[Archives] Conférence de presse politique pénitentiaire
Publié le 18 janvier 2010
Discours de Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés
Mesdames, Messieurs,
La question pénitentiaire est une priorité pour la lutte contre la récidive, et donc la sécurité des Français.
L'adoption par le Parlement de la loi pénitentiaire nous donne de nouveaux outils pour faire de la prison l'école de la lutte contre la récidive.
Mais je l'ai dit lors des débats, et je le redis, la loi pénitentiaire ne règle pas tout.
Pour moi l'action s'inscrit dans un cadre beaucoup plus vaste qui doit mobiliser tous les moyens disponibles et prendre en compte toutes les problématiques.
La problématique des conditions de détention et du développement des activités d'abord.
Leur amélioration est nécessaire pour mieux préparer la réinsertion et donc prévenir la récidive. Elle demande de nouveaux outils. L'Etat a un rôle essentiel à jouer, j'y reviendrai.
Mais l'Etat n'est pas le seul à pouvoir intervenir dans ce domaine. C'est pourquoi je tiens à saluer particulièrement l'initiative de Pierre BOTTON.
Pierre BOTTON, vous être venu me voir pour me présenter votre projet des « prisons du cœur ». Je vous laisserai dans quelques minutes le présenter. Je suis sûre que vous convaincrez nos interlocuteurs comme vous avez su me convaincre.
J'ai donc décidé de vous ouvrir les portes de la Maison d'Arrêt de Nanterre pour y expérimenter votre dispositif. Tout est mis en œuvre pour en faciliter la mise en œuvre.
Dans quelques semaines, je viendrai sur place pour en évaluer avec vous les effets. Et, si elle s'avère positive, je suis prête à étendre cette expérience.
Le futur plan immobilier intègre le double objectif d'amélioration des conditions de détention, et des conditions de travail des personnels.
5000 places supplémentaires seront créées, comme le Président de la République l'a annoncé.
12 300 places vétustes seront parallèlement fermées et remplacées par des places neuves.
Une des alternatives du scenario initial prévoyait des établissements de 1 000 places : j'ai rejeté cette conception totalement déshumanisée de la prison. J'ai décidé qu'aucun établissement ne dépasserait une capacité de 700 places, avec une exception pour la rénovation de la Maison d'Arrêts de Paris-La-Santé, pour laquelle un premier projet datant de 2006 prévoyait une capacité de 1400 places que j'ai décidé de réduire à 1000.
Pour effectuer ces remplacements, le premier plan inspiré par la RGPP recensait 83 structures devant fermer. J'ai réduit ce chiffre à une soixantaine.
Le choix des établissements à fermer est dicté par la vétusté de ces sites, et par l'impossibilité d'y mettre en place la loi pénitentiaire ou les règles pénitentiaires européennes.
Les fermetures interviendront majoritairement entre mi 2015 et 2017. Bien entendu les élus et les autorités locales seront informés bien en amont. Certains se sont d'ailleurs déjà manifestés pour évoquer la situation indigne de leur établissement (Colmar, Mulhouse, Orléans...).
Avec le nouveau programme, en 2017, la France sera dotée de 68 000 places de prison, dont 35 200 de moins de 30 ans.
Afin de répondre au plus vite au grave problème de l'inexécution des peines, nous allons d'abord ouvrir les places supplémentaires tout en procédant au remplacement progressif des places vétustes, qui nécessiteront des fermetures d'établissements.
18 établissements nouveaux ouvriront, dont 11 d'ici fin 2015. Les recherches de terrains ont débuté. Plusieurs sont même proches d'aboutir, dans certains cas comme Orléans ou le Haut-Rhin.
Dans sa globalité, ce nouveau programme permettra de répondre aux prescriptions de la loi pénitentiaire
Il garantira l'encellulement individuel : la taille des cellules sera fixée à 8,5 m2, ce qui rend impossible le doublement.
Il permettra le développement des activités : 2,5 m2 par détenus seront réservés aux activités contre 0,7 m2 dans le programme actuel. L'objectif est de proposer 5 heures d'activité par jour à chaque détenu.
Il assurera le maintien des liens familiaux : chaque établissement se verra doté d'une unité de vie familiale ou d'un parloir familial, ce qui permettra à chaque détenu de bénéficier d'un parloir de ce type par trimestre comme le prévoit la loi.
Les cours de promenade devront être également plus attrayantes et il sera mis fin au « tout béton » qui gouverne le programme actuel.
