[Archives] commission des affaires juridiques

Publié le 09 septembre 2008

Discours de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice

Temps de lecture :

6 minutes

Monsieur le Président,

Mesdames, messieurs les Parlementaires,

C’est un grand honneur pour moi de m’exprimer aujourd’hui devant votre Commission pour présenter les priorités de la présidence. C’est l’occasion de débattre ensemble des questions de justice, de liberté et de sécurité.

Les attributions de votre Commission la placent au cœur des nombreux débats qui agitent nos sociétés en matière de libertés publiques, de sécurité ou d’économie.

Vous devez trouver les réponses et les compromis nécessaires pour faire avancer l’Europe.

Vous le savez, durant cette présidence, nous souhaitons rendre l’Europe plus protectrice et plus attentive aux droits et à la sécurité de chacun. C’est une attente forte de nos concitoyens. Je sais que vous la partagez. Nous ne devons pas les décevoir.

La présidence s’est fixé trois objectifs :

-          la protection renforcée des personnes, notamment de celles qui sont les plus vulnérables ;

-          la construction d’un environnement économique favorable à nos entreprises, et ;

-          le développement d’une Justice européenne, moderne et efficace.

S’agissant de la protection des personnes :

 

La présidence souhaite faire progresser les dossiers relatifs au droit de la famille. C’est un sujet sur lequel votre Commission s’est toujours montrée très attentive. Elle a été saisie pour avis du règlement relatif au recouvrement des pensions alimentaires, vous allez prochainement adopter votre rapport sur les règles applicables aux divorces.

Aujourd’hui, les frontières s’effacent en Europe : il y aurait 10 millions de couples bi-nationaux, mariés ou non, vivant dans l’Union Européenne. Ces changements ont des effets directs sur le droit applicable : pour les mariages, pour les naissances, pour les divorces. Nos concitoyens souhaitent que l’Europe tienne compte de ces nouvelles situations.

Il n’est bien sûr pas question d’instaurer un droit unique de la famille. Ce n’est pas souhaitable. Il est important de respecter les spécificités nationales. Mais si nous voulons être efficaces, il faut tout de même que nous puissions disposer de règles communes, notamment pour régler les situations transfrontalières.

Je sais que votre Parlement aurait souhaité des avancées plus importantes dans ce domaine. Vous l’avez rappelé dans le rapport qui a été adopté sur les pensions alimentaires le 13 décembre dernier. Des avancées ont néanmoins été possibles et j’espère que le règlement pourra être finalisé d’ici la fin de l’année, grâce aux progrès enregistrés sous présidence slovène.

La présidence poursuivra également les travaux sur la loi applicable aux divorces. S'agissant du règlement Rome III, plusieurs Etats membres souhaitent qu'une coopération renforcée se mette en place. 9 Etats membres ont saisi la Commission d'une demande en ce sens après le dernier Conseil Justice Affaires Intérieures.

Il n'appartient pas à la Présidence du Conseil de se prononcer sur l’opportunité de cette demande, qui relève de la compétence de la Commission. En tant que présidente du Conseil Justice et Affaires Intérieures, je pense qu'une procédure associant l'ensemble des Etats membres aurait été une bonne solution. Vous savez aussi que la France compte parmi les Etats membres qui ont toujours voulu aboutir sur ce sujet important pour les citoyens. Cela pourrait éventuellement passer par le compromis que plusieurs Etats membres ont proposé à la Commission.

Là encore, l’avis qu’adoptera votre Parlement sera pris en compte et entendu.

Protéger, c’est d’abord et surtout penser aux plus faibles. La présidence française a souhaité lancer la réflexion sur la protection juridique des adultes vulnérables. J’ai interrogé tous les ministres de l’Union européenne sur la question de la ratification de la convention de la Haye du 13 janvier 2000. Nous en avons discuté ensemble lors du Conseil Justice et Affaires intérieures de Cannes. Je remercie d’ailleurs votre Président, Giuseppe Gargani de sa présence à ce Conseil, et de ses interventions. Elles ont permis de faire avancer les débats.

Le Conseil devrait adopter une résolution afin de faciliter l’entrée en vigueur de la convention de la Haye. Il faudra aussi réfléchir à l’opportunité ou non d’instruments communautaires.

Le vieillissement de la population européenne est un défi : en 2050, 10% de la population européenne aura plus de 80 ans. Nous devons d’ores et déjà anticiper cette évolution et prendre toutes les mesures nécessaires. Il faut que les adultes vulnérables puissent être protégés, même quand ils quittent leur pays d’origine.

Un premier échange de vues a eu lieu au sein de votre Commission à ce sujet. La présidence sera très attentive au rapport qui sera adopté. Je sais qu’Antonio Lopez Isturiz White s’est engagé avec conviction dans cette réflexion.

