[Archives] Déplacement à AGEN

Publié le 12 septembre 2013

Discours de Madame Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Temps de lecture :

31 minutes

Attendez, je croyais qu’on allait m’introduire. (Rires) Monsieur le Préfet, où est-il passé ?

Monsieur le Préfet – Je suis là Madame la Ministre.

Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ministre de la Justice – Monsieur le Préfet, Madame la Députée, Messieurs les Chefs de Cour, Messieurs les chefs de juridiction et d’abord en toute estime et en tout honneur, Monsieur le Procureur Général Président du Conseil d’administration, dont j’apprécie par ailleurs les travaux puisque vous nous avez remis des rapports de très, très grande qualité qui inspirent d’ailleurs un certain nombre de décisions. Madame la Directrice de l’administration pénitentiaire, Monsieur le Directeur de l’École de l’Administration Pénitentiaire, Mesdames et Messieurs, Mesdames et Messieurs les Représentants des délégations étrangères. Bienvenue.

Je sais que vous travaillez depuis deux jours. J’aurais pris plaisir à assister à vos travaux compte tenu de la conception même de ce colloque, de sa répartition en trois grands axes, et de la qualité des intervenants. J’en ai malheureusement été privée parce que c’est un luxe inimaginable pour un ministre, Garde des Sceaux en particulier, de pouvoir libérer 48 heures pour pouvoir participer à des travaux. Donc je pendrai quelques nuits à prendre connaissance des résultats de vos réflexions. Mais j’ai pu apprécier, Monsieur Gaquière, la précision, la clarté avec lesquelles vous avez présenté l’essentiel de ces deux journées de travaux, les interrogations fortes et dures même parfois qui demeurent, les perspectives que vous tracez et surtout la confiance que vous avez dans la capacité individuelle et la capacité collective à porter ce service public de la Justice, à porter cette administration pénitentiaire dans la diversité de ses métiers.

Mesdames et Messieurs, je suis ravie d’être là. C’est la deuxième fois que je viens dans cette école. La dernière fois que j’y suis venue, c’était pour installer très officiellement, très solennellement M. Pottier en qualité de directeur de cette école, saluer le travail qu’avait accompli sa directrice adjointe par intérim pendant plusieurs mois, et puis saluer aujourd’hui le tandem qu’il constitue, les ambitions de votre directeur, des ambitions qui correspondent à la fois aux nécessités, aux défis qui s’imposent à nous, et à la volonté que nous exprimons.

C’est une école unique de la fonction publique parce qu’elle accomplit cette prouesse extraordinaire de former dans tous les métiers de la pénitentiaire, et les métiers sont pourtant divers, puisque cette école, aussi bien en formation initiale qu’en formation continue, forme des surveillants, des gradés, des officiers, des directeurs de services pénitentiaires, des directeurs d’insertion et de probation, des conseillers d’insertion et de probation, et forme également à tous les métiers administratifs et à tous les métiers techniques. C’est une école qui se permet en plus le luxe de stimuler la recherche, d’accueillir en son sein la recherche, et cela c’est, est extrêmement précieux. Et c’est une école d’ouverture. La preuve : ce colloque avec des délégations étrangères.

Je sais donc que vos travaux ont été d’une très grande richesse, et cette richesse est bienvenue parce que cette diversité de métiers pénitentiaires, assurée par à peu près 35 000 fonctionnaires aujourd'hui, 35 000 fonctionnaires qui participent à l’œuvre de Justice, qui œuvrent aussi à la sécurité des Français. Ces métiers pénitentiaires ont subi des à-coups à travers le temps, sans aucune polémique, même si ces dernières années ont cumulé, intensifié les à-coups par la multitude de lois qui ont été adoptées, par la multiplication des missions qui ont été imposées, par l’absence de cadre défini pour l’exercice de ces missions. Mais c’est néanmoins la dynamique normale des métiers du service public de la Justice que d’évoluer parce que la société évolue, parce que les enjeux changent, parce que les formes de réponse changent, et parce que le rapport de la société à ces activités-là est un rapport aussi qui évolue. Vous évoquiez, Monsieur le Directeur, tout à l'heure l’acceptabilité de la société sur un certain nombre de réponses. Cette acceptabilité n’est pas statique, elle change. Elle change sous le coup d’influences multiples, elle change sous le coup évidemment d’une parole politique, selon la façon dont elle est portée, d’une action politique selon la façon dont elle est inscrite dans la loi, d’une action politique à travers aussi les politiques publiques. Mais elle change aussi selon la place que l’on réserve à la réflexion, à la recherche, à l’échange.

Il n’empêche que ces dernières années, les métiers de la Justice, donc aussi bien dans le judiciaire que dans l’action pénitentiaire, et j’y inclus bien entendu la protection judiciaire de la jeunesse, ces métiers ont changé. Ils ont changé un petit peu dans la bousculade, et parfois même fortement dans la bousculade, parce que les textes ont changé à un rythme qui ne permettait même pas d’assimiler les précédentes consignes et orientations ; parce que ces métiers ont changé sous le coup aussi de l’expression publique de la société, c’est-à-dire de ce que la société renvoyait au service public de la Justice. Ces métiers ont changé sans que ceux qui les exercent aient eu le temps de se poser et de maîtriser ces changements.

Ce que je vous propose, ce que nous faisons depuis quelques mois, c’est effectivement de nous poser pour réfléchir ces changements, pour orienter ces changements, pour les maîtriser. Et c’est pour cela que la réforme qui consiste à lutter contre la récidive, à prévenir la récidive, à favoriser l’individualisation de la peine, aussi bien dans son prononcé que dans son exécution, a facilité, en tout cas créé les conditions de l’insertion et de la réinsertion, sont une circonstance qui nous permet de repenser l’ensemble des différents métiers pénitentiaires.

