[Archives] Bilan des Centres éducatifs fermés

Publié le 23 février 2007

Discours du Garde des Sceaux à l'occasion du déplacement au centre éducatif fermé d'Hendaye

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6 minutes

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Député,

Monsieur le Maire,

Monsieur le Premier Président,

Monsieur le Procureur Général,

Monsieur le Président,

Messieurs les Directeurs,

Mesdames et Messieurs,


C’est un réel plaisir d’être aujourd’hui parmi vous à Hendaye, au pays basque, sur cette terre d’hommes et de femmes fiers de leur culture, de leur patrimoine, de leur territoire, d’hommes et de femmes qui chérissent tout autant la paix que l’aventure.  

Avec Madame Michèle Alliot-Marie, Ministre de la Défense, nous avons visité ce matin le Centre Educatif Fermé d’Hendaye, qui a accueilli 56 jeunes âgés de 16 à 17 ans et demi depuis son ouverture en 2003.Michèle Alliot-Marie aurait aimé être présente en ce moment même, car cette visite conjointe lui tenait particulièrement à cœur, mais elle a du se rendre aux obsèques du pilote du mirage qui a tragiquement trouvé la mort il y a quelques jours dans un accident.  

Je remercie les élus d’avoir œuvré si efficacement, avec la compréhension de leurs administrés, en faveur de cet outil remarquable de réinsertion. Jeremercie également l’ensemble des personnesici présentes pour letravail considérable qu’elles ont fourni depuis trois ans.  

Certains d’entre vous l’ont vu d’eux-mêmes, ce centre particulièrement accueillant, se situe à l’extrémité sud-ouest d’Hendaye, en zone péri urbaine, surplombant la baie de TXINGUDI. Sa situation en bord de mer permet notamment d’orienter la prise en charge des mineurs autour des activités liées au monde maritime, au travers de chantiers de rénovation et de l’apprentissage de la navigation comme support d’activités et outils pédagogiques.

Inséré dans le monde nautique, ce CEF est également intégré dans le monde professionnel. Plusieurs villes d’importance sont à proximité, ce qui facilite une large collaboration avec les partenaires publics et privés. Ainsi, de fructueux partenariats ont été mis en place, permettant à 50 employeurs de recourir aux services des jeunes qui sont pris en charge au sein de cette structure.  

J’ai pu me rendre compte ce matin de la qualité des installations, et surtout de la très grande mobilisation des éducateurs et des magistrats. Je voudrais en profiter pour rendre hommage au courage et à l’engagement de toutes les équipes des 25 Centres Educatifs Fermés qui oeuvrent quotidiennement pour prévenir, traiter et enrayer les manifestations de violences physiques et psychiques, parfois au péril de leur intégrité physique.

Les CEF n’ont pas été créés par hasard. Ils résultent d’une prise de conscience de la nécessité d’apporter aux mineurs multirécidivistes une réponse ferme, accompagnée d’un dispositif éducatif diversifié. Ils résultent d’un engagement du Président de la République qui s’est concrétisé dans la Loi d’Orientation et de Programmation de la Justice du 9 septembre 2002. A l’heure où les promesses électorales fusent, il me semble important d’évoquer publiquement le bilan de cette volonté présidentielle.

Je vous rappelle l’objectif des CEF: redonner des repères dans un cadre non négociable

Une des priorités des CEF vise à fixer auxjeunes les repères que leur contexte familial et leur histoire personnelle ne leur ont pas donnés.

La préparation du placement, l’accompagnement, l’accueil au CEF les premières heures, les premiers jours appellent une attention soutenue, une vigilance extrême et sont autant de facteurs déterminants pour la suite du placement.

Ces mineurs ne veulent rien, ils refusent tout. Passés les premières heures, ils acceptent progressivement le placement et s’engagent dans de nouveaux rapports, notamment de confiance, avec les éducateurs. Les regards changent. L’action éducative et la prise en charge médico-psychologique produisent peu à peu leurs effets. Les règles de vie sont progressivement intégrées, les violences verbales et physiques s’amenuisent, la personnalité du mineur commence à se structurer, le comportement à se stabiliser, et la parole se libère, dans le respect des interlocuteurs, exprimant au fil du placement l’émergence d’un désir, d’un projet de vie, d’une projection dans l’avenir.

Ces étapes ne sauraient être franchies si les mineurs ne faisaient pas l’objet d’une surveillance de tous les instants et d’une prise en charge adaptée à leur personnalité.

Afin de mener à bien ce travail dans le délai imparti, un encadrement qualifié et strict, est nécessaire de jour comme de nuit, tout aulong de l’année, ce qui justifie le nombre d’adultes présents au centre auprès des jeunes, en l’occurrence de 27 agents pour 12 jeunes.

C’est dans ce contexte seulement que les équipes éducatives peuvent développer dans ces établissements des projets pédagogiques centrés sur la réinsertion des jeunes dans la vie sociale, scolaire et professionnelle, avec les partenaires de la Justice, telle l’association PHILAE chargée de faire fonctionner ce Centre Educatif Fermé.

