacement à l’égard des mineurs. Mais c’est aussi grâce à l’implication de chacune et de chacun d’entre vous, et je sais tout l’engagement et le dévouement des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse pour mener à bien leur mission, je sais aussi toute leur capacité d’innovation. Ces retours d’expérience, les solutions proposées par le terrain sont essentielles : qui mieux que vous peut formuler des propositions en phase avec la réalité.

C’est aussi par une collaboration étroite de tous les acteurs concernés, PJJ bien sûr, magistrats, mais aussi partenaires locaux, que l’action en faveur des mineurs peut produire tous ses effets. Vous, mesdames et messieurs, professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse bénéficiez d’une expérience, d’une expertise, d’un savoir-faire et d’une connaissance des mineurs que vous suivez, qui sont autant d’éléments essentiels aux magistrats. C’est d’ailleurs fort de ce constat, que le ministère de la justice a créé, en décembre dernier, la mesure judiciaire d’investigation éducative, qui porte une vision large de la protection de l’enfance, et tire partie d’un de nos atouts majeurs – la pluridisciplinarité. Le parcours, la situation du mineur comportent de multiples dimensions que seule une information complète peut permettre d’éclairer. Par leur professionnalisme et leur connaissance experte, les acteurs de la PJJ ont évidemment un rôle central à jouer. La circulaire du 30 juin dernier est venue encore renforcer l’effort de coordination qui doit s’opérer au sein du trinôme du juge des enfants, du procureur de la République et des directeurs de services de la PJJ.

Cette collaboration ne doit bien sûr pas se limiter à la sphère des acteurs de la chaîne éducative et judiciaire, il existe une nécessaire complémentarité entre l’action de l’institution judiciaire et celle des collectivités territoriales. Je suis profondément convaincu de la nécessité d’approfondir nos partenariats locaux, mais je sais que c’est aussi votre conviction : quel plus bel exemple de cette complémentarité de nos actions que celui de la protection de l’enfance.

De la qualité des relais, de la qualité de la communication dépend la qualité des réponses administratives, puis judiciaires. C’est pourquoi, dans la continuité de la réforme du 5 mars 2007, le ministère de la Justice a veillé à définir précisément le rôle de l’institution judiciaire dans la mise en œuvre de la réforme de la protection de l’enfance. Je suis profondément convaincu du rôle central qu’ont à jouer les services de la PJJ dans le dialogue qui doit s’instaurer entre les juridictions et les services de l’aide sociale à l’enfance. La circulaire du 6 mai 2010 a permis de clarifier le rôle de chacun, cette fluidité est la clé de la protection de l’enfance : car il faut veiller à mettre fin rapidement aux situations de danger dans lesquelles peut se trouver l’enfant, tout en garantissant la protection des libertés individuelles.

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Je sais votre volontarisme en la matière ; la PJJ a toujours eu à cœur de faire évoluer ses cadres d’action, pour favoriser le dialogue et la professionnalisation de ses agents. La réforme statutaire des directeurs des services et des éducateurs qui entre en vigueur aujourd’hui même participe de cette modernisation des métiers.

Vous bénéficiez ainsi, mesdames, messieurs, d’un cadre de formation rénové favorisant des enseignements théoriques et une formation pratique approfondis. Vous exercerez des métiers passionnants et vous le savez les attentes à l’égard de vos métiers sont fortes (protection de l’enfance et réinsertion des mineurs en rupture constituent des défis d’importance dans l’avenir d’une société). Grâce à la formation que vous recevrez vous serez armé pour assumer pleinement les responsabilités qui vous incombent. La formation continue sera un atout supplémentaire, pour vous donner les moyens de parfaire votre expertise, et je salue la qualité des programmes mis en œuvre par l’ENPJJ en la matière.

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Mesdames, Messieurs,

Vous entrez au cœur de métiers aussi exigeants que stimulants, et je me réjouis que la protection judiciaire de la jeunesse s’enrichisse aujourd’hui de nouveaux visages et de nouvelles compétences. Je sais que vous aurez à cœur de mettre votre dynamisme au service de cette belle institution, les défis seront nombreux à n’en pas douter mais vous y trouverez de grandes satisfactions professionnelles et personnelles.  

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