[Archives] Congrès de l’Union Internationale des Avocats

Publié le 02 novembre 2007

Discours du Garde des Sceaux, ministre de la Justice

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6 minutes

Monsieur le Président Paulo Lins e Silva, Président de l’Union Internationale des Avocats,

Madame le Prix Nobel de la Paix, Chirine Ebadi,

Monsieur le Vice-Président du Conseil d’Etat,

Monsieur le Premier président de la Cour de cassation,

Monsieur l’Avocat Général représentant Monsieur le Procureur Général près la Cour de cassation,

Monsieur le Président Bernard Cahen,

Monsieur le Recteur Maurice Quénet, vous qui nous recevez

Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs les Présidents et Bâtonniers de tous les Ordres nationaux,

Mesdames et Messieurs les avocats,

Mesdames et Messieurs,

 

Je tiens, avant tout, à vous faire part des regrets du Président de la République française de ne pouvoir ouvrir votre 51ème Congrès ce soir, comme il l’aurait souhaité.

 

Je veux vous remercier au nom du Président de la République pour le bel hommage que vous lui avez rendu. Je tiens à vous dire, en son nom, qu’il reste profondément attaché au rôle essentiel des avocats à travers le monde.

 

C’est à sa demande que je le représente ce soir, ce qui est pour moi un honneur.

 

Je veux vous remercier, M. le Président Cahen, de l’hommage rendu au métier de magistrat que j’ai exercé. Comme vous pouvez le constater, la justice a une grande place au sein du Gouvernement français.

 

C’est donc un grand honneur pour moi que de pouvoir m’adresser aux avocats représentant la défense de près de 80 pays.

 

Car votre congrès témoigne de l’importance des droits de la défense mais aussi des victimes.

 

Le monde d’aujourd’hui est celui du respect des droits. Et le dialogue que vous avez aujourd’hui symbolise ce formidable élan.

 

Les avocats sont au cœur des sujets qui animent la Justice d’aujourd’hui. Ce sont eux qui accompagnent les plus modestes, les plus fragiles. Ce sont eux qui leur assurent une défense digne.

 

Sans avocat, il n’y a pas de Justice.

 

Sans avocat, la Justice est tout simplement vide de sens.

 

Monsieur le Président Lins e Silva a rappelé le rôle essentiel que les avocats ont joué dans l’histoire et dans la politique. Je le remercie d’en avoir témoigné ici. Nous ne pouvons oublier le rôle de tous ces avocats qui ont œuvré pour la défense des droits de l’homme mais aussi de la femme.

 

Et c’est un honneur pour moi que de prendre la parole devant vous, Madame Chirine Ebadi, Prix Nobel de la Paix et aussi avocate. Je souhaite vous rendre hommage pour votre combat pour la démocratie et le rôle des femmes dans la vie publique. Vous êtes un exemple pour nous tous, Madame Ebadi. Vous avez une importance personnelle et particulière pour moi, puisque nous avons prénommé ma nièce comme vous lorsque vous avez été honorée en 2003.

 

Nous nous trouvons dans l’un des lieux du droit les plus prestigieux au monde. Nous ne pouvons pas oublier que les droits de la défense ne sont pas toujours respectés comme il le faudrait dans le monde.

 

Rendre la justice est une mission essentielle. Veiller au respect des libertés individuelles et défendre les plus démunis, là est notre mission commune dans le monde.

 

Et nous devons le faire tous ensemble, magistrats, avocats et toutes les bonnes volontés au service de la justice.

 

Pour le faire, nous devons utiliser tous les nouveaux moyens de communication. Les progrès technologiques nous permettent de mieux nous parler, de mieux nous comprendre, de mieux nous connaître et donc d’harmoniser nos combats au service de la justice.

 

Et en France, je souhaite que les avocats puissent avoir accès à ces nouvelles technologies au service de ceux qu’ils défendent.

 

Cette utilisation des nouvelles technologies en matière de justice est aussi une volonté européenne. Le programme e-justice sera un axe fort de la présidence française qui doit commencer en juillet 2008.

 

Les magistrats ont conscience des contraintes de la défense. En France, les futurs magistrats effectuent un stage dans un cabinet d’avocats. C’est essentiel de connaître tous les métiers, toutes les missions exercées parfois différemment mais avec un seul objectif : rendre la justice.

 

M. le Président Cahen, vous avez fait part de votre inquiétude de voir votre secret professionnel menacé par les règles du droit européen.

