[Archives] 27èmes journées de Paris, Forum huissiers de Justice
Publié le 15 décembre 2011
Discours de Michel Mercier, garde des Sceaux , ministre de la Justice et des Libertés
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les magistrats,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie, Monsieur le président, pour les propos que vous venez de tenir, et pour cette invitation à vos 27èmes journées de Paris. Je souhaite également vous féliciter pour votre réélection, hier, en qualité de président de la Chambre nationale et me réjouis de pouvoir ainsi poursuivre avec vous et votre bureau les travaux concernant votre profession.
Cette rencontre, et cette année sans doute encore plus que toute autre, est l’occasion d’évoquer les avancées pour votre profession et ses perspectives d’avenir.
2011 aura vu aboutir nombre de réformes qui, comme vous le disiez à l’instant Monsieur le président, ont permis un renforcement et une modernisation de votre profession ; renforcement et modernisation dont je crois pouvoir dire qu’elles sont sans précédent depuis deux décennies. Je ne reviendrai pas sur le détail de toutes les mesures prises, car vous les avez fort bien évoquées, mais je voudrais insister sur les plus importantes. Et je voudrais répondre aussi aux inquiétudes que vous avez exprimées.
Vous avez retenu pour thème de votre table ronde « quelle justice pour quelle société ? », et je crois que la modernisation engagée ces dernières années est au cœur de cette problématique – celle d’une justice plus moderne, plus efficace et de qualité.
Vous le rappeliez à l’instant, par leur statut d’officier public et leur contribution à l’effectivité de la justice, les huissiers participent de cette vision de la justice. Parce que nous savons l’importance de votre intervention, nous avons souhaité que votre rôle soit consolidé et que de nouvelles perspectives vous soient ouvertes.
Depuis un an, les lois et les décrets se sont succédés, dans la recherche constante d’un meilleur service rendu à nos concitoyens. Les engagements pris à l’égard de votre profession ont été tenus. Et ces avancées ont été possibles grâce à l’esprit d’écoute et de dialogue qui a présidé à nos échanges. Vos préoccupations ont été entendues et vos propositions accueillies favorablement chaque fois que cela était possible et compatible avec les principes et les équilibres qui gouvernent notre justice.
I. De nouvelles missions vous ont été ouvertes
Ainsi, le décret du 1er septembre vous permet désormais de procéder aux mesures conservatoires après un décès et notamment à l'apposition des scellés ou à la réalisation de l'état descriptif du mobilier
Depuis le décret du 23 septembre relatif à la discipline, vous pouvez exercer l’activité de médiateur en faisant état de votre qualité professionnelle. La médiation est de fait au cœur de vos activités, et il convenait de le reconnaître expressément.
Enfin, le décret du 8 novembre dernier vous permet d’assister les greffiers en chef pour le contrôle des comptes de gestion des majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection et des mineurs. Votre pratique de la comptabilité, votre collaboration avec le tribunal d’instance, seront autant d’atouts pour mener à bien cette nouvelle mission.
Le régime de vos activités accessoires (administrateur d’immeuble, agent d’assurance et désormais médiateur) a également été simplifié, afin de les soumettre à une simple déclaration auprès de la chambre régionale et du procureur général en lieu et place du régime antérieur d’autorisation préalable.
En outre, vous avez pu compter sur le soutien plein et entier du Gouvernement pour veiller, lors de l’adoption de la loi du 20 juillet dernier – et vous savez que cela n’a pas été chose facile – à ce que les limites de vos activités de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne soient pas définies par un pourcentage mais bien en prenant en considération différents facteurs que sont la proportion des revenus tirés de cette activité par rapport aux résultats de l'ensemble des produits de l'office, la fréquence de ces ventes ou encore le temps que vous y consacrez.
II. L’efficacité de votre action a été améliorée par plusieurs mesures significatives
A ce titre, je souhaite d’abord indiquer que j’ai présenté hier en conseil des ministres une ordonnance sur les voies d’exécution civiles qui permet de codifier toute la législation applicable aux mesures qui sont à la disposition d’un créancier pour contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations.
