[Archives] Clôture de la Convention du Conseil National des Barreaux

Publié le 17 octobre 2008

Discours de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice - Lille

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9 minutes

Madame la Maire de Lille,
Monsieur le Député, Président du Conseil Général du Nord,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Vice-président du Conseil d’Etat,
Monsieur le Président du Conseil National des Barreaux,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Bâtonniers,
Mesdames et Messieurs les avocats,
Mesdames et Messieurs,

Le président Iweins vient fort justement de le rappeler : les avocats sont les serviteurs du droit et de l'intérêt général. C'est une vision de la profession que je partage entièrement.

C'est avec plaisir que je me retrouve parmi vous aujourd'hui. Votre rôle dans le fonctionnement de la justice et dans la protection des droits de la défense est essentiel.

Je vous remercie, Madame la Maire de Lille, pour l'accueil que vous avez bien voulu réservé au barreau et le partenariat que vous avez conclu avec lui. Et merci pour votre accueil aujourd'hui.

Les avocats sont au cœur de notre société :

- aux côtés de nos concitoyens, qu'ils soient victimes ou auteurs d'infractions. Vous l'êtes également par votre mission de conseil : vos implantations locales constituent un maillage territorial facilitant l'accès à l'information juridique et au droit ;

- aux côtés des entreprises. La crise financière affecte leur activité et leur avenir. Les avocats ont un rôle important à jouer pour aider les entreprises à gérer la crise et à sortir de leurs difficultés. Plus que jamais, elles ont besoin de vos conseils et de votre expertise.

J'ai un profond respect pour la profession d'avocat. Je ne veux pas qu'il y ait de malentendus ou d'incompréhensions entre nous. Les avocats sont au service du droit et des Français. Vous l'avez très justement souligné, Monsieur le Bâtonnier Debosque. Cette passion de la Justice nous réunit.

L'année qui vient de s'écouler a été intense en réformes. Nous prenons les mesures indispensables au bon fonctionnement de l'institution judiciaire. C'est une question de responsabilité. C'est pour cela que nous avons engagé une profonde rénovation de la Justice.

Cette réforme a été conduite dans le plus grand respect de la profession d'avocat.
La réforme de la carte était réclamée depuis plusieurs dizaines d'années.

C'était un préalable à toute réforme de la justice. Le Conseil national des barreaux le rappelait depuis 1998.

Personne n'avait eu le courage de réformer la carte, même si mes prédécesseurs l'avaient souhaité. Nous l'avons fait ensemble et j'ai écouté vos demandes.

Celles et ceux d'entre vous dont les barreaux sont sur le ressort d'un TGI qui va être fusionné ont obtenu une aide financière. Je vous l'avais promis en raison de la spécificité de votre situation. Cet engagement est tenu : aujourd'hui, 517 demandes d'indemnisation ont été enregistrées pour la première partie de cette aide. Les premières décisions d'indemnisation ont été notifiées. Les paiements interviendront avant la fin de l'année.

J'ai demandé au Secrétaire Général de la Chancellerie de recenser les demandes ou les possibilités de regroupement anticipé de certaines juridictions en tenant compte des aspects humains et immobiliers.

Vous avez été entendus dans l'élaboration de la réforme de la répartition des contentieux.

Le CNB a désigné trois avocats pour siéger au sein de la Commission présidée par le Recteur Guinchard. Ils ont défendu l'intérêt des justiciables, dans le souci partagé et légitime de défendre le rôle de votre profession.

Le rapport rendu par cette commission ouvre la voie à d'importantes réformes pour rendre notre justice plus simple, plus efficace et plus moderne.

Certaines mesures, comme la création de pôles « civil », « pénal » et « famille » au niveau des Tribunaux de grande instance étaient réclamées depuis longtemps par votre profession.

La Commission propose également de développer le rôle de l'avocat, y compris en dehors du prétoire. Comme vient de le rappeler le président Iweins, c'est un enjeu majeur pour votre profession.

Vous avez proposé la création de la procédure participative. Elle permet aux parties assistées de leurs avocats de régler un différend par une solution négociée. Celle-ci donnera lieu à une convention qui sera homologuée par le juge.

Les magistrats pourront se consacrer aux dossiers où aucun accord entre les parties n'est possible. La Justice gagnera en efficacité et en rapidité et les avocats resteront au cœur de la résolution des litiges.