J’ai fait le choix, dès le début, d’une méthode de rigueur. Je veux remercier en particulier les chercheurs qui sont dans la salle, ceux qui ne sont pas là et ceux qui produisent des travaux rigoureux depuis de nombreuses années, des travaux qui nous ont permis d’alimenter notre réflexion et de gagner des années, des années à la fois de pensées et d’expérimentations.

Cette méthode de rigueur a été la conférence de consensus, conférence de consensus qui a rassemblé des personnes de métiers différents : des métiers judiciaires, des services d’enquête ; mais qui a rassemblé aussi des personnes qui ont des responsabilités politiques, avec des sensibilités différentes ; rassemblé des chercheurs, des chercheurs français, européens et étrangers ; tous les autres les métiers, les métiers pénitentiaires, les associations de victimes. Cette conférence de consensus qui dans un premier temps, un comité d’organisation a rassemblé les connaissances, a travaillé de façon à poser un diagnostic commun, un diagnostic partagé, et a préparé le travail des experts qui allaient éclairer les membres du jury du consensus, mais éclairer tous ceux qui s’intéressaient à ces sujets-là. Ce sont ceux qui exercent ces métiers-là, mais c’est aussi des personnes du grand public, ce sont des personnes qui sont aux côtés aussi de ceux qui exercent ces métiers, et qui pendant deux journées d’auditions d’experts, de débats, ont été 2 300 personnes à suivre ces travaux et à s’y intéresser.

Le comité d’organisation a donc réussi à construire par consensus un diagnostic partagé. Le jury d’organisation a réussi à construire, lui, par consensus une liste de préconisations qui ont été remises au Premier ministre, donc au gouvernement. Sur la base de ces préconisations, qui n’ont été retenues que dans la mesure où elles avaient été adoptées à l’unanimité des membres du comité du jury d’organisation. Un jury extrêmement divers, lui aussi, composé donc de personnes de sensibilités politiques différentes, mais de parcours et d’expériences très, très différentes ; composé également d’un commissaire divisionnaire et d’un colonel de gendarmerie parce qu’il y a un jeu terriblement malsain mais tenace, hélas, qui consiste à vouloir opposer la Justice et la Police, alors que l’expérience des contacts montre que tous les jours, sur le terrain, les relations sont établies, qu’elles sont construites, qu’elles sont structurées, qu’elles sont nourries, qu’il y a une relation de confiance et de respect mutuel, qu’il y a des structures où se retrouvent bien entendu la justice, la police et la gendarmerie ainsi que d’autres partenaires. Je pense notamment aux états-majors de sécurité. Mais dans les zones de sécurité prioritaires, aux cellules de coordination. Donc il y a un jeu qui se passe dans une sphère un petit peu virtuelle, et puis il y a une réalité du terrain qui est d’une tout autre nature. Et cette nécessité de travailler ensemble est une nécessité d’État. C’est une nécessité qui répond à l’obligation que l’État a d’assurer la sécurité des citoyens dans le respect du droit, c’est-à-dire dans le respect des libertés, dans le respect des principes qui sont énoncés à la fois dans la Constitution et dans le droit.

C’est donc ces personnalités extrêmement diverses qui, dans le jury de consensus, ont proposé une douzaine de préconisations adoptées à l’unanimité, présentées au gouvernement, sur la base desquelles j’ai organisé, moi, une autre série de consultations, un cycle de 34 consultations, de façon à alimenter à nouveau la réflexion sur ces préconisations, et donc irriguer l’écriture de la réforme qui vise à lutter et à éviter la récidive, à lutter contre la récidive, à la prévenir, à individualiser la peine et à favoriser l’insertion et la réinsertion.

Cette réforme a cet esprit-là et cette ambition-là. Nous voyons bien l’état des choses. L’état des choses, c’est quand même une politique pénale, ou des politiques pénales qui ont été écrites et appliquées ces dernières années avec un certain nombre de directions peu constantes, il faut le dire, en matière de politique pénale, mais avec une contradiction majeure entre les lois pénales qui ont été adoptées et la loi pénitentiaire qui a été adoptée en 2009. Et une façon faite de répondre à la fois à la surpopulation carcérale et à la récidive par des instruments quantitatifs, sans consultation sur leur efficience en matière de réduction de la récidive. En clair, un certain nombre de mécanismes ont été adoptés, essentiellement pour gérer les flux carcéraux. Je pense à l’AFESIP, je pense l’AFSSA(11 :31), je pense évidemment globalement à l’injonction forte d’aménagement de peine, en même temps que les magistrats avaient la contrainte de prononcer des jugements de plus en plus répressifs parce que les lois étaient de plus en plus répressives, qu’elles étendaient de plus en plus leur champ délictuel notamment, que des actes qui étaient, qui donnaient lieu à des contraventions, à des amendes sont devenus des délits susceptibles de peine d’incarcération. Ils avaient donc, les magistrats avaient donc ces injonctions-là. Ils avaient en plus une limitation d’appréciation par divers automatismes, qu’il s’agisse des peines plancher, de la révocation de sursis simple, de la révocation automatique de sursis simple ou de la révocation automatique de sursis mise à l’épreuve. Ils avaient toutes ces contraintes-là, et à côté on leur disait : « il faut aménager de plus en plus les peines », en tout cas pour les peines d’incarcération jusqu’à deux ans de prison.

Voilà, c’est une direction schizophrénique qui a été donnée pendant des années à ceux qui font œuvre de justice. Et au niveau judiciaire, il fallait traiter et faire avec ces contradictions, avec ces réductions d’effectifs aussi, avec ces réductions de postes, avec une révision générale de politique publique. Et puis en aval, au niveau de l’administration pénitentiaire, y compris la protection judiciaire de la jeunesse, ces injonctions contradictoires, la réplique, la répercussion de ces injonctions contradictoires.

