[Archives] Congrès national des greffiers des tribunaux de commerce

Publié le 24 septembre 2009

Discours de M. Bockel, secrétaire d'Etat à la Justice

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 Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs

 

A l’heure où la volonté du Gouvernement est de tendre à une justice plus efficace et moderne, les greffiers des tribunaux de commerce occupent une place centrale.

Le sujet qui vous réunit aujourd’hui démontre votre volonté d’être au service de la justice commerciale et plus généralement des acteurs économiques.

Par  la diversité de vos missions, vous êtes au cœur de l'activité économique. Vous contribuez, par votre action quotidienne au service de la justice, à la compétitivité des entreprises.

 

1) La commission chargée de réfléchir à l'évolution des professions du droit, dont la présidence avait été confiée, par Monsieur le Président de la République, à Maître Jean-Michel DARROIS, a préconisé le maintien de l’organisation actuelle de la profession de greffier des tribunaux de commerce.

Le rapport est tout à fait clair sur la pérennité de votre profession et écarte toute idée de fonctionnarisation.

 

2) Je crois que  cette année 2009 aura été celle du renforcement de votre profession, témoignage de la confiance que la Chancellerie et, plus largement, les pouvoirs publics vous accordent.

En effet, la réforme de la carte judiciaire, entrée en vigueur le 1er janvier 2009 pour les tribunaux de commerce, ne s’est pas seulement traduite par le regroupement de petites juridictions, comme vous l’avez rappelé Monsieur le Président.

Elle est également passée par le transfert aux tribunaux de commerce de la compétence commerciale des 23 tribunaux de grande instance qui avaient de telles attributions.

C’est la reconnaissance, par le Gouvernement, de l’efficacité des juridictions consulaires et de leur greffe, tenu par les officiers publics et ministériels que vous êtes.

A cet égard, je tiens à vous rassurer : l’annulation du décret du 15 février 2008, prononcée par le Conseil d’Etat en juillet dernier pour des raisons de pure procédure, restera sans incidence pour vous. Vous savez que le Conseil d’Etat a, pour le reste, écarté l’argumentation des requérants, et donné à cette annulation un effet différé de 6 mois. Un nouveau décret sera adopté d’ici la fin du mois d’octobre, bien avant cette échéance.

Je voudrais surtout vous remercier de votre implication pour la réussite de ce grand chantier de la réforme de la carte judiciaire commerciale.

La réforme menée par le Gouvernement était ambitieuse, puisqu’elle a entraîné la suppression de 55 tribunaux de commerce, la création de 6 nouvelles juridictions dont un tribunal mixte à Saint-Pierre-de-La-Réunion et une réorganisation importante des ressorts des tribunaux de commerce.

Grâce à nos efforts communs, la réforme a pu entrer en vigueur dans les meilleures conditions, sans que les justiciables pâtissent de la transition. L’organisation judiciaire a gagné en clarté pour les entreprises et en efficacité pour le service public.

 

Le ministère de la justice s’est attaché à garantir une indemnisation juste et rapide des greffiers.

 

L’indemnisation des greffiers par suite des modifications de ressorts, comme vous le savez, touche à son terme. Le montant et la répartition de ces indemnités sont fixés par le ministre de la justice soit après accord des parties soit sur proposition d'une commission qui peut être saisie à la demande d’un greffier ou du garde des sceaux.

Dans ce cadre, la commission s’est réunie 4 fois au cours de l’année 2009 et a eu à traiter 13 dossiers.

Elle a désormais traité l’ensemble des demandes dont elle était saisie.

L’indemnisation de l’Etat par les greffiers dont le ressort est agrandi est la conséquence de la suppression des chambres commerciales de 23 TGI.

Il appartient aux ministres de la justice et du budget de fixer, par arrêté conjoint, le montant de l’indemnité due, après proposition d’une commission constituée à cet effet.

Dès lors que vous nous avez fait connaître une proposition de méthode d’évaluation différente de celle envisagée par les deux ministères, d’ultimes réglages s’imposent.

Mais je vous confirme que cette commission se réunira en toute hypothèse d’ici la fin du mois d’octobre.

Enfin, quelques situations individuelles ne sont pas encore définitivement réglées. Je puis vous assurer que les services de la Chancellerie font tout ce qui est en leur pouvoir pour qu’elles puissent l’être très rapidement. Je vous invite également à faire preuve de solidarité entre vous, à un moment où votre activité s’accroît.

 

3) Cette confiance que nous faisons à votre profession, nous allons bientôt également la manifester outre-mer.

L’attention de la Chancellerie a été appelée par diverses autorités sur la situation des greffes des tribunaux mixtes de commerce de la Réunion. Nous allons proposer au Parlement une modification des textes, pour ouvrir la possibilité que les tribunaux mixtes de commerce soient dotés d’un greffe privé.