Ainsi les CEF sont une alternative à l’incarcération.

Ils complètent, en effet, la gamme des réponses éducatives qui vise à réduire les errances des jeunes les plus déstructurés. Ces structures font partie intégrante des dispositifs de la protection judiciaire de la jeunesse.

Les jeunes qui y sont accueillis, ont un passé pénal déjà chargé. Agés de 13 à 18 ans, ils sont tous multirécidivistes et encourent une peine de cinq ans d’emprisonnement. Ainsi, un tiers d’entre eux étaient incarcérés avant d’être placés dans un CEF et les trois-quarts d’entre eux avaient déjà fait l’objet d’un placement judiciaire.

Les jeunes accueillis sont marqués par la vie. Ils ont des repères familiaux faibles. Nous avons constaté que 31 % des mineurs placés sont issus de familles monoparentales et 20 % vivent en dehors de tout cercle familial. Ils sont victimes d’addictions à différentes substances toxiques pour 80 % d’entre eux. Leur état de santé est extrêmement dégradé et ils souffrent souvent de nombreux troubles du comportement.

Surtout, leur passé est ancré dans la violence, pour un tiers d’entre eux, et ils sont quasiment tous marqués par unerupture scolaire depuis aumoins 6 mois.

On imagine souvent mal ce qu’est la mission d’un éducateur, dans un contexte aussi difficile à dénouer. Elle est faite de patience et de ténacité, de fermeté sur l’essentiel et de compréhension face à l’humain. Comprenons bien qu’il s’agit de sanctionner des entorses au règlement en gérant des situations violentes dans un premier temps, et ensuite seulement de soigner, d’orienter et de former.

Nous savons tous que les facteurs de succès dans la prise en charge des mineurs multirécidivistes ne sont pas le laisser faire et la recherche d’excuses.

Lorsque des mineurs placés en CEF commettent des infractions, elles doivent être sanctionnées et peuvent conduire, pour les faits les plus graves ou répétés, à l’incarcération du mineur. Ces incarcérations peuvent être synonymes de rebond. Elles peuvent dans les faits être suivies d’un retour au CEF. Le dispositif n’est donc pas une antichambre de l’incarcération, mais reste une alternative crédible, même dans les situations extrêmes. Les temps d’incarcération présentent dans ce cas une forte valeur ajoutée et évitent au jeune qui les vit d’inscrire un séjour –même court- dans un logique de caïdat.

Les CEF présentent un très bon bilan en matière de récidive, 62 % des mineurs sortis des CEF ne récidivent pas, ce qui constitue une réussite exceptionnelle compte tenu du parcours antérieur de ces jeunes.

Leur séjour en CEF leur a permis d’améliorer leur comportement ; pour une grande majorité, l’évolution est notable :

  • ils passent moins à I’ acte ;
  • ils ont progressé dans l’acquisition des savoirs fondamentaux ;
  • ils se sont orientés vers une démarche professionnelle ;
  • ils sont revenus dans un cursus de scolarité classique.

Aujourd’hui, 190 jeunes sont placés dans ces 25 structures réparties sur le territoire national. Le taux d’occupation s’élève à 80 % des places disponibles pour les CEF qui ont pufonctionner dans des conditions normales.

Depuis 2003, 853 mineurs ont bénéficié de ce dispositif. 550 mineurs sont sortis de la spirale pénalisante et déstructurante de la délinquance

Particulièrement conscient de la chance offerte aux mineurs lorsqu’ils sont placés dans les CEF, je souhaite étendre les possibilités de placement dans ces structures. Actuellement le placement en Centre Educatif Fermé n’est envisagé que dans trois hypothèses : contrôle judiciaire, sursis avec mise à l’épreuve et libération conditionnelle.

J’ai voulu, grâce au texte sur la prévention de la délinquance que le placement en Centre Educatif Fermé soit possible en tant que modalité d’exécution de la peine, dans le cadre d’un placement extérieur. Ainsi nous assurerons une continuité éducative encore renforcée.

La mise en œuvre de la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 se poursuit et arrivera à son terme en 2008.

Cette année 8 nouveaux CEF vont voir le jour entre mars et septembre 2007 : sur les sites de Savigny sur Orge, Doudeville, St Benoit de la Réunion, Liévin, Narbonne, Nîmes, Port Louis en Guadeloupe, et Sinard.

L’année 2008 verra enfin l’achèvement du programme et l’ouverture de 14 CEF supplémentaires (soit 151 places) pour une capacité globale d’accueil de 501 places réparties dans 47 structures sur le territoire national, y compris dans les départements d’outre mer.

Mesdames et Messieurs,

Les CEF sont un instrument privilégié de lutte contre la délinquance juvénile. Face à la violence de mineurs sans repères, nous avons su créer un dispositif ferme et humain, un projet qui refuse tout autant le tout carcéral que le laxisme.

Seule leur pérennité garantira une baisse continue et efficace de la délinquance des mineurs.