[Archives] Construction d'un Etablissement Pénitentiaire Mineurs à Orvault
Publié le 26 janvier 2006
Discours de Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Premier Président,
Monsieur le Procureur Général,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Ces derniers mois, la délinquance juvénile est revenue sur le devant de la scène. Je pense bien entendu aux violences urbaines que nous avons vécues au mois de novembre dernier.
A cette occasion, les magistrats et les fonctionnaires de justice, les services de police, de gendarmerie, la Protection Judiciaire de la Jeunesse et l’administration pénitentiaire ont réalisé un travail considérable pour rétablir l’ordre et la paix sociale dans nos quartiers, et je tiens à leur rendre solennellement hommage.
Mais je pense aussi à des faits divers plus récents et à l’attention soutenue de l’opinion publique sur ce sujet.
Ces questions doivent se voir apporter des réponses,
Orvault est un lieu emblématique de la politique du Ministère de la Justice en faveur de la lutte contre la délinquance des mineurs.
En effet, j’ai la joie de vous confirmer que c’est sur le territoire de cette commune que sera construit un des Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs que le gouvernement s’est engagé à réaliser. J’aurais l’occasion d’y revenir.
Car je souhaite surtout vous expliquer les principes qui guident la politique du gouvernement et les modalités de leur application concrète. Nous menons une politique d’humanité et de fermeté, visant à redonner des repères aux jeunes et à les aider à se réinsérer. Car ces deux piliers sont complémentaires et se conjuguent pour faire d’un jeune en difficulté un adulte à part entière, intégré dans notre société.
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Donner des repères aux jeunes, c’est justement faire prendre conscience des limites de sa liberté dans une société individualiste.
C’était l’objectif de l’ordonnance de 1945. Il y a des règles à respecter dans toutes les sociétés. La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres, affirme avec force la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Jamais ce texte fondateur de notre histoire n’a été aussi pertinent.
Donner des repères, c’est agir en faveur de la prévention de la délinquance, éviter le premier passage à l’acte et détecter les signes parfois avant-coureurs de la délinquance que peuvent constituer par exemple l’absentéisme scolaire ou la toxicomanie, en agissant très en amont. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’implication de la Justice, aux côtés des services de police et de gendarmerie est de plus en plus forte dans les dispositifs partenariaux, tels que les contrats locaux de sécurité ou encore dans les conseils départementaux de prévention de la délinquance. Elle est évidement un des principaux acteurs du Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance.
Ces repères devraient être trouvés en premier lieu dans la famille. C’est aux parents de donner à leurs enfants les repères qui en feront des femmes et des hommes libres. C’est pourquoi le futur contrat de responsabilité parentale, qui sera présenté dans le projet de loi sur l’égalité des chances, est essentiel. Il redonnera un cap et des règles à des familles prises dans la tourmente.
Ce n’est que lorsque la famille est gravement défaillante qu’il appartient à la Justice de donner des repères à l’adolescent, soit par l’éducation, soit par la sanction.
Les évolutions sociales, politiques et législatives de ces dernières années ont conduit indéniablement à une forte diversification des mesures pénales, qui sont autant d’instruments au service de cet objectif.
Aujourd’hui les parquets recourent dans 40% des cas à des alternatives aux poursuites. Les délégués du procureur, issus de la société civile, sont chargés de rappeler la loi aux auteurs d’une première infraction.
De même, les juges prononcent globalement plus de mesures éducatives que de peines. Ces pratiques me semblent équilibrées, et nous devons persévérer dans cette voie.
Il faut cependant garder à l’esprit que lorsqu’une peine est prononcée à l’encontre d’un mineur délinquant, elle a toujours une portée éducative.
C’est par exemple le cas du Travail d’Intérêt Général qui permet souvent d’éviter la récidive à des jeunes qui découvrent ainsi le sens du travail et du respect d’autrui.
Mais donner des repères n’a de sens que si la réponse judiciaire est rapide. Au cours de mes déplacements et de mes rencontres, j’insiste auprès de mes interlocuteurs sur la nécessité de réduire les délais de prise en charge des mineurs. Le recours à la procédure de jugement à délai rapproché me parait nécessaire dans un certain nombre de cas.
N’oublions jamais qu’à 16 ans, une transgression de la loi non sanctionnée est déstructurante. Elle encourage l’impunité, alors que nous voulons favoriser la responsabilité.