Ce code, qui va devenir votre code, rendra plus accessible cette matière fondamentale qu’est le droit à l’exécution, droit à valeur constitutionnelle et reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme.
C’est avec la même volonté de consacrer le droit à l’exécution que les réformes récentes, notamment dans le cadre de la loi du 22 décembre 2010 dite « Béteille », ont été entreprises. Il en va ainsi avec :
- le renforcement de la force probante du constat d’huissier. Il était en effet pleinement légitime de prévoir que cet acte, établi par un officier public ait pour effet de renverser la charge de la preuve. Nombre de conflits judiciaires seront ainsi évités grâce à une intervention préalable de l’huissier de justice.
- le renforcement de vos moyens d’action pour remplir pleinement vos missions, tant d’exécution que de signification. Une décision de justice qui n’est pas exécutée constitue non seulement la négation de tout le processus judiciaire, mais également une source d’incompréhension très forte pour le justiciable. Ainsi le décret facilitant votre accès aux parties communes d’immeuble vient d’être transmis pour examen au Conseil d’Etat. Il s’agit d’un texte qui va considérablement faciliter la tâches des professionnels que vous êtes en permettant de bénéficier des codes d’accès aux immeubles dans lesquels vous serez amenés à signifier des actes. Le renforcement de votre capacité d’action est une condition indispensable à l’effectivité pleine et entière de votre mission d’officier public ministériel.
- S’agissant de l’accès aux éléments du patrimoine du débiteur, le décret devrait pouvoir être publié en janvier prochain. Il aura fallu faire œuvre commune de conviction pour que cette mesure de bon sens puisse être inscrite dans la loi, et nous pouvons nous féliciter de ce résultat. Quant à la possibilité de vous adresser directement aux administrations pour obtenir des informations sur un débiteur, les dispositions déjà en vigueur seront précisées par voie réglementaire. Et je sais que nos services travaillent conjointement à leur établissement
- Enfin le décret du 10 août, a permis d’organiser la reprise des locaux abandonnés par leur locataire, en simplifiant la procédure de résiliation du bail. C’est un pas de plus vers une justice plus diligente.
III. Vos missions au pénal ont été revalorisées comme je m’y étais engagé
Vous rappeliez, Monsieur le président, l’insuffisante valorisation dont a longtemps souffert l’intervention des huissiers audienciers. Vos préoccupations ont été entendues : le décret du 8 novembre dernier a au moins doublé le montant des indemnités qui vous seront versées pour le service des audiences pénales. Je salue votre engagement pour que soit étroitement suivie, tant au niveau national que local, la Convention signée le 8 décembre entre la Chancellerie et votre chambre nationale pour organiser et rationaliser la présence des huissiers au cours des audiences pénales.
Vous le voyez, l’esprit de confiance mutuelle qui préside à nos échanges et la mission de service public qui est dévolue aux huissiers de justice permettent de s’appuyer sur vos compétences pour réapprécier régulièrement vos moyens d’action et votre périmètre d’intervention.
J’ai bien entendu vos préoccupations sur la contribution pour l’aide juridique. Je veux rappeler, à cet égard, que le décret du 28 septembre 2011 a été l’occasion de procéder à des ajustements. Le texte prévoit ainsi, à votre demande, un report de l’acquittement de cette contribution dans le cadre de la procédure d’injonction de payer.
Pour autant, je n’ignore pas combien la mise en œuvre de cette nouvelle contribution a nécessité un investissement de tous les praticiens de la justice, et des huissiers en particulier, et je tiens à remercier sur ce point la profession de son sens des responsabilités.
Je peux d’ores et déjà vous indiquer qu’un projet de décret prévoit, comme le sollicitait la chambre nationale, d’exempter du paiement de la contribution les requêtes tendant simplement à rendre exécutoire un accord : en effet, il est apparu opportun que la démarche de conciliation, destinée à éviter une saisine contentieuse puisse ne pas être assujettie au paiement d’une contribution, voulue par le législateur pour les véritables instances judiciaires.
