Outrage au drapeau
Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Italie, États-Unis
I : Une incrimination spécifique en Allemagne, en Espagne et en Italie
Le droit pénal allemand réprime l’outrage au drapeau national mais également l’outrage à l’encontre d’un drapeau étranger .
L’atteinte au drapeau national (ou à l’hymne national), commise en public ou par diffusion d’un écrit est punie d’une peine d’emprisonnement susceptible d’être prononcée pour une durée de 3 années . La tentative est également répréhensible. Une aggravation de la peine est prévue pour les atteintes au drapeau commises avec l’intention de déstabiliser le régime. L’auteur encourt alors une forte amende et une peine d’emprisonnement de 5 années au maximum.
L’outrage à un drapeau étranger est puni d’une amende et d’une peine privative de liberté pouvant aller jusqu’à 2 années.
Le Code pénal espagnol contient un Chapitre 6 consacré aux « outrages à l’Espagne » constitué d’un article unique. Cet article 543 stipule que « les offenses ou outrages en paroles, par écrit ou par fait, à l’Espagne, à ses Communautés Autonomes ou à ses symboles ou emblèmes effectués avec publicité, seront punis d’une peine d’amende de 7 à 12 mois ».
Une importante jurisprudence s’est d’ailleurs développée en ce qui concerne cette disposition et des formes variées d’outrages ont pu être sanctionnées par les tribunaux. Ainsi, les atteintes à l’escudo par exemple, emblème et monnaie nationales, ont été l’objet de nombreux recours judiciaires.
La réglementation italienne réprime également l’outrage au drapeau ou à un autre emblème de l’État, d’une peine d’emprisonnement comprise entre 1 et 3 années . Des peines aggravées sont susceptibles d’être prononcées à l’encontre des militaires en fonction ou en congés. S’ils outragent le drapeau ou un autre emblème, l’emprisonnement encouru est majoré du tiers selon l’article 293 du Code pénal. Dans l’hypothèse où l’outrage est commis par un ressortissant italien sur le territoire d’un autre État, la majoration de la peine encourue est également applicable, l’article 294 du Code pénal énonçant qu’une telle atteinte mérite une peine aggravée.
Les autorités italiennes s’interrogent en ce moment sur la pertinence de ces dispositions. Il serait question de modifier, voire de supprimer de telles prescriptions. L’actuel ministre de la Justice est en effet favorable à l’abolition des délits d’opinion, introduits dans la législation par le Code pénal de 1930. Une commission ministérielle travaille à une réforme du Code pénal, qui pourrait notamment déboucher sur une dépénalisation de l’outrage au drapeau.
II : Une incrimination inapplicable aux Pays-Bas et aux États-Unis
Les Pays-Bas ne connaissent aucune infraction spécifique portant sur l’outrage à drapeau. Cependant, l’article 267 du Code pénal réprime les outrages commis envers un fonctionnaire ou l’autorité publique. Par conséquent, il est envisageable de poursuivre l’auteur d’un outrage au drapeau sur la base de ce texte, en procédant à une interprétation extensive de celui-ci. Mais, aucune décision de justice n’a, pour le moment, été prononcée en matière d’outrage au drapeau sur le fondement de l’article 267.
Aux États-Unis, dans une importante décision Texas v. Johnson , la Cour Suprême a jugé en 1989 que les réglementations sanctionnant l’outrage au drapeau (flag desecration) étaient inconstitutionnelles, car elles portaient atteinte à la liberté d’expression, reconnue et protégée par le Premier Amendement. Brûler un drapeau a donc été considéré comme une manifestation de la liberté d’expression dont bénéficie tout citoyen du fait du Premier Amendement.
Le Congrès a néanmoins décidé d’imposer une vue différente. Dès 1989, le Flag Protection Act fût voté, malgré la position de la juridiction suprême . Les membres du Congrès estimaient que l’attitude de la Cour Suprême pouvait s’expliquer par le fait que la loi texane, en cause dans l’affaire Johnson était particulièrement sévère et large . Une infraction fédérale d’atteinte à l’intégrité physique du drapeau a donc été crée. Et afin d’amener la Cour à revoir sa position, les parlementaires ont introduit une nouvelle disposition à la Section 700 de l’US Code (la législation applicable au niveau fédéral) permettant un recours direct à la Cour Suprême pour toute contestation portant sur l’inconstitutionnalité de cette infraction.
Des 1990, un recours fût formé devant la Cour Suprême, laquelle devait réaffirmer, le 11 juin, sa position initiale. Cette décision United States v. Eichman et l’arrêt Texas v. Johnson constituent aujourd’hui la doctrine officielle de la Cour Suprême sur la question.
De nombreux États n’ont pas encore procédé au retrait des lois sanctionnant l’outrage à drapeau et au niveau fédéral, de nombreuses propositions législatives ont été faites afin d’interdire les atteintes physiques portées au drapeau. Malgré le refus opposé par le Sénat en 1991, en 1995 et en 1997 à toute modification législative en ce sens, certains conservateurs ont réintroduit le débat en janvier 2001. Suite aux événements du 11 septembre, ce débat a pris en ampleur mais aucun texte n’a pour le moment été voté, malgré de nouvelles propositions formulées au début de cette année 2003.
Il y a cependant peu de chances que l’outrage au drapeau fasse l’objet de poursuites. Tout d’abord cela constituerait la première atteinte au Bill of Rights depuis 1791. De plus, le juge Anthony Scalia, pressenti pour reprendre la présidence de la Cour Suprême est l’un des plus farouches défenseurs du Premier Amendement. Enfin, une forte opposition s’est constituée contre ces projets rassemblant notamment la très puissante American Civil Liberties Union, d’anciens vétérans ou des personnalités du monde politique .
Les États-Unis sont donc dans une situation particulière : le Flag Protection Act ainsi que de nombreuses lois étatiques sanctionnant l’outrage au drapeau n’ont pas été retirées de l’arsenal législatif . Mais elles ne peuvent servir de fondement à une quelconque poursuite puisqu’elles sont inconstitutionnelles.