Il nous faut en sortir. Il nous faut en sortir parce qu’en plus les résultats sont là. Les résultats sont là et nous ne pouvons pas nous accommoder de ces résultats. Une fois que nous sommes dérangés par les résultats, que nous interrogeons les causes de ces résultats, nous comprenons bien qu’il faut travailler sur les causes. Et c’est le sens de cette réforme pour la prévention de la récidive et l’individualisation des peines. Il faut travailler sur les causes. Nous savons que l’efficacité de la sanction est liée au meilleur ajustement de cette sanction, et qu’il faut donc redonner au magistrat la possibilité de prononcer les sanctions, les sanctions les mieux adaptées. Il faut leur redonner la possibilité d’apprécier les choses, d’apprécier les faits, d’apprécier les circonstances dans lesquelles les faits ont été commis, d’apprécier la personnalité de l’auteur des faits, d’apprécier aussi l’attitude, le comportement de l’auteur des faits – qui peut se montrer indifférent, qui peut se montrer penaud, conscient de sa culpabilité, qui peut être complètement au-dessus des choses, qui peut montrer de l’arrogance. Il faut que le magistrat puisse apprécier tout cela et prononcer la peine la plus juste.

Et une fois que le magistrat a posé la peine juste, il faut qu’au niveau de l’exécution de la peine, nous fassions en sorte que ces auteurs sortent de la délinquance. Et pour qu’ils sortent de la délinquance, il faut arriver à les responsabiliser. Il faut arriver à faire en sorte qu’ils prennent conscience de leur responsabilité dans les actes commis, de leur responsabilité dans leur capacité à s’extraire, soit d’un parcours, soit d’une dynamique qui soit une espèce de spirale, à s’en extraire par leur propre volonté, à convenir qu’il y a des règles et des lois dans la société, que ces règles et ces lois doivent être respectées, que lorsqu’elles sont transgressées, cela provoque une sanction, et que dans l’exécution de la sanction qui est prononcée, il y a la possibilité, il y a un temps où ils peuvent changer de parcours. C’est l’ambition de cette réforme. Et c’est pour ça que cette réforme commence par abroger les automatismes qui limitaient la liberté d’appréciation des magistrats.

Ensuite, cette réforme reconnaît la nécessité de la prison, à deux conditions. La première condition, c’est que nous assumions bien que la prison est une institution républicaine, et que nous ne pouvons pas être indifférents aux conditions dans lesquelles les détentions se déroulent dans certains établissements, qui donnent lieu d’ailleurs à des condamnations qui coûtent à l’État, donc qui coûtent aux citoyens. Nous sommes un État de droit, une démocratie, nous appartenons à l’Europe et nous savons à quel point toute l’histoire de l’Europe, la question des droits, la question des libertés, est une question essentielle. Mais en plus, les conditions dans lesquelles la détention se déroule dans certains établissements provoquent de l’insécurité à l’intérieur de nos établissements. Mais de l’insécurité à l’intérieur, donc contre notre personnel pénitentiaire, mais de l’insécurité après, aussi, parce que des conditions d’incarcération font qu’après il y a un certain nombre de conditions un peu objectives qui font que la récidive s’aggrave. Et une des premières conditions d’aggravation de la récidive, ce sont les sorties sèches. Ce sont ces personnes qui sortent de nos établissements, voilà, sans encadrement, sans accompagnement, sans contrainte, sans repères pour se diriger vers les services de droit commun, sans possibilité en fait de se resocialiser – encore qu’aujourd’hui j’ai entendu des choses tout à fait intéressantes cet après-midi, dans un SPIP, sur la non-désocialisation, mais plutôt sur une forme de désocialisation différente, en marge de la société.

Il demeure que nous savons les effets des sorties sèches. Donc la prison est nécessaire et les magistrats continueront à prononcer des peines de prison. Mais le temps de prison doit être un temps utile. Le temps de prison doit contribuer à la sortie de la délinquance. Il faut donc créer les conditions pour que l’incarcération permette cette préparation à la sortie de la délinquance, donc au retour progressif vers la liberté.

Ce texte de loi abroge donc les automatismes. Il reconnaît le besoin de la prison, mais il crée les conditions pour que la prison, pour que les conditions, pour que la détention se déroule correctement et que le temps de prison soit un temps utile. Il crée les conditions pour réduire, de façon drastique je l’espère, les sorties sèches, c’est-à-dire par un mécanisme de rendez-vous judiciaires obligatoires aux deux tiers de l’exécution de la peine, permettre que le juge d’application des peines, dans le cadre d’une commission d’application des peines, donc avec l’avis évidemment des conseillers d’insertion et de probation qui auront travaillé en amont de ce rendez-vous pour préparer un projet, pour travailler avec le détenu, pour apprécier, évaluer son état d’esprit et sa capacité de responsabilisation et d’autonomie, qu’une décision soit prise, soit d’une sortie progressive dans des conditions qui seront précisées par le juge d’application des peines et par cette commission d’application des peines ; soit un maintien en détention.

