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Annonces de nouveaux recrutements
Publié le 27 février 2023 - Mis à jour le 25 avril 2023
Discours d’Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice
Tribunal judiciaire de Reims – Lundi 27 février 2023
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le préfet,
Mesdames, messieurs les parlementaires, cher Didier,
Mesdames, messieurs les élus,
Messieurs les chefs de cour,
Madame, monsieur les chefs de juridiction,
Monsieur le bâtonnier,
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour la première fois en tant que ministre dans cette belle ville de Reims et dans ce beau tribunal où j’ai eu l’occasion de plaider de nombreuses fois lorsque j’étais avocat.
Si je suis ici aujourd’hui, je le dis sans détour : c’est pour parler recrutements. Et plus précisément, pour parler des recrutements des contractuels qui, dans les tribunaux, permettent depuis deux ans de faire baisser massivement les stocks et constituent ce qu’il convient d’appeler désormais « l’équipe autour du magistrat ».
Je l’ai dit et je le redis : l’institution judiciaire a subi 30 ans d’abandon budgétaire, politique et humain. Les conséquences pour les justiciables sont désastreuses : délais de traitement trop longs, perte de qualité des décisions rendues, frustration des justiciables de voir leur affaire traitée en quelques minutes après avoir attendu une réponse pendant des mois voire des années. Assez logiquement, la confiance dans l’institution s’est lentement érodée.
Face à ce constat, face à cette urgence absolue qu’ai-je fait ? J’ai souhaité dans un premier temps réparer l’urgence.
Pour ce faire, il m’était impossible d’envoyer des magistrats ou des greffiers supplémentaires immédiatement. Comme vous le savez, il faut presque trois ans pour former un magistrat et 18 mois pour former un greffier.
J’ai donc décidé de recruter 2000 contractuels en dix-huit mois. Ces contractuels, de catégorie A, B ou C, sont venus soulager les magistrats et les greffiers dans leurs tâches quotidiennes auprès des parquets, et, en matière civile, principalement dans trois contentieux qui touchent très fortement le quotidien des français : les affaires familiales, le contentieux de la protection et les pôles sociaux.
Ils ont permis de mettre en place cette justice de proximité que j’ai appelé de mes vœux depuis le premier jour de mon arrivée place Vendôme.
C’est un effort financier considérable qui a été fait par l’Etat. Cela a été rendu possible par 3 hausses consécutives du budget de la justice à hauteur de + 8 % sur trois ans depuis 2020.
Ces renforts, accueillis avec parfois un peu de circonspection, ont peu à peu convaincu tous les acteurs du monde de la justice de leur utilité. En effet, les chefs de cour et de juridiction m’ont demandé à ce qu’ils soient tous pérennisés.
Cette demande des chefs de juridiction est étayée par les résultats affichés par les juridictions : ils ont permis d’une part de renforcer la qualité de la prise en charge des victimes de Violences Intra-Familiales, et de renforcer les liens avec élus, et ils ont également permis une diminution très importante des stocks.
Permettez-moi d’illustrer cet état de fait par quelques chiffres qui m’ont été remontés par les acteurs de terrain. Ce qu’il faut bien comprendre c’est qu’une baisse du stock, ce sont des affaires qui ne sont plus en cours de traitement et c’est donc une diminution des délais.
Globalement, nous observons une diminution de 28 % du stock d’affaires en attente de jugement en matière familiales entre le 1er janvier 2021 et le 1er janvier 2023. 97 % des juridictions de première instance ont ainsi vu leur stock baisser sur cette même période.
Plus précisément, à Reims, le stock a baissé de près de 27 % sur cette période aux affaires familiales. Il a diminué de 35 % au pôle social et de 17% au contentieux de la protection.
C’est un travail colossal fait grâce à ces contractuels bien sûr mais également grâce au travail acharné des magistrats et des agents du greffe.
Je ne résiste pas à vous faire part également de quelques chiffres impressionnants ailleurs en France : à Vesoul, les stocks ont diminué de 73 % en deux ans aux affaires familiales. On peut encore citer le tribunal judiciaire de Marseille qui a diminué son stock de près de 30 % aux affaires familiales, Bordeaux qui affiche une diminution de 57 % de son stock au pôle social ou encore Evreux qui a diminué son stock de 88% au contentieux de la protection.