Le rapport établi par le recteur Guinchard propose également d'accroître le recours à la médiation. C'est une bonne chose. Vous devez y jouer un rôle plus important. Je vous y encourage. Je souhaite que cette idée soit examinée au Sénat dans le cadre de la proposition de loi Warsmann de simplification du droit et d'allègement des procédures.

Cette proposition de loi a été adoptée mardi en première lecture par l'Assemblée nationale. Elle reprend certaines des dispositions qui avaient reçu votre accord dans le cadre de la commission Guinchard.

Vous avez aussi été entendus dans votre souhait de développer votre champ d'activités.

La fusion avec la profession d'avoués, que j'ai annoncée en juin dernier, va vous ouvrir de nouvelles possibilités. Vous pourrez à l'avenir représenter vos clients devant la cour d'appel et continuer de suivre leurs dossiers dans leur intégralité.

La fusion avec les conseils en propriété industrielle a fait l'objet de réflexions très approfondies entre vous et mes services. Le Gouvernement est prêt à la réaliser.

La loi de modernisation de l'économie du 4 août dernier vous ouvre la possibilité de devenir des fiduciaires. Elle répare l'oubli de la loi du 19 février 2007. Avec la fiducie, les personnes physiques et morales pourront vous confier la gestion de certains de leurs biens ou de certains de leurs droits. C'est la preuve de la reconnaissance qu'a la représentation nationale de votre intégrité et de votre compétence. C'est aussi pour vous l'ouverture d'un nouveau champ d'activité.

Vous avez été entendus lorsque vous demandiez une plus grande reconnaissance de votre rôle dans l'institution judiciaire.

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoit désormais votre présence au sein de chacune des formations du Conseil supérieur de la magistrature. Le mot « avocat » est entré dans la Constitution. C'est une mesure très positive qui contribuera à ouvrir davantage le CSM sur notre société.

Cette loi vous donne également de nouvelles perspectives avec l'exception d'inconstitutionnalité. Les textes de mise en œuvre sont en cours d'élaboration.
N'hésitez pas à faire part de vos réflexions à mes services.

Vous avez, à juste titre, demandé l'essor de l'assurance de protection juridique.

Il s'agit d'une réforme capitale. Je veux qu'elle devienne une réalité. C'est pour cela que le dialogue avec les assureurs doit reprendre. Je suis déterminée à faire avancer ce dossier.

Je vous ai soutenus dans vos demandes sur la transposition en cours de la troisième directive anti-blanchiment.

Vous le savez, je suis favorable à ce que le secret professionnel de l'avocat soit totalement protégé dans ses activités de consultation juridique, tout comme dans ses activités de représentation en justice.

J'ai plaidé en ce sens auprès du Président de la République et suis heureuse qu'il ait décidé, comme vous le savez, que la consultation juridique serait exclue de l'obligation de vigilance. Je sais combien cette décision était attendue par votre profession.

Je vous soutiens dans votre demande de voir renforcer les droits de la défense en matière pénale.

Mardi dernier, j'ai lancé la rénovation du code pénal et du code de procédure pénale.
Notre loi pénale doit être simple, claire et efficace. J'ai confié cette mission à un comité de réflexion présidé par Philippe Léger et dont quatre avocats font partie. Le renforcement des droits de la défense est l'une des orientations que j'ai fixées à ce comité.

J'ajoute que le projet de loi pénitentiaire prévoit des mesures nouvelles pour veiller à la dignité des personnes détenues et favoriser leur insertion.

Monsieur le Président Iweins, vous avez pris position pour une intervention renforcée des avocats durant la garde à vue. J'ai demandé aux membres de la commission de me formuler des propositions en ce sens.

D'ores et déjà, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a la possibilité de se rendre dans les locaux de garde à vue.

Mesdames et Messieurs,
L'ensemble de ces mesures constituent des avancées concrètes pour vous. Des engagements ont été pris. Ils ont été tenus. Ces réalisations témoignent de l'attention que je porte à votre profession et à ses attentes.

Vous avez souligné, M. le Président Eydoux, l'importance de votre cohésion et de votre unité.

Votre profession est riche par sa diversité. C'est un formidable atout. Mais la diversité ne doit pas devenir un obstacle à la discussion.

Vous le voyez, beaucoup de choses ont été faites depuis mai 2007. Il nous reste encore beaucoup à faire.

J'attends les conclusions de la Commission présidée par Jean-Michel Darrois. On ne saurait exclure les professions du droit de la démarche de modernisation qui leur permettra d'aborder la concurrence internationale dans les meilleures conditions.

