[Archives] 7ème Congrès international des victimes du terrorisme

Publié le 15 septembre 2011

Discours de Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés

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Vos altesses royales, le prince et la princesse des Asturies

Mesdames, Messieurs les ministres,

Mesdames, Messieurs les élus,

Mesdames, Messieurs les ambassadeurs,

Monsieur le Directeur général, Guillaume Denoix de Saint-Marc,

Monsieur le président, Carlos Romero,

Mesdames, Messieurs les représentants d’association,

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais vous saluer tous au nom de Nicolas Sarkozy, Président de la République française.

Je veux vous remercier de m’avoir convié à ce 7ème congrès international des victimes du terrorisme.

Le terrorisme est un fléau international. L’acte terroriste vise un Etat, sa politique, mais ce sont toujours des civils qui en sont les victimes, parce qu’ils se sont trouvés au mauvais endroit au mauvais moment.

Rendre hommage aux victimes de terrorisme, honorer la mémoire de celles qui ont perdu la vie, est un devoir pour tous.

Je veux vous dire quelle importance j’attache à ce que la voix des victimes soit écoutée. Témoigner est un acte courageux, c’est un acte d’engagement, pour que jamais ne faiblisse notre action contre les actes de terrorisme, pour que jamais ne faiblisse notre soutien à l’égard de celles et ceux qui ont subi cette violence aveugle.   

Il est d’abord de notre responsabilité d’accompagner les victimes. Nous ne pouvons admettre de laisser les victimes de terrorisme et leurs proches affronter seuls leurs traumatismes après avoir été souvent très gravement blessées ou avoir perdu un être cher. Ce sont des souffrances physiques et morales profondes que nous devons savoir partager. Pour cette raison, il nous appartient d’assurer un accompagnement médical et psychologique immédiat des victimes, au plus près de l’attentat, mais aussi un suivi thérapeutique et social à moyen et long terme.

Depuis de nombreuses années, l’Etat français et en particulier le ministère de la justice se sont résolument engagés pour que les victimes soient aidées tout au long de leur parcours, notamment judiciaire.

Parce que la France a très tôt subi des actes d’une rare violence sur son territoire ou contre ses ressortissants à l’étranger, le ministère de la justice s’est attaché à développer des aides d’urgence aux victimes de terrorisme mais aussi des dispositifs d’accompagnement pérennes.

Depuis plus de deux décennies, nous avons entendu garantir une réparation intégrale des dommages subis. La mise en place d’un fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme a constitué une avancée majeure. Que les actes aient été commis en France ou à l’étranger, les victimes sont indemnisées de tous leurs préjudices. Le fonds de garantie est la traduction de la solidarité de la nation avec les victimes d’actes terroristes : chaque citoyen y contribue en effet, par un prélèvement sur les contrats d'assurance.

Les victimes d’actes de terrorisme bénéficient également d’un régime très protecteur afin que soient prise en charge tous leurs soins médicaux, les appareillages en cas d’infirmité. Les conséquences d’actes de terrorisme pour les victimes suppose d’aller plus loin, la France a donc entendu également faciliter l’accès à l’emploi des victimes.  Les victimes peuvent compter sur le soutien de l’aide sociale de l ’office national des anciens combattants et victimes de guerre et leurs enfants sont accueillis parmi les pupilles de la nation.

Une aide efficace, c’est bien sûr une aide accessible, qui doit être très rapidement opérationnelle. Je suis profondément convaincu qu’il faut aller au-devant des victimes, sans attendre qu’elles viennent à nous. Voilà pourquoi le gouvernement a mis en place, depuis 2008, un guichet unique de service public – pour permettre aux victimes de rencontrer en un même lieu tous les interlocuteurs utiles à leur prise en charge. Ce guichet a été mobilisé deux fois avec je crois une grande, en 2009 après l’attentat du Caire et en avril dernier après l’attentat de Marrakech. Les victimes ont été prises en charge très tôt : les services d’aide aux victimes se sont immédiatement rapprochés des familles pour leur apporter un premier soutien et les guider dans leurs démarches. L’efficacité de cette action auprès des victimes nous la devons à une collaboration étroite entre les services de l’Etat (ministère de la justice, ministère des affaires étrangères, préfecture), les autorités judiciaires et les associations d’aide aux victimes.