Le texte de loi vise à réduire les sorties sèches parce que nous connaissons statistiquement les effets en termes de facteurs d’aggravation de la récidive des sorties sèches. Et nous créons une peine, en milieu ouvert, restrictive de liberté. Ça s’appelle dans certains pays la probation. Ici nous avons parlé en termes génériques de la probation. Nous avons beaucoup discuté, d’ailleurs, pendant des mois de ce qu’a fait le jury de consensus, d’ailleurs sur un concept qui était porté par une personne je crois qui est dans la salle – je pense à M. Tournier – : la contrainte pénale communautaire. Nous avons beaucoup discuté sur la contrainte pénale communautaire, la contrainte pénale on l’a citée. Bref, nous avons fini, lorsque nous avons posé les choses sémantiquement, nous avons fini par l’appeler « la contrainte pénale ». Nous créons une peine de milieu ouvert restrictive de liberté qui va fortement peser sur les conseillers d’insertion et de probation – un métier qui a été bousculé aussi ces dernières années, maltraité parfois parce qu’en plus d’avoir mis du désordre dans le contenu des différents métiers pénitentiaires, il est arrivé que la puissance publique, en tout cas que ceux qui s’exprimaient au nom de la puissance publique cherchent des boucs émissaires face à des drames, à des tragédies, et utilisent parfois les magistrats, parfois les conseillers d’insertion et de probation comme boucs émissaires.

Cette ère est terminée. Cette ère est terminée. La responsabilité de l’État est assumée par l’État. Le travail accompli par les différents métiers pénitentiaires est reconnu, respecté, et ce que nous proposons et ce que vous faites depuis deux mois, depuis deux jours dans ce colloque, c’est réfléchir à ces métiers, réfléchir à l’évolution de ces métiers, réfléchir à la pratique que d’une certaine façon vous avez été amenés à inventer jour après jour. Et ce qui est magnifique, c’est que vous avez réussi à inventer jour après jour collectivement. Je me suis assez déplacée sur l’ensemble du territoire, et la journée que je viens de passer encore m’y a confortée, je me suis assez déplacée pour me rendre compte à quel point chaque service pénitentiaire d’insertion et de probation a construit collectivement un mode de fonctionnement. J'entends les critiques : c’est un métier libéral, chacun fait ce qu’il veut, etc. Ce n’est pas ce que je constate. Il est possible qu’on arrive à me trouver dans le lot un libéral. Mais ce que je constate, c’est qu’il y a une conscience du corps de métier et d’une conscience de l’importance de la mission, de la force de cette mission. Il y a une revendication que j’aime beaucoup d’ailleurs : « nous assurons une mission régalienne ». C’est ce que disaient ces CIP. Il y a donc là un potentiel considérable de personnes qui pensent leur métier, qui exercent leur métier et qu’elles interviennent sur la matière à la fois la plus noble mais la plus mouvante : la matière humaine. Et qu’ils savent qu’il n’y a pas de répit à réfléchir sur le métier, à réfléchir aux réponses à apporter.

Ce métier particulier qui a évolué et que la directrice de l’administration pénitentiaire connaît bien est en train de passer à une autre phase. Et cette phase, il faut que nous la conduisions ensemble. Il faut que nous portions ensemble la réflexion. Il faut évidemment que la puissance publique fasse tout l’effort nécessaire et possible, et possible, pour donner, pour créer les moyens, pour donner les moyens et créer les conditions pour que ce métier se développe. C’est un des métiers pénitentiaires. Je rappelais à quel point l’ENAP prépare à tous les métiers. C’est un des métiers pénitentiaires. Le métier de surveillant aussi est un métier extrêmement important, un métier extrêmement important sur lequel j’ai demandé de réfléchir puisque nous avons un groupe de travail sur les métiers, sur les métiers pénitentiaires, et donc en particulier sur le métier de surveillant. Un métier qui a beaucoup changé dans le temps, Monsieur le Procureur Général. Vous m’en parliez encore ce midi, Monsieur le Président du conseil d'administration. Vous m’en parliez encore ce midi en me rappelant l’évolution de ce métier en un demi-siècle, l’évolution considérable. Parce que si on se retourne sur la façon dont ce métier était à la fois défini et pratiqué il y a une cinquantaine d’années, il est assez époustouflant de voir comment il est pratiqué aujourd'hui, comment il est défini, comment il est pratiqué par des personnes qui sont recrutées à un niveau d’études qui est sans commune mesure avec celui de ces anciens métiers ; des personnes qui suivent volontiers la formation continue ; des personnes qui, soit dans leurs organisations syndicales, soit dans d’autres espaces, posent une pensée, une réflexion, des suggestions sur leur pratique professionnelle. C’est un métier qui a acquis sa noblesse, qui n’est pas juste un métier de garde, qui est devenu évidemment un métier de surveillance à l’intérieur des établissements pénitentiaires, mais aussi un métier de préparation à la réinsertion. Donc un métier de prise en charge de personnes de façon à contribuer à la réduction du taux de récidive.

C’est donc un métier sur lequel nous devons continuer à réfléchir et nous sommes aussi là dans une phase de réflexion importante parce que c’est un métier qui a aussi été troublé par les conditions d’incarcération, la surpopulation carcérale ; l’évolution aussi des rapports parce que l’application des règles pénitentiaires européennes fait qu’un certain nombre de choses qui ne semblaient pas acquises s’imposent aujourd'hui. Les contrôles s’effectuent, et je vous redis, ça doit être la 5e ou la 6e fois que je le dis : les contrôles sont bienvenus, les contrôles protègent, que ce soient les contrôles faits par l’ordre judiciaire, que ce soit ceux faits par l’ordre administratif, la justice administrative qui parfois sanctionne, sanctionne l’État ; que ce soit les contrôles effectués par le Défenseur des droits, par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, par les parlementaires, par le comité contre la torture, par les journalistes parce que nous allons ouvrir davantage l’accès de nos établissements pénitentiaires aux journalistes qui pourront accompagner les parlementaires – qui vous savez peuvent se rendre très librement dans nos établissements pénitentiaires. Ces contrôles sont nécessaires, ils sont nécessaires dans un État de droit et ils protègent les personnels parce que ces contrôles font état de dysfonctionnements. Et les dysfonctionnements, ils n’ont pas à peser sur les personnels. Il arrive que des personnels soient amenés à se mettre en faute parce que les conditions de travail dans les établissements sont telles qu’on bricole, qu’on réagit, on fait comme un peu et puis il y a un jour il y a un pépin.