Ces quelques chiffres illustrent une vraie dynamique de fond. C’est une dynamique très positive qu’il nous faut maintenant faire perdurer, amplifier.
En effet, ces bons résultats ne doivent pas occulter le fait qu’il nous reste collectivement beaucoup de chemin à parcourir.
Mon objectif principal est de diviser par deux les délais de traitement des affaires au civil comme au pénal d’ici la fin du quinquennat.
De nombreux leviers doivent être actionnés pour y parvenir. Il y a des enjeux évidents en matière de numérique ou d’organisation administrative des services judiciaires, mais je ne m’y arrêterai pas aujourd’hui.
Nous sommes tous d’accord pour dire que le premier levier est la question des moyens humains. Comme vous le savez, j’ai engagé un vaste plan d’embauche de magistrats et de fonctionnaires.
Ainsi avant la fin du quinquennat, nous aurons recruté 1 500 magistrats et 1500 greffiers. En cinq ans, nous recruterons autant que sur les vingt dernières années.
Ce plan massif, inédit, est la condition sine qua none du redressement de l’institution judiciaire.
Toutefois, ce n’est pas le seul levier. Je souhaite aller encore un peu plus loin.
L’équipe autour du magistrat est désormais une réalité. Nous devons maintenant l’institutionnaliser et la pérennisée.
Depuis 2017, nous avons multiplié par 5 le nombre de juristes assistants et d’assistants spécialisés. Il y avait en effet 189 juristes assistants en 2017. Ils sont aujourd’hui 935. Ces personnels ont fait leur preuve et les chiffres que je viens de vous citer le démontrent. Ils sont devenus indispensables aux services dans lesquels ils sont affectés.
Je vous annonce donc que nous allons recruter cette année 300 juristes assistants supplémentaires. 300 juristes assistants, titulaires d’un master 2 et ayant donc suivi une formation de haut niveau, qui vont rejoindre les juridictions.
Il s’agit d’une augmentation de 32 % en une seule année.
Et j’ajoute que nous allons augmenter le nombre d’assistants spécialisés en en recrutant 20 cette année soit une hausse de 15 %.
Ici, au tribunal judiciaire de Reims, nous recrutons ainsi 2 juristes assistants supplémentaires au siège et au parquet, qui viennent s’ajouter au 9 que nous avons déjà embauché ces deux dernières années.
Sur le ressort de la cour d’appel de Reims ce sont au total 7 juristes assistants que nous recrutons, répartis à la cour d’appel, au TJ de Reims, et au TJ de Troyes, et qui viennent donc s’ajouter au 32 renforts que nous avons déjà recrutés.
Bien sûr ces recrutements ont vocation à se poursuivre les prochaines années.
Je ne souhaite cependant pas me contenter d’une simple augmentation numérique des effectifs.
Je souhaite également récompenser l’investissement des contractuels de la justice de proximité.
Je vous annonce que l’ensemble des contractuels de catégorie A, B et C recrutés dans le cadre de la mise en place de la justice de proximité ou de la lutte contre les violences intrafamiliales se verront proposer, s’ils exercent toujours leurs fonctions, un contrat à durée indéterminée.
C’est une avancée majeure qui permet à ces personnes d’envisager sereinement leur avenir au sein des juridictions. Cela permettra également de stabiliser les effectifs des juridictions et ainsi d’inscrire dans le temps long cette collaboration qui s’est avérée indispensable.
J’ai par le passé utilisé le terme de « sucres rapides » pour désigner ces 2000 contractuels qui sont venus en renforts des juridictions en 2020 et 2021. Nous l’avions choisie car le sucre, ça dynamise, ça vivifie sans attendre. Ces contractuels étaient des « renforts de l’urgence ». Désormais, ils ont vocation à devenir des renforts pérennes et s’installer durablement en tant qu’acteurs de la communauté judiciaire. C’est une expression que je n’utiliserai donc plus désormais.