Dans un environnement économique mondial plus dur, et incertain, nous avons aussi la responsabilité de mettre en œuvre un cadre juridique et règlementaire au service de la croissance.

Le projet de règlement sur la société privée européenne est à ce titre une priorité de la présidence française. Il faut permettre aux petites et moyennes entreprises de se développer facilement à l’intérieur de l’Europe. Pour cela, elles doivent bénéficier d’outils juridiques adaptés.

L’Europe doit être une chance pour tous. Les discussions en cours au Conseil se poursuivront jusqu’en décembre. Nous devons trouver un accord entre tous les Etats membres. Le rapport de votre Commission sera déterminant. Je connais l’engagement de Klaus-Heiner Lehne sur ce sujet et sa détermination à faire aboutir cette proposition.

La réflexion sur le droit européen des contrats participe à cet effort pour la croissance. Le Parlement, comme le Conseil, porte un intérêt manifeste aux initiatives que la Commission a lancées depuis plusieurs années et notamment au regard des travaux académiques qu’elle a financés. Votre Assemblée a d’ailleurs récemment interrogé la Commission sur ses ambitions et ses projets. La Commission a fait une première réponse, la présidence sera attentive aux développements futurs de ces initiatives.

Par ailleurs, la présidence poursuivra les travaux engagés sur les projets de brevet communautaire et de système juridictionnel pour le contentieux des brevets. C’est un domaine essentiel pour la compétitivité des entreprises. Il est essentiel de prendre en compte à la fois la sécurité juridique et les impératifs linguistiques.

La lutte contre le piratage et la contrefaçon doit également être renforcée. La Commission européenne a d’ailleurs préconisé des contrôles plus efficaces et une meilleure coordination des acteurs sur le terrain.

La présidence soutient cette initiative et propose d’ailleurs une approche globale pour relever les défis lancés par la lutte contre la contrefaçon et le piratage. Elle soumettra au Conseil Compétitivité du 25 septembre un projet de résolution sur un plan européen global de lutte contre la contrefaçon en ce sens.

L’Union européenne s’est aussi engagée à simplifier le cadre règlementaire pesant sur les entreprises.

La proposition de directive sur les obligations de publication et de traduction va dans la bonne direction et votre rapporteur Pia Kauppi partage cette approche. Cet effort légitime de simplification doit cependant prendre en compte les spécificités des Etats membres, afin d’adapter au mieux le développement des nouvelles technologies.

Notre engagement, c’est aussi de mettre en œuvre une Justice européenne moderne et efficace.

Le projet e-justice qui doit permettre de développer les nouvelles technologies de l’information dans le domaine de la Justice est particulièrement important. En effet, il permettra d’apporter des nouveaux services aux citoyens européens : accès aux informations sur un tribunal, accès à l’aide juridique dans un pays étranger…

Il y a encore beaucoup à faire, notamment pour régler les problèmes linguistiques que soulève le projet. Mais c’est un défi que nous devons relever. La Présidence y contribuera, en s’efforçant de mieux structurer ce projet important pour les citoyens européens et en lui donnant davantage de cohérence. La contribution de votre Commission et de son rapporteur, Diana Wallis est attendue.

La Justice, c’est également tous les personnels de justice : magistrats, greffiers, personnels administratifs, praticiens. La présidence proposera au Conseil une résolution sur la formation. Il faut que nous réfléchissions ensemble à la formation de nos juges, à leur façon de travailler et aux moyens de renforcer leur connaissance réciproque. La résolution qui a été adoptée par votre Parlement le 9 juillet dernier m’apparaît particulièrement utile.

Les travaux sur le Réseau Judiciaire Européen en matière civile et commerciale vont débuter. Ils font suite au dépôt, par la Commission, de sa proposition de décision. Le renforcement des points de contact de ce Réseau, comme l’ouverture aux professions juridiques constituent des pistes de travail intéressantes. J’espère que nous pourrons progresser rapidement sous cette présidence.

*

*  *

Monsieur le Président,

Mesdames, messieurs les Parlementaires,

J’ai déjà eu à plusieurs reprises l’occasion de participer aux travaux de votre Assemblée, en session plénière, en commission ou lors des visites que j’ai effectuées à Bruxelles ou à Strasbourg. Je l’ai déjà dit : je souhaite que nous puissions travailler « main dans la main ».

La présidence a déjà enregistré de véritables avancées concernant Eurojust et le Réseau Judiciaire Européen en matière pénale.

Nous avons encore de nombreux défis à relever dans des domaines qui touchent au cœur du droit civil ou du droit des sociétés. La présidence attend beaucoup de votre expérience et de votre compétence. Je sais que je pourrai compter sur vous.

Je vous remercie.