Ces contrôles permettent de dénoncer ces dysfonctionnements et ces dysfonctionnements incombent à l’État. C’est d’ailleurs pour ça que lorsque la Justice sanctionne, elle sanctionne l’État. Alors moi je suis un peu contrariée depuis un an et demi parce que ça tombe, et ça tombe et puis c’est le Garde des Sceaux qui doit s’en expliquer, trouver les sous pour payer, et ensuite s’en expliquer. J’ai assez envie, souvent, de dire : mais ce qu’on dénonce là, ce ne sont pas des faits d’aujourd'hui. Mais, la continuité de l’État, c’est cela. La responsabilité de l’État, c’est cela : c’est assumer. Et lorsque c’est l’État qui est en faute, lorsque les défaillances incombent à l’État, il est normal que c’est l’État qui paie. Et ces contrôles ont au moins cette vertu-là : c’est de mettre en lumière ces dysfonctionnements, c’est de rappeler le droit, c’est de rappeler ce qui doit être fait et de faire en sorte que les personnels qui sont en première ligne soient protégés.

Vous êtes tous en première ligne. Vous êtes tous en première ligne. Vous êtes tous en première ligne par votre travail quotidien ; par votre travail dans les programmes de prévention de la récidive ; dans le travail que vous faites dans la préparation des dossiers qui sont soumis au juge d’application des peines. Vous êtes en première ligne tout simplement parce que c’est vous qui répondez au quotidien, en milieu ouvert ou en milieu fermé, à cette mission régalienne de restriction ou de privation de liberté. Vous serez aussi en première ligne dans l’application de cette réforme.

Cette réforme est une réforme de société. Ce n’est pas la réforme d’une Garde des Sceaux. Ça n’est pas seulement la réforme d’un gouvernement. Ce ne sera pas demain la réforme d’un Parlement lorsque le texte aura été modifié un tant soit peu par les deux chambres du Parlement. C’est une réforme de la société parce que se donner pour ambition de lutter contre la récidive, c’est se donner l’ambition de prendre sa part dans la réduction de la délinquance. C’est se donner l’ambition de prendre sa part dans la sécurité des Français. C’est se donner l’ambition de contribuer au lien social parce que lorsqu’après le temps d’incarcération, ou après une sanction exécutée en milieu ouvert, une personne sort du parcours de délinquance. Nous avons contribué au lien social. Nous avons contribué à la réinclure dans la société, à la faire reprendre sa place et prendre sa part dans la construction au quotidien du destin collectif.

Donc c’est une grande ambition. C’est pour ça que je prendrai le temps d’aller l’expliquer aux Français. C’est une grande ambition qui, si elle est portée par la société française, aura des effets, et des effets qui vont se mesurer. C’est une part du courage politique de cette réforme. C’est que nous savons qu’il y a des indicateurs qui vont mesurer l’efficacité de cette réforme. Des indicateurs vont mesurer le taux de sorties sèches. Est-ce que nous aurons réussi à réduire le taux de sorties sèches ? C’est-à-dire de déjà améliorer les chances de réduction de la récidive. Mais il y aura aussi l’indicateur qui mesurera le taux de récidive. Et nous sommes prêts à affronter cela, cette épreuve de vérité qui consiste à mesurer l’action publique.

Et l’action publique, évidemment, ce sera ce projet de loi s’il est adopté. Mais ce seront aussi toutes les politiques publiques que nous avons déjà commencé à mettre en œuvre et que nous allons amplifier pour rendre efficaces les dispositions législatives que nous espérons faire adopter. C’est pour cela que j’ai lancé en même temps un certain nombre de chantiers, mis en place des groupes de travail, d’abord mobilisé l’Institut des Hautes Études pour la Justice pour réfléchir à la juridiction du XXIe siècle, à la mission du juge au XXIe siècle. Mais mis en place également des groupes de travail, de groupes de travail sur la même thématique (la juridiction du XXIe siècle, la mission du juge au XXIe siècle) auxquels participent les représentants, vos représentants des différents métiers, de façon à réfléchir à d’abord comment juger, comment organiser le travail du juge, comment l’entourer d’une équipe, avec quels profils. Mais aussi comment concevoir la répartition des juridictions sur notre territoire, et même la conception de ces juridictions. Nous pensons à un tribunal de première instance, nous pensons à des guichets uniques de greffes, nous pensons à des réponses de proximité, des réponses d’efficacité et des réponses diversifiées.

Ces chantiers sont en cours. Ils sont en train de converger puisque d’ici à la fin de l’année, j’aurai recueilli tous les rapports. Je vais installer également la commission Nadal présidée par le procureur général honoraire de la Cour de cassation. Et cette commission a pour mission de réfléchir au ministère public, à l’organisation des parquets et parquets généraux, à la définition même du périmètre des missions de ces procureurs et procureurs généraux ; à l’organisation aussi du traitement des procédures. Vous connaissez – je pense qu’il y a des magistrats dans la salle –  le fameux TTR (traitement en temps réel) qui a sans doute été une belle invention. Je crois que d’une façon générale, on reconnaît que c’est une belle invention. Mais d’une façon assez générale aussi, on me signale qu’il y a un certain nombre de difficultés de fonctionnement. Il y a certainement des choses à réorganiser, à amender même, à repenser. C’est un travail qui se fait avec la police, avec la gendarmerie.