 

Sachez que je suis très attachée au secret professionnel des avocats. C’est un principe essentiel de votre profession. C’est la garantie d’une bonne défense. Pour moi, c’est plus qu’un principe, c’est une valeur.

 

La troisième directive anti-blanchiment sera transposée en droit français, car nous y sommes tenus, en tant qu’Etat membre de l’Union européenne.

 

Mais nous travaillons à ce que cette transposition respecte à la fois les exigences de la directive et les droits de chaque avocat.

 

Plusieurs thèmes essentiels sont abordés dans votre Congrès. Permettez-moi de m’y attarder :

 

I – Le premier thème est celui de la réforme de la procédure pénale.

 

Vous dites qu’elle est « à la croisée des chemins ».

 

Cet intitulé est bien choisi pour la France, au regard des réformes en cours, qui dessinent un nouveau visage à notre procédure pénale.

 

Ces réformes aboutissent à une procédure plus équitable, plus respectueuse des libertés, plus moderne et plus efficace.

 

Tous les Etats doivent veiller à assurer le caractère contradictoire de la procédure. En France, une loi récente du 5 mars 2007, a renforcé l’intervention de l’avocat lors de la procédure de plaider-coupable.

 

Ils doivent également veiller à assurer le respect d’une instruction respectueuse des libertés individuelles. La France a décidé de mettre en place des « pôles de l’instruction » à partir du 1er mars 2008. Nous assurerons ainsi un regard croisé de plusieurs juges sur le contenu du dossier. Un examen collégial est toujours gage de bonne justice.

 

II – Le deuxième thème de votre congrès est celui de la gouvernance d’entreprise.

 

La notion de « gouvernement d’entreprise » n’est juridiquement pas reconnue en France. Mais elle est utilisée par la doctrine et les acteurs économiques.

 

Plusieurs lois ont renforcé le contrôle du fonctionnement des sociétés par les actionnaires.

 

La loi de sécurité financière du 1er août 2003 a amélioré l’information des actionnaires lors des assemblées générales. Elle a imposé une transparence des procédures de contrôle interne, des modalités d’organisation et de fonctionnement du conseil d’administration.

 

La loi pour la confiance et la modernisation de l’économie du 26 juillet 2005 a renforcé la transparence de la rémunération des dirigeants.

 

La France, comme l’Union Européenne, n’impose ces obligations qu’aux sociétés cotées. Nous laissons une plus grande souplesse aux petites sociétés. Mais celles-ci se sont dotées de bonnes pratiques en matière de gouvernement d’entreprise.

 

III - Le troisième sujet de votre congrès est le droit des femmes.

 

Je souhaite que la Justice française montre l’exemple dans ce domaine. Nous devons nous attacher à la défense des droits des femmes. C’est une de mes priorités, c’est un de mes combats et depuis longtemps.  Plus largement, nous devons mener une véritable politique pénale contre toutes les formes de discrimination.

 

La justice française est désormais organisée de façon à ce que, dans chaque tribunal, un magistrat du parquet soit spécialement dédié cette lutte contre toutes les formes de discrimination.

 

IV - Le quatrième sujet de votre congrès est celui de la lutte contre la contrefaçon dans les industries du luxe.

 

La contrefaçon est un fléau. Piller les œuvres d’un autre, c’est tuer une liberté.

 

Le 17 octobre dernier, notre Parlement a définitivement adopté une loi de lutte contre la contrefaçon. Celle-ci transpose en droit français quatre textes communautaires importants.

 

La procédure de saisie est redéfinie en matière de contrefaçon. De nouvelles mesures d’urgence peuvent être obtenues telles que la saisie des matériels utilisés.

 

Des tribunaux seront spécialisés pour le contentieux civil de la contrefaçon.

 

Les peines seront aggravées lorsque les contrefaçons portent sur des marchandises dangereuses.

 

Vous avez choisi d’aborder des thèmes très variés. Vos débats leur apporteront un éclairage utile à tous et riche de vos expériences.

 

Notre actualité va permettre aux nombreux avocats français qui sont parmi vous de vous entretenir de tous ces sujets.

 

Et je suis moi-même déterminée à tenir compte de ces évolutions car vous êtes des avocats de profession mais plus globalement vous êtes les avocats de la justice partout dans le monde et je compte sur vous tous.

 

Je vous souhaite à tous et à toutes un excellent 51e Congrès et soyez toujours aussi humains, humanistes et militants !

 

Je vous remercie.