L’ordonnance de 1945 prévoit cette possibilité. Il nous faut la rendre plus fréquente.
Il me paraît également fondamental que la réponse judiciaire soit systématique et proportionnée. Tout passage à l’acte appelle une réplique de l’autorité judiciaire.
Nous disposons d’un nouveau mode de prise en charge des mineurs pour les cas les plus graves : les Centres Educatifs Fermés. A l’heure actuelle, 16 CEF sont opérationnels, dégageant une capacité d’accueil de 154 places. Fin 2006, 14 nouvelles structures porteront la capacité théorique à 314 places. Fin 2007, 16 CEF viendront compléter le dispositif pour le porter à 498 places.
Ils n’ont pas vocation à se substituer aux prises en charge traditionnelles de la PJJ. Au contraire, ils sont une chance supplémentaire d’éviter l’incarcération. Ils sont un signe de confiance accordé aux jeunes, car nous pensons qu’ils peuvent encore se construire un avenir hors de la prison.
Ainsi 50% des mineurs placés n’ont pas été présentés à un magistrat dans les mois qui suivent leur sortie. Le séjour en CEF leur a permis de mettre un terme à la spirale de la délinquance dans laquelle ils s’étaient engagés.
Les centres éducatifs fermés sont une vraie réussite. Les mineurs qui y ont été placés sont ceux pour lesquels la structure avait été imaginée : ceux qui, d’échec en échec, n’ont trouvé leur place dans aucune structure traditionnelle, mais pour lesquels les juges et les éducateurs pensent qu’il y a encore quelque chose à faire en dehors de la prison.
Je crois en effet que l’emprisonnement des mineurs doit demeurer exceptionnel et que lorsqu’il est prononcé, la préparation à la sortie de prison doit recevoir une attention prioritaire, qui doit commencer dès l’incarcération.
Je suis satisfait que la détention des mineurs soit en baisse continue : 932 mineurs étaient incarcérés en mai 2002 ; ils n’étaient plus que 732 en janvier 2006, en dépit des incarcérations prononcées lors des récentes violences urbaines.
Avec la volonté de séparer nettement les mineurs et les majeurs en milieu carcéral, pour éviter toute promiscuité et donc pour prévenir la récidive, nous avons engagé la construction d’établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). L’éducatif y sera présent du début de la détention au suivi après la sortie. Leur taille sera limitée puisqu’ils ne comporteront que 60 places. Ils seront réservés aux délinquants mineurs âgés de 13 à 18 ans lorsque l’incarcération s’avère nécessaire.
Les fonctionnaires de la PJJ, de l’administration pénitentiaire et de l’éducation nationale œuvreront ensemble pour que la présence en cellule soit réduite au maximum au profit d’activités éducatives. Ainsi le principe de la continuité éducative est affirmé jusqu’au cœur des prisons.
Tout sera mis en œuvre pour que ce nouveau concept soit une réussite. Les activités scolaires, sportives, socioculturelles et l’apprentissage de la vie collective se feront par petits groupes dans des hébergements de 10 personnes. Les familles seront aussi associées au suivi de la réinsertion par l’intermédiaire d’un éducateur référent.
Les 420 places d’Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs dans les agglomérations de VALENCIENNES, LYON, MEAUX, MARSEILLE, NANTES ainsi qu’à PORCHEVILLE dans les Yvelines et LAVAUR dans le Tarn, seront livrées tout au long de l’année 2007.
Elles complèteront, en particulier à ORVAULT, la gamme des outils disponibles pour assurer la sécurité des citoyens et la réinsertion des détenus.
Ni angélisme, ni tout sécuritaire, je dis oui à la sanction lorsqu’il s’agit de faire remonter à un adolescent les marches de l’espoir.
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Les jeunes ne sont pas une catégorie, un ensemble homogène ayant des droits ou des devoirs particuliers : ils ont vocation à être des citoyens à part entière.
C’est pourquoi la bataille pour l’emploi est pour tout le gouvernement une ardente obligation. Je ne peux me résoudre à ce que le chômage des jeunes soit si élevé dans notre pays.