Donc cette commission Nadal va remettre son rapport sur toutes ces questions-là, de façon à ce qu’on pense avec cohérence les missions du ministère public. Ce ministère public qui a été bombardé de missions un peu désordonnées, parfois contradictoires, du fait des lois pénales qui ont été adoptées ces dernières années, d’un certain nombre d’obligations qui leur incombent du fait de ces lois. Pensé en cohérence, pensé avec la justice du XXIe siècle, donc une pensée sur les contentieux, sur le contrôle social qui s’est beaucoup, beaucoup développé ces dernières années, sur certains actes qui peuvent être soit déjudiciarisés, soit posés un peu en périphérie sur des méthodes différentes : médiation…

Donc des choses que nous allons lancer en expérimentation lorsque c’est nécessaire, généraliser lorsque la maîtrise est suffisante pour que cela concerne immédiatement tout le territoire. Ces chantiers vont ensemble. Ils vont converger ensemble. Et puis il y a évidemment un certain nombre d’initiatives à prendre assez tôt de façon à ce qu’au moment où ces initiatives vont entrer dans leur phase opérationnelle, cela coïncide avec l’application, la période probable d’application de la loi. C’est ainsi que j’ai annoncé un certain nombre de créations de postes, d’effectifs… J’entends bien, j’entends bien partout que ce n’est pas suffisant. Moi je me repais quand même pendant un moment des réactions immédiates. Les réactions immédiates ont été des réactions d’enthousiasme, de satisfaction parce qu’on n’attendait pas une création aussi massive de postes, parce qu’il y a une reconnaissance des besoins. Voilà donc, je me souviens, j’ai lu des choses, je les conserve d’ailleurs précieusement. Je les relis lorsque j’ai besoin de me remonter le moral et puis je sais bien, je sais bien que c’est parti dans une autre dynamique : vous voulez en créer 300 en 2014, mais c’est 1500 qu’il faudrait en créer en 2014 ! Je veux bien, je n’ai juste pas les moyens de le faire. Je pourrais en créer 150 de plus en 2015.

Il y a des groupes de travail, nous avons parmi eux ces fameux chantiers mis en place. En même temps, il y a un comité de suivi qui doit être installé, ou qui est installé, Mme la Directrice, sur la base d’un protocole signé avec une organisation syndicale, l’UFAP-UNSA parce que c’est elle qui a choisi de signer ce protocole qui contient des dispositions tout à fait intéressantes, que la promotion notamment des surveillants brigadiers, donc sur un certain nombre de postes qui, jusqu’à maintenant, étaient plutôt mal traités, en tout cas pas suffisamment considérés, pas reconnus à leur juste valeur, toute une série de dispositions sur la formation, sur l’évolution des métiers, voilà…

Il y a toutes ces choses qui vont ensemble, il  y a ces réflexions que vous conduisez, il y a d’autres initiatives que je prends en dehors de vos métiers spécifiquement mais qui doivent contribuer à nous permettre de bien comprendre la matière sur laquelle nous travaillons, par exemple la connaissance des délinquances, de l’évolution de ces délinquances, des parcours des personnes qui ont été à un moment dans la délinquance ou qui y sont encore.

C’est ainsi que, dès ce mois-ci, je vais installer l’observatoire de la récidive et de la délinquance. Cet observatoire de la récidive et de la délinquance sera sous l’autorité – on ne dira pas les choses comme ça parce que c’est quand même un travail très technique – mais d’une certaine façon lié au Conseil National d’exécution de la peine que je vais installer en septembre. Et nous avons lancé avec le ministre de l’Intérieur un travail pour une meilleure connaissance des délinquances et de l’évolution des délinquances. Ce travail est déjà bien avancé, notamment par exemple dans l’interconnexion entre les applicatifs de la justice et ceux de la gendarmerie puisque nous avons terminé cette interconnexion en juin 2013. Nous poursuivons l’interconnexion avec la police. Compte tenu des histoires techniques, informatiques, cela prend plus de temps. Donc nous aurons terminé avec la police à la – enfin pas avec la police mais – nous aurons terminé avec les applicatifs de la police en décembre 2014, donc nos deux ministères auront une meilleure maîtrise des éléments, plus objectivés, plus éloquents, plus intelligibles parce que ce sera dans la dynamique, dans le temps et pas dans l’observation statique.

Et puis nous travaillons aussi sur la mise en place de dispositifs qui permettent de suivre les parcours. Pour l’instant nous avons essentiellement des données concernant les personnes. Il nous faut, de façon dynamique pouvoir suivre le parcours de ces personnes-là. Donc nous sommes en train d’y travailler. Tout cela nous permettra de savoir de quoi on traite, sur quoi on prend des décisions, quelle est la nature et la diversité des délinquances, quelle est l’évolution de ces délinquances et comment on peut réagir, comment on peut comprendre peut-être, lorsqu’il y a des espèces de logiques ou de dynamiques particulières, comment les comprendre et comment y répondre. Nous faisons tout cela.

Nous faisons également un travail interministériel important parce qu’il est évident que la Justice ne peut pas répondre seule aux questions qui sont posées par le traitement des délinquances, la sortie des délinquances et la réinsertion. C’est pour cela que, depuis un peu plus d’un an maintenant, j’ai entrepris un travail interministériel qui a abouti à un certain nombre de dispositions tout à fait évidentes, tangibles dont certaines ont déjà commencé à fonctionner. Un travail interministériel par exemple, comme l’a annoncé le Premier ministre lors de la présentation du plan de lutte contre l’exclusion et la pauvreté, la prise en compte des personnels sous main  de justice dans ce plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion et notamment en matière de logement, en matière de santé, en matière d’emploi.

