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Raconter, sublimer et interroger des moments de vie des jeunes
Publié le 22 mars 2018
Rencontre avec l’artiste Mohamed Bourouissa
Pour débuter l’année 2018, le Studio 13-16 du Centre Pompidou a accueilli la manifestation artistique « La Fureur du dragon ». Tout droit sortie de l’inspiration de son auteur, l’artiste Mohamed Bourouissa, elle est le résultat de six mois d’immersion auprès des jeunes du service éducatif de l’établissement pénitentiaire pour mineurs (SEEPM) de Porcheville. Le 22 février 2018, l’artiste était de retour dans les hauts murs de l’établissement pour entamer un nouveau projet.
Les rencontres avec les jeunes
L’affect : c’est la thématique que Mohamed Bourouissa a décidé d’aborder avec les jeunes. Un challenge, surtout dans le milieu carcéral, explique-t-il, où « les sentiments sont d’autant plus exacerbés que l’espace est restreint ».
« Il n’y a pas de formule magique pour obtenir la confiance d’un jeune détenu ».Il s’agit d’un travail sur le long terme, dont l’objectif est de trouver, avec chaque jeune, « la juste distance» .
Faute de formule magique, l’artiste a décelé des attitudes facilitant le lien avec les jeunes :« se présenter clairement […] être patient […] accepter les silences […] ne pas avoir peur de monologuer. Les choses particulières et sensibles, je ne vais pas les aborder à 16h, je vais les aborder plus tôt […] parce que le soir, après, ils sont seuls dans leur cellule […] j’évite de venir tous les jours au risque d’instaurer une routine déjà très présente au sein d’un milieu carcéral ».
L’important, dit-il, c’est de leur faire comprendre que l’on n’attend rien d’eux, qu’on ne souhaite pas les forcer à parler. « On attend déjà beaucoup d’eux », appuie Ahmed El-Borj, éducateur au sein du service éducatif de l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Porcheville.
« La Fureur du dragon »… œuvre sonore et expression sportive
Brouhaha, cliquetis de clefs et de barreaux, chants d’oiseaux… Ce sont ces bruits-là, ceux qui traversent les murs de l’EPM, que Mohamed Bourouissa a enregistrés. Ces bruits, agrémentés de « nappes musicales planantes » et de sons plus violents comme des éclats de voix, forment une œuvre pleine de contrastes qui « raconte, sublime et interroge des moments de vie des jeunes, des proches et des professionnels qui se croisent à l’EPM de Porcheville ».
Quand il a fallu aménager l’espace que lui offrait le Studio 13-16, Mohamed Bourouissa a repensé à la salle de sport de l’EPM :« Quand je les ai vus au sport, leur corps était complètement libéré de contraintes spatiales… j’ai revu des adolescents ». « Ils oublient qu’ils sont incarcérés, ce qu’on peut retrouver aussi dans des activités comme la sculpture » ajoute Ahmed El-Borj. « Lorsqu’ils monopolisent leur attention sur une activité, ils oublient tout le reste […] ils se livrent sans même s’en rendre compte ». Parfois même, « il y a des jeunes qui produisent un objet et qui le détruisent juste après. Ils le détruisent car ils montrent d’eux-mêmes, et peut-être qu’à la fin, ils s’en rendent compte ».
Enfants, adolescents et parents ont fait part de leurs interrogations à Ahmed El-Borj lors de la manifestation. Des interrogations qui laissent entendre que la réalité du monde carcéral est peu connue du grand public. Ahmed El-Borj est heureux d’avoir pu leur apporter des éléments de réponse.
Et ce n’est pas fini ! Mohamed Bourouissa et Ahmed El-Borj ont décidé de continuer le projet, pour aller « plus en profondeur dans la thématique de l’affect ».
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