 

4) Cette confiance renforcée se traduit également par l’élargissement de vos attributions.

a) Vous savez que la loi du 3 juillet 2008 a fait de vous les gardiens de la légalité des fusions transfrontalières. Vous pouvez ainsi, au même titre que les notaires, contrôler la légalité de la réalisation de ces fusions à dimension européenne. La loi du 12 mai 2009 est allée plus loin, puisqu’elle vous donne cette compétence également pour les sociétés européennes, consacrant votre rôle dans ces opérations particulièrement importantes pour notre économie.

b) Vous avez également évoqué, Monsieur le Président, le registre national des fiducies.

Sur ce point, le Gouvernement a fait le choix de d’assurer lui-même cette mission. Le projet de décret en cours d’élaboration prévoit que le registre national des fiducies sera constitué par la Direction générale des impôts.

Ce dispositif apparaît légitime, dès lors que le code civil prévoit déjà que les contrats de fiducie sont enregistrés ou publiés auprès des services de cette Direction.

[En outre, la constitution d’un registre national des fiducies a essentiellement pour objectif de mieux lutter contre le blanchiment de capitaux et l’évasion fiscale. C’est ce qui explique qu'en dehors des parties au contrat, seules certaines autorités ont accès aux informations relatives au contrat de fiducie : TRACFIN, les douanes, l’administration fiscale et le juge. Le fichier national des fiducies poursuit donc un objectif différent de la publicité du gage sans dépossession, qui a pour objet d’assurer l’opposabilité de cette sûreté aux tiers.]

Si votre suggestion n’est donc pas retenue sur cette question, cela ne change rien au fait que, au total, c’est bien à un renforcement important de votre profession que l’on assiste en 2009.

 

5) Ce renforcement de votre profession va de pair, bien sûr, avec la poursuite de sa modernisation ; celle-ci est en marche sur de nombreux sujets.

 

D’abord, plusieurs dispositions figurent dans la proposition de loi de M. Laurent Béteille adoptée par le Sénat en première lecture le 11 février 2009.

a) Le texte prévoit que les greffiers de tribunaux de commerce pourront exercer leur profession en qualité de salarié, sur le modèle des notaires qui ont déjà cette possibilité. 

Ce nouveau mode d'exercice renforcera l’attractivité de votre profession. Elle instituera pour les personnels un outil de promotion interne efficace. Elle facilitera les associations, en permettant à chacun, au préalable, d’apprendre à se connaître et à travailler ensemble.

b) Conformément au souhait que vous avez exprimé, M. le Président, lors de votre audition par le rapporteur, le Sénat a également érigé la formation continue des greffiers des tribunaux de commerce en obligation déontologique.

 

Je connais l’engagement du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce en matière de formation : la loi qui l’a créé lui a également confié la mission d’assurer, outre l'organisation des examens professionnels, la formation permanente des greffiers titulaires de charge et de leur personnel.

La formation continue est particulièrement nécessaire à notre époque où les changements dans le domaine du droit sont complexes et nombreux. Elle est en même temps une obligation et un droit et, j’ajouterais, un atout pour les personnes comme pour l’institution.

Il appartiendra au Conseil supérieur de déterminer les modalités selon lesquelles cette obligation devra s’accomplir.

 

c) La proposition de loi adoptée par le Sénat modifie enfin la loi du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des  professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, afin de vous permettre de créer des sociétés de participations financières de professions libérales.

Ces sociétés financières détenant des participations dans une ou plusieurs sociétés en vue de les contrôler, ont été introduites dans le champ des professions réglementées par la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, la loi « MURCEF ».

Ces sociétés constituent un outil d’optimisation fiscale et de coopération professionnelle. Grâce à l’effet de levier induit par la prise de participation dans les sociétés cibles, il sera possible de procéder aux investissements nécessaires à l’adaptation de votre profession aux évolutions technologiques de notre société.

 

6) A côté des chantiers de modernisation déjà engagés, je souhaite vous annoncer le lancement d’un groupe de travail auquel vous êtes pleinement associé en compagnie des autres professions du droit, et évoquer après vous les enjeux attachés à la création d’entreprise et à la publicité légale

Parmi les préconisations de la commission chargée de réfléchir à l'évolution des professions du droit présidée par Maître Jean-Michel DARROIS, figurent :

  • la modernisation des structures d’exercice

  • l’assouplissement des passerelles entre professions

  • ainsi que celle du développement de la formation continue.

Afin de réfléchir ensemble à la mise en œuvre de ces préconisations et faire progresser la réflexion sur ces thèmes, un groupe de travail vous réunissant avec les avocats et les autres officiers publics ou ministériels est mis en place.

Mme la directrice des affaires civiles et du sceau réunira ce groupe, qui portera également sur la question de l'interprofessionnalité, à compter de la semaine prochaine . Ce groupe aura vocation à se réunir ensuite environ deux fois par mois, en fonction de l'avancement des travaux et jusqu’à achèvement de notre mission.

 

7) Sur le terrain de la création d’entreprise, le droit communautaire nous conduit à faire évoluer notre organisation.