En plus de ce travail interministériel, des conventions bilatérales avec un certain nombre de ministères, avec le ministère de la réussite éducative parce que vous savez que nous avons un taux d’illettrisme important dans nos établissements pénitentiaires, une convention bilatérale avec le ministère de l’Emploi et du Travail qui nous permet de lancer une expérimentation puisque c’est septembre là, une expérimentation dans une dizaine de départements sur l’insertion par l’économie et qui nous permet également d’inclure nos publics dans le dispositif des emplois d’avenir. Nous avons des partenariats bilatéraux également avec le ministère de la Santé. Vous savez que nous avons déjà des permanences d’addictologie dans certains établissements. Nous avons deux groupes de travail que nous conduisons avec la ministre de la Santé dont un va aboutir de façon imminente, sur les suspensions de peines, un autre qui concerne, un sujet plus délicat, plus difficile, plus compliqué, plus tout ce qu’on veut, c’est sur l’expérimentation concernant les seringues voilà. Mon conseiller me fait un signe comme s’il aurait mieux valu ne pas le dire. En politique il faut dire les choses hein. Parce que si vous n’êtes pas content, si on ne le dit pas, on ne sait pas que vous n’êtes pas content, bon… Donc on me dit qu’il faut penser à l’avion, c’est très aimable ; une façon très élégante de dire « vous parlez trop ».

Donc nous avons ces partenariats ; nous en avons avec les régions. Alors, ici en particulier vous savez que l’Aquitaine fait partie des deux régions, avec les Pays-de-la-Loire, qui ont expérimenté, accepté d’expérimenter la formation professionnelle, la compétence de formation professionnelle dans les milieux de détention. C’est une expérimentation qui a donné de très bons résultats, de si beaux résultats que j’ai présenté un amendement au texte de la ministre de la Fonction publique, de façon à généraliser cette expérimentation. Et, par chance, le président de la région Aquitaine est aussi le président de l’assemblée des régions de France et il prend des initiatives tout à fait intéressantes et volontaristes pour mobiliser les autres régions et les conduire à accepter cette compétence, à intervenir très directement, donc au plus près du terrain, avec des résultats qui sont vraiment probants, aussi bien en Aquitaine, de façon spectaculaire, que dans les Pays-de-Loire.

 Donc nous faisons tout ça ensemble, voilà, il faut un texte de loi. Je vous ai dit, nous créons une peine restrictive de liberté en milieu ouvert, la contrainte pénale, avec un suivi individualisé, très serré, une évaluation au moins une fois par an, ce qui permet d’ajuster, d’intensifier, d’alléger selon l’appréciation que portent les conseillers d’insertion et de probation, ainsi que le juge d’application des peines.

Voilà, donc nous apportons un certain nombre de réponses, mais pas seulement en termes de dispositions normatives, également en termes d’action publique, également en termes de politiques publiques. Je le répète : cette réforme va reposer sur vous. Et, il est bien que dans ces dynamiques vous introduisiez cette réflexion sur vos métiers, sur chacun des métiers, cette réflexion sur ces métiers. Mais, sur chacun des métiers, pour vraiment créer cette culture professionnelle, en tout cas consolider cette culture professionnelle, mais chacun des métiers en ayant conscience des autres métiers : à la fois de la présence des autres métiers, de l’utilité de ces autres métiers, de l’importance de ces autres métiers pour la mise en œuvre de votre propre métier à vous. Ces deux journées, je sais, ont fortement contribué à cela.

Alors vous vous interrogez aussi sur le dialogue social ; on parlera une autre fois du dialogue social, vous savez qu’en cette matière j’ai pris un certain nombre d’initiatives, une mission, par M. Lacambre de très grande qualité, des rencontres très, très régulières avec les délégations syndicales, ma présence à toutes les instances du dialogue social, une vigilance particulière parce qu’il est évident que quand il y a un malaise dans un service public, ce malaise a des effets sur l’efficacité de ce service public. Ces métiers pénitentiaires doivent donc de plus en plus s’interconnecter, de plus en plus travailler ensemble, en posant très fortement la singularité, la spécificité, les particularismes de chacun d’entre eux, mais travailler avec les autres métiers pénitentiaires et au-delà même des métiers pénitentiaires, parce que vous n’êtes pas suspendus dans la stratosphère, conscience des autres métiers du service public de la Justice, parce que la force de l’institution judiciaire, c’est bien l’unité du service public de la Justice et cette unité du service public de la Justice, c’est d’abord le bien commun et la protection des citoyens et notamment, des citoyens les plus vulnérables.

C’est à cela que je vous invite en vous remerciant infiniment du travail que vous effectuez au quotidien, en vous remerciant infiniment de votre vigilance, de votre exigence que je vous invite à ne pas baisser, mais lorsque vous allez me demander des emplois, que je ne serai pas en mesure de vous les fournir, je ne vous demande pas de baisser vos ambitions – je vous demande de dire « merci » de temps en temps quand même et de reconnaître que l’État fait des efforts, pas pour moi spécialement, même si c’est vrai que je mène des combats, et que parfois je décide délibérément d’être ouvertement désagréable parce que parfois c’est la méthode efficace, mais j’ai conscience moi que ce que j’obtiens, ce que j’arrache, j’ai conscience de le prendre à d’autres ministères, donc c’est pour cela que je demande simplement qu’on considère cela, non pas pour me remercier moi, mais pour bien comprendre que ce qui est fait en plus pour le service public de la Justice, c’est fait en moins dans d’autres missions de l’État, et pour la conscience que nous avons de l’unité de l’État, pour la conscience que nous avons tous, parce que pour avoir choisi de travailler dans la fonction publique, c’est que vous avez cette conscience-là, pour la conscience que nous avons tous de l’importance que toutes les missions de l’État soient bien assumées, correctement assumées, à la hauteur et à la dimension nécessaires selon les besoins des citoyens, dans une période difficile, où le nombre de personnes en vulnérabilité augmente, où le déclassement social est un vrai risque, où il y a incontestablement un appauvrissement, parce qu’on sait qu’il y a beaucoup de personnes, plus de 8 millions et demi de personnes qui vivent en deçà du seuil de pauvreté, donc nous savons que nous sommes dans une période difficile ; et dans ces périodes difficiles, l’État est le rempart des personnes soit vulnérables, soit en période de vulnérabilité.