Il n’y a pas de lutte contre la récidive sans insertion durable dans la vie professionnelle et sans apprentissage de la valeur travail. Le chômage et l’inactivité sont les escaliers du désespoir. C’est pourquoi j’ai lancé il y a quelques semaines le dispositif du parrainage des jeunes placés sous main de Justice par les chefs d’entreprise, les artisans et les cadres de la nation. J’ai présenté les premiers parrains mardi dernier lors d’une réunion à la chancellerie.
De quoi s’agit-il ?
L’insertion professionnelle des jeunes en difficulté suivis par le ministère de la Justice repose sur une triple démarche :
- L’initiative du jeune tout d’abord. Un projet personnel et une prise de conscience que l’avenir se construit par des efforts quotidiens sont nécessaires.
- L’investissement de la PJJ dans la formation professionnelle des jeunes est ensuite une condition de la réussite. La PJJ donne déjà aux jeunes les moyens de se former. Elle centralise aujourd’hui les offres et continuera à offrir un suivi aux jeunes qui auront l’opportunité d’être parrainés.
- L’intérêt des chefs d’entreprise, enfin, est la clé du succès du parrainage. Au-delà des idées reçues ou des préjugés qui peuvent exister sur ces jeunes, les entreprises interviendront à un double titre.
Les parrains auront tout d’abord pour mission d’accompagner les jeunes pour leur faire prendre conscience de leurs talents.
N’oublions jamais que les jeunes en difficulté ont souvent le sentiment d’être incapables de se réinsérer durablement. Ils ont besoin des encouragements et des conseils de personnes qu’ils n’ont pas l’occasion de fréquenter habituellement pour comprendre que l’avenir leur est ouvert.
Cependant, c’est surtout en expérimentant des métiers en entreprise qu’ils pourront se redécouvrir eux-mêmes.
C’est là la deuxième mission qui est assignée aux parrains : promouvoir les jeunes pour les insérer dans la vie professionnelle. Lorsqu’une relation de confiance naît entre un jeune et son parrain, des opportunités se créent, parfois dans l’entreprise du parrain, parfois dans une autre où il aurait des relations. N’ayons pas peur d’accueillir ces jeunes dans la vie économique, ils sont prêts à rendre des services valables et valorisants.
La décision du Premier ministre, Dominique de Villepin, d’offrir à un jeune la possibilité d’entrer en apprentissage dès ses 14 ans, est à cet égard une chance pour la réussite du parrainage.
Après avoir découvert l’entreprise, ces jeunes auront besoin de trouver un emploi.
C’est pourquoi je souhaite que les futurs parrains, le cas échéant, recourent massivement au Contrat Première Embauche, présenté par le Premier ministre, Dominique de Villepin, la semaine dernière.
J’entends beaucoup d’approximations sur cette question. Je crois donc nécessaire de rappeler que la vraie précarité pour les jeunes, particulièrement pour ceux que suit le Ministère de la Justice, c’est le niveau élevé du chômage. Qui peut accepter de rester immobile lorsque plus de 20% des moins de 25 ans sont au chômage ?
Ce nouveau contrat, plus protecteur pour les plus jeunes, plus souple pour les entreprises, offre des réels avantages pour toutes les parties. C’est un vrai Contrat à Durée Indéterminée, comportant de nouvelles garanties. Les jeunes auront accès à des cautions pour le logement et le crédit bancaire et auront un droit à la formation dès le premier mois d’activité. Surtout, le chômage sera indemnisé au bout de 4 mois, ce qui est une avancée majeure.
Je sais bien que le rêve de certains est le statu quo, par frilosité ou par intérêt. Ce n’est pas une alternative crédible. La solution juste, c’est bien sûr d’accompagner concrètement chaque jeune dans son parcours d’embauche, du stage à l’alternance puis dans l’emploi. C’est un nouveau projet pour la jeunesse que conduit le gouvernement, et je ne doute pas qu’il portera ses fruits.
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Mesdames et Messieurs, voilà la démarche qui sera la mienne à l’égard des mineurs : donner des repères aux adolescents et intégrer les jeunes. J’ai, comme vous, confiance dans notre jeunesse et dans votre détermination à conduire les jeunes vers un avenir qui leur permette de se réinsérer pleinement.
C’est pourquoi, Monsieur le Député, Monsieur le Maire, je vous remercie très sincèrement de votre engagement citoyen.
Je vous remercie de votre attention.