J’ai par ailleurs entendu les inquiétudes qui résultent du statut actuel des juristes assistants, qui n’est pas tout à fait satisfaisant : il est trop précaire, ne prévoit pas de formation initiale et les tâches qui leur sont confiées ne sont pas suffisamment précises.
Il induit donc un très fort roulement des personnes recrutées, ce qui nuit à l’organisation des juridictions.
C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de créer une fonction d’attaché de justice.
Cette nouvelle fonction, qui regroupera ce qu’on appelle aujourd’hui les juristes assistants et les autres contractuels de catégorie A, sera ouverte tant aux fonctionnaires qu’aux contractuels.
De cette manière, nous nous assurerons, que partout sur le territoire, quel que soit le bassin étudiant et le bassin d’emploi, des attachés de justice seront présents.
Cette flexibilité dans l’ouverture de poste permettra en effet de recruter à la fois des fonctionnaires, comme des attachés d’administration, des enseignants, des policiers, par exemple, et des personnes venant du secteur privé, ou encore des étudiants sortant de leurs études de droit.
Cette flexibilité est une manière de faire confiance au terrain et de laisser la main au chefs de juridiction qui savent mieux que quiconque quels sont leurs besoins en matière de ressources humaines.
Quand on est, par exemple dans le ressort d’une zone douanière, je pense par exemple à Avesnes-sur-Helpe, on peut avoir besoin de juristes assistants qui connaissent bien la matière douanière. Quand on est à Meaux, près d’un centre de rétention administrative, on peut avoir besoin d’un ancien fonctionnaire qui connaît parfaitement les rouages administratifs en matière de droit des étrangers.
Cette nouvelle fonction recouvrera des missions généralistes incluant l’aide à la décision, la recherche de jurisprudence, la rédaction de notes de synthèse, le soutien aux politiques publiques et partenariales et même l’établissement de diverses réquisitions en matière pénale.
Afin de les intégrer pleinement à la communauté judiciaire, je souhaite que ces attachés de justice prêtent serment. Ils pourront ainsi assister aux audiences et aux délibérés et prévoir une délégation de signature dans des domaines précis.
Nous leur offrirons également une formation initiale dispensée par l’ENM afin d’assurer une homogénéité partout en France.
Et comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour les juristes assistants, nous maintiendrons une passerelle spécifique d’accès à l’ENM.
J’ajoute que les actuels juristes assistants et contractuels de catégorie A seront automatiquement repositionnés sur des postes d’attachés de justice et comme je l’ai déjà dit, nous leur proposerons un CDI à l’issue de leur contrat à durée déterminée.
Vous l’aurez compris, cette nouvelle fonction a pour objectif principal de donner corps à l’équipe autour du magistrat en l’institutionnalisant et en offrant une stabilité et des perspectives aux personnes qui choisissent d’embrasser ces fonctions.
Les magistrats de carrière auront donc la responsabilité de coordonner le travail de l’ensemble des membres de cette équipe : greffiers, attachés de justice et contractuels de soutien au greffe. Les magistrats seront tous formés au management grâce à des enseignements dédiés au sein de l’Ecole Nationale de la magistrature, qui va étoffer la formation initiale en la matière.
C’est l’une des raisons qui m’a conduit à ouvrir la possibilité pour cette belle école de la République de recruter des enseignants permanents non magistrats.
Ces innovations seront portées dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation que je porterai au Parlement ce printemps.
Mesdames, Messieurs,
Vous l’aurez compris, le schéma du juge et de son greffier, traitant dans le huis clos de leur cabinet les affaires qui leur sont soumises, a vécu. Au contraire, le magistrat est appelé à devenir un véritable capitaine d’équipe et je viens d’esquisser devant vous les contours de cette équipe.
Je suis intimement convaincu que c’est la seule manière, au-delà des recrutements que nous ferons au cours de ce quinquennat, de parvenir à redresser la situation et ainsi restaurer la confiance entre les citoyens et la justice. En effet, comme l’écrivait Isaac NEWTON « Lorsque deux forces sont jointes, leur efficacité est double ».
Cette réforme d’ampleur est l’une des clés d’une justice plus rapide, plus efficace et plus proche des citoyens.
Je vous remercie.