[Archives] Adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Publié le 05 février 2004
Examen au Sénat du texte élaboré par la commission mixte paritaire du projet de loi
Monsieur le Président,
Monsieur le rapporteur de la Commission des Lois,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
En m’exprimant devant vous le 20 janvier dernier à l’occasion de la deuxième lecture de ce projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, je m’étais félicité du dialogue existant entre les assemblées et le Gouvernement - et entre les assemblées entre elles - sur cette matière si sensible du droit pénal et de la justice pénale.
Nul ne contestera que sur ce texte en discussion depuis bientôt un an, le Parlement a pu débattre de l’ensemble des questions abordées par mon projet en séance publique, en commission et également sur la base des travaux importants réalisés par votre rapporteur.
Je ne peux admettre qu’on balaye cette réalité d’un revers dédaigneux et qu’ainsi on nie le rôle éminent du Parlement.
Je vous les rappelle brièvement quelles sont les lignes de force du projet.
- D’abord mettre notre pays à niveau en matière de lutte contre la criminalité organisée :
La criminalité organisée dans mon projet ce sont les enlèvements, les trafics de stupéfiants, le terrorisme, la traite des êtres humains les meurtres en bande organisée, les braquages en bande organisée, le proxénétisme aggravé, la pédopornographie par Internet…
Cet effort de définition constitue le cœur du projet.
Je veux donc que notre système pénal ouvre les yeux sur ces réalités et se donne en conséquence les moyens de la combattre par l’amélioration des outils juridiques et par une organisation plus adaptée :- les pôles spécialisés en matière de criminalité organisée.
- la création ou l’extension de moyens d’enquêtes respectueux du principe de la garantie judiciaire, ce qui passe par l’affermissement des compétences du juge des libertés et de la détention, apparu dans notre paysage juridique dans la loi du 15 juin 2000.
- Ensuite donner une orientation plus réaliste et humaniste à notre système judiciaire pénal :
Une justice plus réactive :
Les magistrats sont les premiers conscients de cette demande et il faut leur rendre hommage des efforts qu’ils ont déployés en 2003 : pour la première fois, le taux de réponse pénale a dépassé 70 % et le taux de classement est passé sous la barre des 30 %.
Il faut poursuivre cet effort et par conséquent donner à l’institution judiciaire les outils pour y parvenir.
Deux voies d’amélioration :
- les moyens matériels et humain (LOPJ)
- la diversification des procédures. Il s’agit de proposer plus d’outils pour obtenir une réponse pénale plus importante et plus rapide.
Un système carcéral tourné vers la réinsertion :
Il n’est à mon sens nullement contradictoire de dire :
- d’une part que lorsque la justice envoie quelqu’un en prison, c’est qu’il l’a mérité,
- et d’autre part que la société ne saurait se désintéresser de « l’après-incarcération ».
C’est pourquoi il ne faut plus que la sortie de prison se fasse sans préparation et c’est pourquoi le projet permet, pour les condamnés qui manifestent des efforts de resocialisation, d’aménager progressivement le déroulement de leur peine.
C’est là un des enrichissements majeurs du projet au cours de sa discussion.
J’en vois également deux autres dont je souhaiterais rendre particulièrement hommage au Sénat. Il s’agit :
- d’une part les dispositions de transposition de la décision cadre relative au mandat d’arrêt européen ;
- d’autre part la création du fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles, qui sera un éléments fondamental dans l’amélioration des enquêtes et la prévention de la récidive.
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Dans ce contexte, la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 27 janvier sur un certain nombre de dispositions du projet a abouti à des solutions que je considère comme pleinement satisfaisantes :
- En ce qui concerne certaines dispositions du régime procédural des infractions de criminalité organisée, un accord a été trouvé :
- sur les conditions dans lesquelles les déclarations d’un agent infiltré pourront servir de fondement à une condamnation pénale ;
Comme le projet du Gouvernement le prévoyait initialement, votre commission mixte a posé le principe selon lequel ces seules déclarations sont insuffisantes pour fonder une condamnation, sauf lorsque l’agent dépose sous sa véritable identité.
J’y suis évidemment favorable. - sur la simplification des régimes de garde à vue ;
- sur les conditions dans lesquelles les déclarations d’un agent infiltré pourront servir de fondement à une condamnation pénale ;
votre commission mixte a fixé à la 48ème heure de garde à vue le moment de la première intervention de l’avocat pour ce qui concerne les infractions de criminalité organisée, étant bien sûr précisé que les cas dans lesquels cette intervention est actuellement prévue dès la 1ère heure demeurent inchangés.
J’y suis donc favorable.
- Sur les points restant en discussion et qui relevaient de la procédure pénale générale, votre commission a abouti à un accord sur :
- la fixation à 1 an (au lieu de 3 mois) du délai de prescription des infractions de racisme prévues par la loi de 1881 sur la presse.
Cet accord, dont je me réjouis, est tout à fait conforme aux orientations de la politique gouvernementale en matière de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. - l’allongement à 20 ans de la durée de la prescription des crimes et des délits sexuels commis contre les mineurs.
- la fixation à 1 an (au lieu de 3 mois) du délai de prescription des infractions de racisme prévues par la loi de 1881 sur la presse.
Sur cette importante question, je rappelle que le droit actuel fixe la prescription à 10 ans, ce délai commençant à courir à la date de la majorité de la victime.
Sur la base d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, cette question a fait l’objet de discussions très riches qui m’ont convaincu du bien-fondé de cette évolution.
L’élévation de ce délai à 20 ans pour ces mêmes infractions me paraît donc une très bonne solution de compromis, prenant en considération tant la situation des victimes que l’évolution des modes de preuve.
- un accord est également intervenu sur le fonctionnement de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Le texte de la commission mixte précise que l’audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance devra vérifier l’accord de la personne poursuivie et homologuer la procédure suivie devant le procureur de la République se déroulera en chambre du conseil.
Comme je l’avais indiqué au cours de la discussion, ce point me paraît fondamental pour l’organisation et le bon déroulement de la procédure. Bien sûr, l’ordonnance par laquelle le président du tribunal rendra sa décision devra être lue en audience publique, ce qui satisfait à l’impératif de publicité des décisions juridictionnelles.
- Enfin, votre commission a estimé que l’information du parquet par les services de police et de gendarmerie devra se faire sans délai, s’agissant notamment du placement en garde à vue.
Cette solution est empreinte de sagesse et j’y suis évidemment favorable.
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Le travail réalisé par la commission mixte paritaire, qui ne nécessitera de la part du Gouvernement que quelques amendements de coordination, purement techniques ou rédactionnels, vient ainsi compléter et équilibrer le projet de loi dans des conditions que j’approuve totalement et qui me donnent à nouveau l’occasion de saluer spécialement le travail de M. le sénateur ZOCCHETTO ainsi que celui des membres de la commission des lois et de ses administrateurs.
Je vous demande donc d’adopter le texte qui vous est soumis.
Je vous remercie.