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Concours d’éloquence et de plaidoirie : une autre forme d’accès au droit

Publié le 24 juillet 2025 - Mis à jour le 25 juillet 2025

L’art oratoire, hérité de la tradition gréco-romaine, connaît un regain d’intérêt auprès des jeunes. Aujourd’hui, de nombreux concours d’éloquence ou de plaidoirie sont organisés en partenariat avec des juridictions. Une belle opportunité pour elles de faire découvrir la justice et ses métiers.

On voit de dos une jeune candidate à la barre dans une salle d'audience pleine, face à sept femmes de face en train de l'écouter.
Une candidate au concours d'éloquence dans le tribunal judiciaire de Chartres.

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« Celui qui sait commander trouve toujours ceux qui doivent obéir. » Avec cette phrase de Nietzsche pour sujet, Léane, élève en terminale à Moulins, a remporté en binôme le concours d’éloquence interdépartemental de la cour d’appel du ressort de Riom en avril 2025. « Une fois le stress passé, c’est un vrai moment de plaisir car nous donnons une part de nous tout en nous mettant dans la peau de quelqu’un d’autre, comme au théâtre. Nous livrons tout en seulement dix minutes », confie la lycéenne de 17 ans.

Comme elle, des dizaines de collégiens, lycéens ou étudiants volontaires participent chaque année à des concours d’éloquence ou de plaidoirie. Ils se lancent dans l’exercice difficile de convaincre, émouvoir ou faire réfléchir un auditoire. L’espace de quelques minutes, seul ou en duo, ils doivent développer une argumentation claire, structurée, percutante sur des sujets de société, de philosophie ou de droit : « L’enfer, c’est les autres », « Doit-on condamner le soleil ? », « Les mots libèrent-ils ? » ou encore « L’accueil des migrants entre devoir d’humanité et inhumanité des conditions de vie ».

« La robe est assez lourde à porter, c’est déstabilisant les premières minutes, mais au final, c’est bien car cela nous donne une posture, cela nous demande de nous grandir un peu.  »

Léane, lycéenne de 17 ans

Un grand bain de solennité

En face d’eux, le jury - composé notamment de professionnels du droit et de l’enseignement - note leurs arguments, leur élocution, leur présentation, leur capacité à ne pas s’attacher à leurs notes… Ils se produisent dans des salles d’audience chargées d’histoire, des endroits impressionnants où l’éloquence est habituelle et nécessaire. Ils sont parfois vêtus d’une robe d’avocat, de greffier ou de magistrat. « C’est assez lourd à porter, c’est déstabilisant les premières minutes, mais au final, c’est bien car cela nous donne une posture, cela nous demande de nous grandir un peu », révèle Léane.

Pour être prêts le jour J, ces élèves se sont souvent préparés pendant plusieurs mois avec leurs professeurs et des professionnels. « Des avocats et des magistrats passent d’une à trois heures avec eux pour les aider à construire leur argumentaire, à bien s’exprimer », indique Christelle Henriot-Maurel, présidente du conseil départemental de l’accès au droit (CDAD) de l’Allier, qui coorganise un concours chaque année avec l’éducation nationale et le barreau. Certains vont également voir des audiences.

« Les étudiants découvrent souvent à travers ces exercices la réalité des métiers d’avocat, de magistrat d’attaché de justice ou de greffier, ainsi que la rigueur et l’engagement qu’ils impliquent. »

Loïc Yboud, attaché de justice au tribunal judiciaire de Toulon et enseignant à la faculté de droit

Une immersion « dans la vie réelle »

Les lauréats remportent des livres, des bons d’achat. « Au total, j’ai gagné 300 € ! », annonce Léane. Mais ce n’est pas là le principal. Les compétences acquises par les jeunes participants leur serviront sûrement pour leurs futurs oraux, notamment le grand oral du bac. Elles pourraient bien aussi leur servir dans leur vie professionnelle, a fortiori s’ils s’orientent vers une carrière juridique.

« Les concours de plaidoirie offrent aux étudiants une immersion dans des situations proches de la réalité judiciaire, en travaillant sur des cas inspirés de dossiers concrets. Ils constituent une véritable passerelle entre les enseignements théoriques de la procédure civile dispensés à l’université et les exigences du monde professionnel, explique Loïc Yboud, attaché de justice au tribunal judiciaire de Toulon et enseignant à la faculté de droit. Bien que les étudiants de licence 3 et de master 1 possèdent une solide formation juridique, ils découvrent souvent à travers ces exercices la réalité des métiers d’avocat, de magistrat, d’attaché de justice ou de greffier, ainsi que la rigueur et l’engagement qu’ils impliquent. »

Par ailleurs, ces concours favorisent l’établissement de liens professionnels. « L’accès aux stages demeure un défi pour les étudiants dépourvus de réseau dans le milieu judiciaire. Ces compétitions leur offrent une opportunité unique de tisser des contacts et de s’ouvrir des portes », précise Loïc Yboud.

« On plante des graines de futurs citoyens. »

Christelle Henriot-Maurel, présidente du conseil départemental de l’accès au droit (CDAD) de l’Allier

Un moyen de faire connaître la justice

La Justice aussi sort gagnante de ces concours. « C’est une action d’accès au droit. Il s’agit de mieux faire connaître la justice qui souffre d’un déficit d’image », reconnaît Estelle Jond-Necand, présidente du tribunal judiciaire de Chartres, qui a lancé un concours d’éloquence en 2025. « L’idée est d’ouvrir la juridiction à l’extérieur, montrer ce qu’elle fait, et fait bien ! Nous ne sommes pas dans une tour d’ivoire », assure de son côté Philippe Juillard, président du tribunal judiciaire d’Aurillac et du CDAD du Cantal, qui coorganise un concours d’éloquence depuis 2022. « C’est un moyen de sensibiliser le jeune public au respect du débat en démocratie. On plante des graines de futurs citoyens », estime Christelle Henriot-Maurel.

Créer des vocations

Et pourquoi pas des graines de futurs professionnels du droit ? Tous les organisateurs le disent : les candidats sont « surprenants », « bluffants », « épatants ». « On repère les bons éléments qui deviendront peut-être plus tard nos stagiaires. On travaille pour la justice sur le temps long, notamment dans les petites juridictions où l’on a toujours du mal à recruter », avoue Philippe Juillard. Candidats ou organisateurs, lancez-vous !

Faites entrer la justice !

Les concours d’éloquence ou de plaidoirie ne représentent qu’une action parmi d’autres pour mieux faire connaître la justice, notamment aux plus jeunes. Souvent, les juridictions et les établissements d’enseignement organisent d’autres événements. Des magistrats interviennent dans les classes ou, inversement, des élèves se rendent au tribunal pour les rencontrer. Des simulations de procès sont proposées. Des festivals de films judiciaires, comme à Chartres, permettent à des agents de parler de la justice à travers des œuvres cinématographiques. De quoi découvrir la réalité derrière la vitrine.