Les magistrats de liaison
Création
La fonction de magistrat de liaison a été créée en 1993 à l'initiative de la France, avec l'ouverture d'un poste en Italie. L'objectif était alors de faciliter la coopération judiciaire pénale entre les deux pays, dans le cadre de la lutte contre la mafia. Une action commune adoptée par le Conseil de l’Union européenne le 22 avril 1996 a par la suite établi « un cadre d'échange de magistrats de liaison visant à l’amélioration de la coopération judiciaire entre les Etats-membres de l’Union européenne ».
Le réseau des magistrats de liaison
Prenant notamment appui sur ce texte, le réseau français des magistrats de liaison s'est développé pour devenir le plus étendu au monde. La France dispose aujourd'hui de 15 postes de magistrats de liaison (Algérie, Allemagne, Brésil, Canada, Espagne, Etats-Unis, Italie, Maroc, Pays-Bas, Qatar, Roumanie, Royaume-Uni, Sénégal, Serbie, Tunisie) et de 3 postes de conseillers juridiques en ambassade (Russie, Chine, Turquie). Les magistrats de liaison sont présents sur quatre continents et couvrent au total 36 pays compte tenu de la zone de compétence régionale de six d'entre eux. Près de la moitié d'entre eux sont basés en Europe ou en périphérie immédiate de l'Union européenne.
L'objectif de ce réseau est de répondre au mieux aux besoins du ministère de la justice et à la stratégie qu’il définit, en lien avec le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI).
Ainsi, l'amélioration de la coopération judiciaire en matière pénale et civile a été le moteur de la création des premiers postes de magistrats de liaison en Europe : Italie (1993), Pays-Bas (1996), Espagne (1997), Allemagne (1998), Royaume-Uni (1999).
Dans d'autres cas, l'existence d'une coopération technique a servi de socle à la création de nouveaux postes, au moment où ces pays adhéraient à l'Union européenne, avec une perspective du développement de l'entraide judiciaire (République tchèque 1999, Pologne 2006, postes fermés depuis).
Enfin, la réponse à apporter à l’existence de menaces transversales telles que la criminalité organisée ou le terrorisme a également présidé à la création de nouveaux postes : le magistrat de liaison basé en Croatie (poste créé en 2006), puis en Serbie à partir de 2012, était initialement compétent pour 13 pays. Le flux d'entraide pénale avec certains d'entre eux était tel qu'il a nécessité l'ouverture de postes ad hoc (Turquie en 2009 et Roumanie en 2012).
La création récente du poste de magistrat de liaison en Belgique, le 19ème du réseau, s'inscrit dans le contexte actuel de renforcement du dispositif de coopération entre la France et la Belgique en matière de lutte contre le terrorisme. Le titulaire aura principalement pour mission de faciliter davantage encore l'entraide pénale entre la France et la Belgique, ainsi que de veiller à accroître encore l'efficacité déjà démontrée des canaux de relations institutionnelles.
Le statut des magistrats de liaison
Mis à disposition par le ministère de la justice auprès du ministère des affaires étrangères, les magistrats de liaison et conseillers juridiques en ambassade sont placés sous l’autorité de l’ambassadeur de France. Ils demeurant cependant rattachés au Secrétariat général du ministère de la Justice par l’intermédiaire du service des affaires européennes et internationales, dont ils dépendent, et restent en contact permanent avec les directions. Ces liens, dont la réunion annuelle des magistrats de liaison est une illustration, garantissent l’inscription de leurs activités dans l’action internationale du ministère de la justice.
La grande originalité de cette institution réside dans le fait que le magistrat de liaison est normalement localisé au sein du ministère de la justice du pays d’accueil, même s'il dispose par ailleurs d'un bureau au sein de l'ambassade. Une telle implantation permet d'une part une meilleure connaissance et compréhension des institutions et systèmes judiciaires réciproques, et facilite concrètement, d'autre part, la coopération et l’entraide.
Pour autant, une telle implantation au sein du ministère de la justice du pays d'accueil n'est parfois pas possible. Dans de telles hypothèses, le magistrat de liaison est alors exclusivement basé à l’ambassade de France, où il exerce les fonctions de “conseiller juridique en ambassade” tel que cela est le cas pour les magistrats nommés en Chine, en Russie et en Turquie.
Par réciprocité, le ministère de la justice français accueille huit magistrats de liaison étrangers, représentant l'Algérie, l'Allemagne, l'Espagne, les Etats-Unis, le Maroc, les Pays-Bas, la Roumanie et le Royaume-Uni. Un magistrat de liaison italien devrait très prochainement prendre ses fonctions à Paris.
Les missions du magistrat de liaison
L'activité du magistrat de liaison s'articule autour des missions suivantes :
- apporter son concours au traitement des demandes d’entraide pénale et civile internationale, des demandes d’enquête, de transfèrements, des dénonciations officielles et des procédures d’extradition ;
- informer les autorités françaises et du pays d’accueil des éléments qui leur sont utiles concernant l’organisation et l’évolution de la justice dans ces pays dans la perspective d’une meilleure connaissance mutuelle et d’un enrichissement réciproque; il rédige à ce titre des notes de droit comparé, à la demande du SAEI ;
- faciliter le développement d’actions de coopération juridique tant bilatérale que multilatérale ;
- préparer, en lien avec les administrations judiciaires concernées les réunions bilatérales nécessaires au bon fonctionnement des relations judiciaires entre les deux pays.
Au-delà de ces activités “classiques”, le magistrat de liaison se voit confier un certain nombre de missions par l'ambassadeur: rédaction de notes sur des thématiques juridiques, représentation de l'ambassadeur sur des thématiques en lien avec la justice, ou encore contribution aux actions de l'ambassade présentant une dimension judiciaire.
Les magistrats de liaison implantés en Europe se distinguent des autres par la rédaction de très nombreuses notes de droit comparé, par une mobilisation pour la préparation des conseils Justice et Affaires Intérieures, et, pour certains, par l'expertise apportée sur la situation des pays candidats à l’adhésion à l’UE s'agissant des thématiques relatives à la justice.