[Archives] 40è anniversaire Institut International des Droits de l'Homme

Publié le 14 décembre 2009

Discours de M. Bockel, secrétaire d'Etat à la Justice

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Cher Jean WALINE,

Mesdames et Messieurs,

Je veux tout d'abord vous faire part du grand honneur que je ressens à clôturer cette rencontre internationale consacrée au 40e anniversaire de l'Institut international des droits de l'homme et ce en présence de Monsieur BERTOS, petit neveu de René CASSIN

C'est avec d'autant plus d'émotion que j'ai suivi, il y a déjà quelques années les enseignements de son actuel Président, Jean Waline, au cours de mes études de droit.

Depuis 1969, l'institut continue l'œuvre majeure de son créateur par la promotion internationale des droits de l'homme, par l'enseignement, l'organisation de rencontres, la publication, le rassemblement et la diffusion de documentation.

René CASSIN, « ce fantassin des droits de l'homme » comme il aimait à s'appeler reste incontestablement aujourd'hui la référence d'un homme libre et fidèle à une certaine idée de la France et de la fraternité humaine, figure sur laquelle je souhaiterai revenir brièvement.

I - Un institut international, continuateur de l'œuvre de René CASSIN

Je saisis ce 40ème anniversaire pour rendre un solennel hommage au père fondateur de l'institut

Au moment où l'on s'interroge sur l'identité nationale, il est bon de rappeler que René CASSIN aimait se désigner comme « l'homme des trois frontières ».

L'Allemagne par son arrière grand père maternel, Samuel DREYFUS originaire d'Alsace, l'Espagne puisque né à Bayonne et l'Italie avec la ville de Nice qui fut le berceau de sa famille paternelle.

Marqué à 7 ans par la déportation du capitaine DREYFUS, à 27 ans par la bataille de la Marne, le juriste René CASSIN n'a jamais cessé de se battre pour subordonner les rapports entre Etats à la primauté de l'individu ;

Vice Président du Conseil d'Etat en 1944, Président de la commission des droits de l'homme des Nations Unies en 1955, membre du conseil constitutionnel en 1960, il reçoit le prix Nobel de la Paix en 1968

Alors que nous venons de fêter les 60 ans de la déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par les Nations Unies, René CASSIN reste aujourd'hui l'un des fondateurs de cette proclamation qu'il voulait « universelle par son inspiration, par son expression, par son contenu, par son champ d'application, par son potentiel »

A travers son action, René CASSIN a contribué au rayonnement de la France et à la défense d'une certaine conception du droit et des libertés dans le monde ; thème qui reste évidemment d'actualité.

II - L'Institut, un défenseur incontournable des droits de l'homme

1) Je veux ici saluer le travail de tous ceux qui se mobilisent pour poursuivre l'œuvre de René CASSIN et notamment celui accompli par Jean WALINE

Depuis 1969, l'institut forme, chaque été, des stagiaires provenant d'une centaine de pays, auquel se sont ajoutés des séminaires spéciaux destinées aux enseignants universitaires.

Ce sont ainsi plus de 15.000 auditeurs qui ont été formés par l'institut international des droits de l'homme, autant de missi dominici défenseurs des droits fondamentaux à travers le monde.

La recherche occupe également une place importante dans l'institut, qui je crois, s'intéresse actuellement à la référence aux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme dans les jurisprudences et à la question des auteurs de requêtes individuelles devant les organes de protection des droits de l'homme.

2) Je considère que l'introduction du droit au recours individuel pour les justiciables européens a constitué une révolution majeure pour la défense des droits de l'homme

L'adoption du protocole 11 de la convention européenne a permis la création d'une cour unique et permanente

Il a surtout rendu obligatoire le droit au recours individuel, la Cour de Strasbourg a offert à plus de 800 millions d'européens, justiciables potentiels, l'accès direct à un juge

La Cour européenne des droits de l'homme a permis l'édification de grands principes qui sont autant de garanties pour les européens : droit au procès équitable, droit au respect de la vie privée, de la liberté de la presse, de l'intégrité de la personne humaine mais aussi en matière d'environnement et de bioéthique

En dehors de notre espace judiciaire européen, il reste de nombreux progrès à accomplir comme en témoigne les violations aux droits dont peuvent encore être victimes les femmes, les journalistes, les opposants dans certains pays.

3) A cet égard, je voudrais enfin vous dire l'importance que j'attache à la prochaine conférence d'INTERLAKEN qui se tiendra le 18 février prochain et qui aura pour objet de réfléchir au devenir de la Cour européenne des droits de l'homme

Vous la savez, cette conférence interétatique doit établir une feuille de route pour la Haute juridiction, victime de son succès et elle-même confrontée au respect du délai raisonnable.

Elle devra notamment se prononcer sur la question du filtrage des requêtes, et du renforcement de la coopération entre les cours nationales et la Cour de Strasbourg avec l'instauration d'un mécanisme de renvoi préjudiciel.

Comme je l'ai rappelé récemment à la délégation française des parlementaires membres du Conseil de l'Europe, j'entends m'impliquer sur les questions des droits de l'homme comme je l'ai fait déjà en matière de lutte contre la traite des êtres humains devant le Conseil Justice et Affaires intérieures de l'Union.

Et ceci d'autant plus que l'Union européenne est en voie d'adhérer à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Cette évolution sera possible lorsque la Russie aura ratifié le Protocole 14 de la Convention européenne et que les institutions de l'union auront conclu un accord d'adhésion.

Il s'agit bien là de changements majeurs qui devraient renforcer la protection des droits de l'homme sur le continent européen.

XXX

Comme l'indiquait René CASSIN, « Il n'y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l'homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit ».

C'est bien là le rôle essentiel de votre institut, par la formation et la recherche, de protéger les droits fondamentaux et d'en assurer l'universalité

Je vous remercie pour votre attention

 

 

Seul le prononcé fait foi.