Tous ces dispositifs ne seraient rien sans l’engagement de tous nos partenaires. Je veux rendre particulièrement hommage à tous ceux qui participent à l’œuvre de justice, en particulier aux associations qui offrent écoute et assistance aux victimes et à leurs proches dans ces épreuves douloureuses. Je veux adresser ma reconnaissance à l’association française des victimes du terrorisme ainsi qu’à l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation qui fédère plusieurs de ces associations. Je tiens également à saluer la fédération nationale des victimes d’accidents collectifs, qui vient de décider d'élargir ses actions aux victimes du terrorisme.

Bien évidemment, l’indemnisation n’est qu’une partie du travail que nous devons accomplir pour permettre aux victimes et à leurs proches de se reconstruire.

Nous devons nous assurer que ceux qui entendent imposer leur volonté par la peur en commettant des attentats soient identifiés, interpellés et condamnés, pour que justice soit rendue aux victimes et à leur famille.  

Parce que les actes terroristes ne sont pas des actes criminels comme les autres, la France s’est dotée d’une véritable législation antiterroriste. Des magistrats et des services d’enquêtes spécialisés applique un droit spécifique, qui repose sur quelques principes :

-         des infractions lourdement sanctionnées, dont l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste constitue la clé de voûte, car cette infraction permet d’effectuer des enquêtes judicaires le plus en amont possible de la planification d’attentats et de les déjouer,

-         un régime procédural exorbitant du droit commun, qui autorise des techniques spéciales d’investigations par exemple des surveillances sur le territoire, des infiltrations et un régime de garde à vue dérogatoire.

Ce dispositif efficace a permis de démanteler à temps des filières djihadistes, qui sont les preuves que nous devons maintenir une vigilance sans faille.

Les douleurs des victimes sont suffisamment profondes pour ne pas y ajouter des complexités de procédure. L’aide juridictionnelleest donc accordée en France sans condition de ressources aux victimes d’actes de terrorisme et à leurs ayants-droit. Avec la loi du 10 août 2011, les associations de victimes d’actes de terrorisme sont  plus facilement recevables à se constituer partie civile. C’est désormais à compter de la date de la constitution de la partie civile, et non plus à compter de la date des faits, que s’apprécie la condition de déclaration depuis au moins 5 ans de l’association d’aide aux victimes du terrorisme.

Je veux enfin rendre hommage ici à la qualité de la coopération internationale. Chacun peut témoigner de l’importance des échanges entre nos pays respectifs, pour déjouer les attentats et pour réagir au plus vite si par malheur des attentats se produisent.

Il existe de nombreux instruments d’entraide judiciaire en matière pénale applicables à la lutte contre le terrorisme auxquels la France est partie.

Depuis 2003, 11 équipes communes d’enquêtes ont été constituées en matière terroriste, dont 7 équipes franco-espagnoles. Grâce à ce cadre juridique, le travail en commun des services d’enquêtes de différents pays est facilité sur des affaires terroristes d’importance.

Depuis 10 ans la coopération n’a jamais faibli, plus de 1.000 demandes d’entraide judiciaire ont ainsi été échangées entre la France et d’autres Etats concernés par le terrorisme, l’Espagne notamment en raison de la spécificité du terrorisme basque et avec laquelle notre collaboration est remarquable. L’entrée en vigueur du mandat d’arrêt européen, principale traduction du principe européen de reconnaissance mutuelle des décisions pénales et de confiance mutuelle, a encore facilité cette coopération. La qualité de la coopération judiciaire franco-espagnole est régulièrement citée en exemple au sein de l’Union européenne.

 

Cette coopération internationale se traduit également par des groupes de travail bilatéraux sur le terrorisme, auxquels la France participe très activement avec nos amis américains et espagnols mais aussi marocains. Ces groupes sont essentiels car ils permettent d’échanger des informations opérationnelles, d’optimiser l’exécution des demandes réciproques d’entraide judiciaire.

La menace terroriste pèse toujours sur la France comme sur de nombreuses démocraties. Notre vigilance ne doit pas se relâcher. La France, et ses partenaires, mobilisent tous les moyens pour combattre le terrorisme, et pour réprimer tous les actes de barbarie. Je veux affirmer que l’Etat a aussi ce devoir essentiel à l’égard des victimes, à l’égard de leurs familles, mais également de tous nos concitoyens, le devoir de prévenir ces actes cruels et lâches - la tâche est malheureusement immense, mais nous le savons, et je veux le redire aujourd’hui, c’est en unissant nos forces que nous pourrons empêcher de nouvelles victimes innocentes.