Donc lorsqu’on fait un effort sur une mission d’État, si ça a pour conséquence de réduire l’effort sur une autre mission d’État, c’est tout de même regrettable, voilà. Voilà pourquoi j’espère que les efforts de l’État seront bien pris à leur juste mesure, au moins dans le domaine de la justice.

Vous travaillez aussi sur les méthodes ; nous travaillons sur les référentiels, nous le savons, nous travaillons sur aussi l’homogénéité ou la diversité à ajouter un peu dans les recrutements de certains métiers. Il y a tout ça sur la table, il y a tout ça que vous faites. Mais il y a surtout ce que vous faites tous les jours, il y a surtout ce que vous faites tous les jours et – ah il est parti M. Gaquière c’est bien dommage – ce que les femmes font tous les jours, vous lui direz pour moi, vous lui direz. Je me suis posé la question – parce que nous avons bien vu que les promotions se sont fortement féminisées dans certains métiers, judiciaires, magistrats, greffes aussi, mais dans la pénitentiaire, moi j’ai toujours un grand bonheur à accueillir des directrices, il y en avait – j’ai fait une rencontre avec des représentants d’élèves, des délégués d’élèves, il y avait des élèves directrices de services pénitentiaires, moyenne d’âge, au visage, comme ça 30-35 quoi, 30-35 (rires). Attendez, c’est ce que j’ai vu, je ne sais pas si on a sélectionné juste celles-là… bon, bon 37, pas plus bas oh ! Donc moins de 30, moi j’en suis absolument ravie.

J’ai interrogé il y a plusieurs mois, l’Institut des Hautes Etudes pour la Justice et je leur ai demandé s’il y avait un effet féminisation des métiers et ils m’ont dit très clairement « non », en tout cas dans le domaine judiciaire on sait, non, très clairement, que les jugements sont à peu près du même niveau de sévérité ou de clémence, voilà, que les décisions sont comparables. C’est étonnant ? C’est étonnant pour ceux qu’avaient des préjugés, c’est étonnant ! Pas pour les autres qui constituent la grande majorité, sinon la totalité des êtres sains.

Dans le domaine pénitentiaire, moi je sais aussi qu’il n’y a pas de différence parce que je me suis rendue dans suffisamment d’établissements tenus par des femmes pour savoir qu’il n’y a pas de différence. Donc voilà, M. Gaquière va m’expliquer parce que je pense que j’ai assez mal compris ce qu’il a dit mais voilà, il y a eu un déroulement de phrase qui m’a un peu… je serai dans l’avion donc je me dépêche pour aller prendre l’avion.

En tout cas, aujourd’hui j’ai eu une journée extrêmement remplie, j’ai rencontré des personnes de tous les métiers, de tous les métiers de notre beau service public, j’ai entendu, j’ai pris le temps d’écouter parce que voilà, j’ai eu du temps, j’ai eu du temps pour qu’on me parle, pour qu’on me dise les choses. J’ai retrouvé ce que je savais déjà, alors je savais déjà qu’il y avait de la belle ressource humaine dans le ministère de la Justice. Parce qu’en qualité de parlementaire, ces dernières années, j’ai regardé ce qu’a subi le ministère de la Justice ; j’ai entendu, j’ai vu de l’extérieur et j’ai compris que – parce que je suis très attachée aux institutions depuis très longtemps, très attentive à la force des institutions, à leur solidité – et j’ai bien compris ces dernières années que si le service public de la Justice ne s’était pas effondré, c’est parce que d’un bout à l’autre, les fonctionnaires qui servent ce service public de la Justice l’ont porté à bout de bras, y compris lorsqu’on les frappait eux, ils ont porté à bout de bras ce service public de la Justice, et c’est grâce à vous qu’il a tenu bon, c’est grâce à vous qu’aujourd’hui nous pouvons le renforcer, le consolider, faire en sorte qu’il soit encore plus à la portée de nos concitoyens, qu’il soit encore plus en capacité de répondre aux besoins de nos concitoyens, qu’il soit plus en capacité de corriger les méfaits de ceux qui passent entre ses mains et en reconduisant ceux-là mêmes justement au sein de la société.

 Et ceux que j’ai entendus aujourd’hui portaient en eux cette passion, illustraient cette conviction que je portais en moi et qui s’est développée cette année dans tous mes déplacements, dans toutes les rencontres que j’ai faites sur la totalité du territoire ; ils portaient en eux cette passion, cette clairvoyance, cette imagination, ce dévouement, cette confiance dans leur métier, cette conscience de la différence que fait leur intervention du fait de leur métier, ce plus qui donne au-delà du simple devoir du fonctionnaire qui accomplit son travail au quotidien. Celui qui croit vraiment au service public, celle qui croit vraiment au service public et qui donne en plus, qui donne en plus cette attention particulière, cette réflexion particulière, cette proposition particulière, cette capacité à aller vers l’autre collègue et aller vers l’autre pour lequel nous avons ce service-là. Et, en les écoutant aujourd’hui, j’ai eu encore une fois l’illustration de ce que signifie la phrase selon laquelle l’homme a attaché son char à une étoile. Merci à tous.