[Archives] Audience solennelle de rentrée de la CEDH - Strasbourg-
Publié le 30 janvier 2009
Discours de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice
Monsieur le Président de la Cour,
Madame la Présidente,
Mesdames et messieurs les membres de la Cour,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très honorée de pouvoir m’exprimer aujourd’hui devant votre Cour en ma qualité de ministre de la Justice du pays hôte. L’importance et la qualité de l’auditoire venu à cette audience solennelle, qui marque les 50 ans de la Cour européenne des droits de l’homme, témoignent de l’importance que votre Haute juridiction a acquise dans l’espace juridique européen. Je vous sais particulièrement gré, Monsieur le Président, de me permettre de le souligner.
Après la proclamation le 10 décembre 1948 de la Déclaration universelle des droits de l’homme par l’assemblée générale des Nations Unies, l’adoption en 1950 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la création de votre Cour, ont marqué un tournant dans l’histoire de notre continent.
Le Conseil de l’Europe a eu l’intuition que la consolidation des liens entre nos différents pays passait par le renforcement des valeurs de la démocratie, par le respect de la liberté et par la prééminence du droit.
Depuis 50 ans, votre Cour a montré sa détermination et sa volonté à concrétiser cette Europe du droit. Elle y est parvenue.
La consécration du droit à l’accès à un juge impartial et aux garanties d’un procès équitable, la mise en œuvre d’une jurisprudence ambitieuse et cohérente dans des domaines aussi divers que la bioéthique, le droit des étrangers ou la protection des minorités ont fait de la Cour européenne des droits de l’homme une référence incontestée dans le domaine des droits et garanties des citoyens.
C’est le résultat d’un travail très intense auquel on ne peut que rendre hommage : La Cour a rendu plus de 10 000 arrêts depuis qu’elle existe.
Avec 47 Etats membres du Conseil de l’Europe aujourd’hui, le rythme de votre activité juridictionnelle va encore s’intensifier et votre Cour doit se donner les moyens d’accomplir sa mission dans de bonnes conditions.
Je sais, Monsieur le Président que c’est un objectif que vous poursuivez avec détermination. Il faut que l’ensemble des Etats s’engagent dans cette direction.
La Cour a beaucoup contribué à rapprocher nos concitoyens européens, en les rassemblant autour de valeurs fondamentales. Votre jurisprudence a fixé le cap sur de nombreuses questions de société délicates et elle a permis d’effacer les frontières juridiques. Les justiciables européens se tournent de plus en plus vers votre Cour : c’est la meilleure preuve de la confiance et des attentes de la société civile à votre égard.
Je voudrais également profiter de cet anniversaire pour évoquer l’avenir avec vous.
La défense de la démocratie, de l’Etat de droit, la sauvegarde des libertés fondamentales sont des priorités que nous ne devons pas cesser d’affirmer. L’Europe nous a apporté la paix : cet héritage, nous devons le conserver. Les droits de l’homme sont toujours une conquête : n’oublions pas tous ceux qui attendent de votre Cour et du Conseil de l’Europe des symboles, des exemples, une direction.
Je souhaite à ce titre que votre Cour puisse toujours continuer à entretenir un dialogue riche et fructueux avec les juridictions nationales, mais aussi les législateurs.
Je suis particulièrement attachée à ce dialogue et à cette confrontation. Ce sont ces échanges qui nous permettent de progresser et de renforcer nos systèmes juridiques, pour veiller à garantir à tous les stades de nos procédures le respect du contradictoire ou les conditions d’un procès réellement équitable.
Votre Cour a posé des exigences qui imposent parfois des modifications des règles nationales en vigueur, voire de véritables remises en cause. Il ne faut pas s’en inquiéter : nos ordres juridiques ne sont pas figés et la jurisprudence de la Cour de Strasbourg a permis de mieux prendre en compte les mutations de nos sociétés et leurs aspirations. C’est ainsi que la France voit les choses et je crois pouvoir affirmer que cette analyse est largement partagée.
L’adhésion de l’Union européenne à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales -une fois le traité de Lisbonne ratifié- constituera une date charnière.
Ce sera le signe d’un rapprochement et d’une plus grande complémentarité avec la Cour de justice des communautés européennes. J’attends beaucoup d’une telle échéance. La présence à cette audience du président de la Cour de Justice témoigne en tous cas de l’excellence des relations qui existent déjà entre vos deux cours.
Vous avez évoqué, enfin, Monsieur le Président, votre souhait d’organiser prochainement des états généraux des droits de l’homme en Europe. Je voudrais vous dire aujourd’hui tout mon intérêt et mon soutien pour cette initiative importante.
* * *
Monsieur le Président de la Cour,
Madame la Présidente,
Mesdames et messieurs les membres de la Cour,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Au moment où l’Europe s’interroge sur ses contours et ses frontières, alors qu’elle cherche à consolider son identité commune, votre Cour nous rappelle depuis 50 ans l’importance de nos valeurs.
La sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est notre bien commun : nous ne devons jamais l’oublier, le négliger, ou pire : le tenir pour acquis.
Nous savons tous pouvoir compter sur votre Cour pour nous rappeler à nos engagements et à nos responsabilités.
Je vous remercie.