D’autres propositions sont examinées par les services de la Chancellerie. Elles feront l’objet d’un accueil favorable chaque fois que cela sera compatible avec les principes et les équilibres qui gouvernent le droit judiciaire français.
Vous aurez ainsi observé que pour les requêtes en injonction de payer, nous avons tenu compte de vos observations dans la loi relative à la répartition des contentieux, publiée hier au Journal officiel, en permettant la représentation par tout mandataire, non plus seulement devant le tribunal d’instance mais aussi devant le tribunal de grande instance et le tribunal de commerce.
IV. Vos conditions d’exercice et votre profession ont été modernisées
Il était important d’adapter vos conditions d’exercice à la réalité de votre profession. C’est pourquoi la loi du 22 décembre 2010 a autorisé son exercice en qualité de salarié. C’est à la fois attractif pour les jeunes diplômés, mais aussi un moyen de promotion interne de vos personnels. L’huissier de justice salarié pourra procéder à toutes les missions des huissiers de justice, à la seule exception des activités accessoires d'administrateur d'immeuble et d'agent d'assurance.
Vous avez mené une action volontariste en faveur des nouvelles technologies.
Pouvoir signifier les actes par voie électronique constitue une simplification très appréciable, mais aussi un renforcement de l’efficacité de la signification intervenant dans un contexte international. Cette avancée devra bientôt aboutir : le décret mettant en œuvre la création d'un système central de recueil des consentements des destinataires des actes électroniques, tenu par votre chambre nationale, va être transmis au Conseil d'Etat dans les tous prochains jours.
A ce titre, je voudrais saluer votre engagement en faveur de la dématérialisation. La convention relative à la communication électronique entre les huissiers de justice et les juridictions ordinaires que nous signerons dans quelques instants témoigne du chemin parcouru depuis deux ans par votre profession.
Il y a deux ans, en effet, la place des huissiers de justice dans le schéma global de dématérialisation des échanges entre les auxiliaires de justice et les juridictions se résumait à la procédure d’injonction de payer dématérialisée devant le tribunal d’instance.
Le travail que nous avons engagé avec la Chambre nationale des huissiers a permis de définir en commun des solutions juridiques et techniques de dématérialisation des échanges.
La chambre a développé les outils nécessaires, et je veux saluer votre détermination dans ce projet Monsieur le président : vous avez mis en place un réseau privé sécurisé huissiers de justice et une plateforme métier (e-huissier) afin de réunir tous les services dématérialisés accessibles aux huissiers de justice. Vous avez ainsi développé un dispositif sécurisé et performant qui va nous permettre d’expérimenter aujourd’hui des échanges dématérialisés avec les juridictions.
Je me réjouis que les huissiers de justice aient désormais les moyens de prendre toute leur place au cœur de la dématérialisation de la chaine judiciaire civile.
La justice doit, en effet, s’adapter pour toujours mieux répondre aux attentes fortes de nos concitoyens. Cela est d’autant plus vrai aujourd’hui où la situation économique accentue leurs inquiétudes.
Votre profession, par sa présence sur l’ensemble du territoire national, contribue à une justice plus proche des citoyens et, par son rôle dans l’organisation judiciaire, à une justice plus efficace. Veillant au respect des droits et obligations de chacun, l’huissier est un intermédiaire essentiel entre les justiciables et l’autorité judiciaire ; véritable « juriste de proximité », il est à la fois un conseil et un conciliateur auprès des particuliers et des entreprises.
Par cette contribution à la sécurité juridique et à l’effectivité de la décision judiciaire, vous participez à un objectif essentiel et commun du renforcement de la confiance des citoyens dans l’œuvre justice. Ces derniers mois ont pleinement confirmé l’engagement de votre profession dans ce sens et je l’en remercie.
Je vous souhaite de fructueux travaux.
Seul le prononcé fait foi.