La  directive européenne du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur prévoit en effet la création, d’ici la fin de l’année, de guichets uniques permettant aux entrepreneurs de s’adresser à un seul interlocuteur pour accomplir l’ensemble des formalités nécessaires à l’exercice de leurs activités.

La loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 a confié cette mission aux centres de formalités des entreprises. Des travaux ont été engagés afin d’assurer la mise en œuvre de cette réforme, dont le gouvernement souhaite qu’elle aboutisse rapidement.

L’objectif est notamment de permettre la constitution, à côté des guichets uniques « physiques », d’un site Internet dédié à la création d'entreprises. Ce portail permettra aux acteurs économiques – français ou étrangers – de créer leur entreprise en ligne et de disposer d’une base d’informations sur les démarches administratives à effectuer à cette fin.

Comme vous l’avez indiqué, Monsieur le Président, votre Conseil national est partie prenante dans cette démarche, avec les autres centres de formalités.

Il est effectivement essentiel que votre profession accompagne la mise en œuvre de cette réforme et qu’elle y occupe toute la place qui lui revient.

Un décret est par ailleurs en cours de préparation à Bercy, puisque la mise en place des guichets unique appelle une modification des textes régissant les CFE.

 

8) Des réflexions sont également conduites en matière de publicité légale.

 

Vous avez évoqué la proposition de réforme de la Commission européenne tendant à l’instauration, au sein de chaque Etat membre, d’une plateforme électronique centrale d’information légale sur les entreprises.

Cette initiative s’inscrit là encore dans une démarche de simplification, puisqu’elle est rattachée au programme de réduction des charges pesant sur les entreprises. L’idée d’une telle plateforme va, de fait, dans le sens d’une rationalisation. Elle est en outre parfaitement en phase avec le développement actuel du numérique et des nouveaux moyens de diffusion de l’information.

Mais cette évolution ne doit pas se faire au détriment des garanties offertes par les systèmes plus traditionnels sur lesquels reposait jusqu’à présent l’information légale.

La Chancellerie a engagé une réflexion au plan national, en consultant toutes les parties prenantes, afin d’examiner les options les plus appropriées pour l’élaboration d’une telle plateforme.

Il importera, dans ce processus, de s’assurer du nécessaire équilibre entre flexibilité, simplicité et sécurité, qui constitue l’un des enjeux majeurs de toutes les réformes conduites en matière économique, dans la période de crise que nous connaissons. Il conviendra également de veiller à ce que chacun trouve la place qui est la sienne.

Le rôle des greffiers dans cette architecture est incontournable puisque, en votre qualité d’officiers ministériels, il vous appartient de sécuriser l’information légale diffusée sur les entreprises.

Il conviendra également de donner toute leur place aux autres acteurs, comme la direction des journaux officiels et les journaux d’annonces légales.

Dans cette perspective, les discussions engagées, auxquelles vous avez pris une part active, seront poursuivies.

 

9) En matière de publicité légale, je voudrais enfin vous parler d’un décret qui a été signé mardi dernier, dont je sais qu’il était particulièrement attendu de votre profession. 

Ce texte réforme le code de commerce afin de permettre l’établissement d’extraits Kbis électroniques et de certificats ayant valeur authentique. Il précise, plus largement, la valeur probatoire des certificats, copies ou extraits que vous délivrez, sur support papier ou sous forme numérique.

La consécration de la valeur authentique des extraits Kbis et des certificats, qui vaut également lorsqu’ils sont délivrés sous forme électronique, se justifie pleinement au regard de votre qualité d’officier ministériel. Elle répond aux exigences de notre temps et facilitera la diffusion d’une information légale sécurisée sur les personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés. Il en va de même du renforcement de la valeur probatoire de celles des communications relatives au registre du commerce et des sociétés qui resteront dépourvues de valeur authentique.

Elle implique toutefois un renforcement des contrôles opérés sur les informations contenues dans le registre dématérialisé. C’est pourquoi le décret institue un mécanisme de certification par le greffier des informations enregistrées sur support électronique pour la tenue du registre.

Le texte renvoie à un arrêté la détermination des modalités techniques de ce dispositif. Il nous faudra donc travailler ensemble, dans les prochaines semaines, pour finaliser la réforme.

Vous disposerez alors d’un instrument efficace, au plus grand bénéfice de toutes les parties intéressées par la publicité légale.

 

                                                            ***

 

Le statut actuel de votre profession assure l’équilibre entre l’exigence de rigueur et l’ouverture aux réalités économiques et sociales.

Grâce à des conditions d’exercice constamment modernisées, votre mission d’officier public s’enrichit de votre statut de professionnel libéral. Au service de la justice régalienne, vous êtes devenus un interlocuteur privilégié du monde économique.

Je vous félicite pour votre engagement au service de nos concitoyens et je me réjouis de la qualité des relations que vous entretenez avec les services de l’Etat. Soyez assurés de mon estime et de mon écoute.

 

Seul le prononcé fait foi