Il est important que vous élargissiez votre champ d'activité en France. C'est une nécessité évidente.

Les entreprises ont besoin de vous. C'est pour cela que je trouve intéressante l'idée que l'avocat puisse exercer en entreprise. Je regarderai avec intérêt les préconisations du rapport Darrois sur ce sujet.

Je suis certaine qu'il faut réfléchir à l'interprofessionnalité. Le droit est de plus en plus complexe.

Nous avons besoin de spécialistes dans chaque matière. Le travail du notaire n'est pas celui de l'avocat, qui n'est pas celui de l'huissier.

J'aimerais vraiment que les professions du droit s'allient au lieu de s'opposer ou de se combattre. Elles sont au service de nos concitoyens. Ce doit être la première préoccupation.

Je suis prête à étudier avec vous les nouveaux secteurs d'activité, les nouveaux instruments juridiques qui seraient utiles à nos concitoyens. Dans toutes nos réflexions, c'est la recherche de l'intérêt général, c'est le souci du justiciable qui doivent nous guider.

C'est pour cela que je suis attachée à la sécurité juridique qu'apporte l'acte authentique. Cette sécurité est importante. Elle nous est enviée par d'autres pays.

Mais j'examinerai sans a priori votre projet d'acte sous signature juridique.

Votre développement doit aussi se faire à l'étranger.

La Commission européenne négocie des accords de libre-échange portant sur les services juridiques avec de nombreuses zones géographiques, notamment la Corée du Sud, l'Inde... Tout prochainement, cela sera le tour de la Russie et de la Chine. La Commission vient d'ailleurs de demander à la Chine de lever les barrières qui vous empêchent de vous associer avec des avocats chinois.

Vous pouvez compter sur moi pour vous y aider. Mes services, et en particulier durant la présidence française de l'Union européenne, suivent attentivement le déroulement de ces négociations en partenariat avec le président Iweins. Nous défendons vos intérêts en exigeant que ces marchés vous soient le plus largement ouverts.

Le Président de la République lui-même favorise votre développement à l'étranger. Dans les heures qui viennent, il fera une déclaration commune avec le Premier ministre du Québec.

Désormais, par une reconnaissance facilitée des qualifications, vous pourrez vous installer dans cette province.

Vous avez délégué le bâtonnier Yves Repiquet pour être aujourd'hui auprès du Président. Je suis très heureuse que le barreau fasse partie de la délégation qui l'accompagne.

Je compte aussi sur vous pour poursuivre la modernisation de la justice.

Je suis très attachée à la poursuite de l'équipement des juridictions en matière d'informatique et de nouvelles technologies.
Monsieur le Président Eydoux vient de le rappeler : l'engagement des avocats dans les nouvelles technologies est signe de dynamisme et de modernité.

L'expérimentation des téléprocédures en appel s'achève en décembre 2009. Je souhaite qu'à compter du 1er janvier 2010, les cours soient saisies uniquement par voie électronique dans toutes les procédures avec représentation obligatoire. J'envisage de rendre cela obligatoire à peine d'irrecevabilité. C'est un objectif que nous devons nous fixer ensemble.

Je veux aussi mettre en œuvre les préconisations du rapport Magendie pour améliorer la célérité et la qualité de la procédure d'appel. Une réforme du code de procédure civile est en cours. Vous serez bien évidemment consultés.

Il faut également remettre à plat les mécanismes de l'aide juridictionnelle.

L'accès au droit des plus démunis est une priorité. C'est aujourd'hui la Journée du refus de la misère. Je salue l'initiative conjointe de la ville de Lille, Madame la Maire et du Barreau de Lille, Monsieur le Bâtonnier, d'avoir fait de « l'accès aux Droits » le thème central de cette journée.

Ce sont les personnes les plus pauvres, les plus défavorisés qui ont le plus besoin d'être protégées et défendues. La Justice doit être la même partout et pour tout le monde. Il n'y a pas d'un côté la Justice des riches et de l'autre, la Justice des pauvres. C'est pour cela qu'en 2009 nous réformerons l'aide juridictionnelle. Je souhaite que vous soyez très largement associés à cette réforme sur laquelle la Commission Darrois va nous faire des propositions.

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Mesdames et Messieurs,

Sur tous ces sujets, vous devez être une force de proposition.

Je compte sur votre engagement pour poursuivre la modernisation de notre Justice.

Je vous remercie.