Il permettra enfin l'application des régimes différenciés consacrés par la loi : dans le respect de l'ensemble des droits et devoirs reconnus aux détenus, il s'agit après une évaluation de leur caractéristique de leur proposer un régime de détention adapté à leur personnalité
Ce nouveau programme immobilier sera enfin l'occasion de développer un nouveau concept d'établissement : les établissements à réinsertion active (ERA).
La mise en place d'une politique pénitentiaire moderne reposant sur l'évaluation dès l'entrée, impose de diversifier les modes de prise en charge. Elle nous conduit à créer des établissements favorisant la prévention de la récidive pour les détenus pouvant d'emblée s'impliquer dans ce type de programme.
Je souhaite également expérimenter un type d'établissement ou de quartier qui reproduirait le plus possible les conditions de vie à l'extérieur afin de faciliter la resocialisation : liberté de circulation, accès aux ateliers sans accompagnement...
La prise en charge des détenus présentant des troubles mentaux est une problématique spécifique. Elle impose que le programme de création des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) soit mené à son terme le plus rapidement possible.
L'unité de Lyon ouvrira cette année. L'unité de Rennes est prévue pour juin 2011.
Une évaluation de ces deux premières unités était prévue avant de lancer la construction des suivantes. Devant l'urgence et la gravité de la question de la prise en charge de ces détenus souffrant de troubles mentaux, nous avons demandé avec Roselyne Bachelot-Narquin que les constructions démarrent avant même cette évaluation. Nous avons obtenu qu'une UHSA au moins par région pénitentiaire soit construite sans attendre.
Autre problématique devant nous mobiliser : la nécessité de toujours mieux prévenir les suicides.
Les suicides en prison sont des drames humains, pas des secrets d'Etat. Il n'y a aucune raison de les cacher. Je vais donc, comme je m'y étais engagée vous en donner le nombre.
Mais vous me permettrez de dire que ce qui importe le plus, c'est de tout faire pour les prévenir.
En 2009, nous avons déploré 115 décès en détention (décédés en cellule ou à l'hôpital des suites de la tentative de suicide) contre 109 en 2008.
Le chiffre total des suicidés sous écrou, c'est-à-dire non seulement en détention, mais aussi en semi-liberté, en permission, en hospitalisation, ou sous surveillance électronique, est de 122 contre 115 en 2008.
Ces chiffres demeurent dramatiques. Pour autant, nous avons pu constater une diminution depuis la mise en place du plan d'action que j'ai décidée au mois d'août.
Entre le 1er janvier et le 31 août, 84 suicides ont eu lieu. 31, entre le 31 août et le 31 décembre, ce qui représente en moyenne trois suicides de moins par mois.
J'y vois l'effet d'une appropriation des mesures et d'une mobilisation forte du personnel sous l'égide du professeur TERRA qui préside le groupe de suivi.
En 2010, je souhaite que nous achevions l'application du plan d'action : toutes les mesures ayant fait l'objet d'une expérimentation seront généralisées si l'évaluation est favorable.
Nous allons nous donner les moyens de favoriser les programmes d'activités en détention en augmentant le nombre d'heure d'activité par détenus ainsi que la surface consacrée aux activités. Nous allons également renforcer nos liens avec le ministère de la Santé, en recherchant une meilleure implication des médecins sur le terrain et en menant une étude conjointe sur le suicide en milieu carcéral et le suicide en milieu libre.
L'amélioration des conditions de détention va de pair avec celle des conditions de travail des personnels de l'administration pénitentiaire. Ces personnels font un travail remarquable dans des conditions que nous savons tous très difficiles.
La violence au sein des établissements pénitentiaires ne saurait être une fatalité, un risque du métier. Pour mieux la prévenir et l'anticiper, nous devons la comprendre et l'intégrer comme une donnée inhérente au public pris en charge (53 % des condamnés le sont pour des actes de violence).
A cette fin, j'ai lancé le 21 décembre dernier un groupe de travail, réunissant la direction de l'administration pénitentiaire et les services déconcentrés, des personnalités qualifiées et les organisations syndicales pénitentiaires. Ce groupe, chargé de me faire des propositions concrètes, doit rendre ses conclusions au printemps prochain.
Mesdames et messieurs,
Vous le voyez, la politique pénitentiaire ne s'arrête pas au vote d'une loi. Elle exige un engagement quotidien et dans tous les domaines pour faire véritablement de la prison l'école de la lutte contre la récidive. J'y suis bien déterminée, comme l'ensemble de l'administration pénitentiaire.