L’origine des sceaux est très ancienne, puisqu’on les rencontre déjà en Mésopotamie plusieurs millénaires avant notre ère. A l’époque, le sceau sert aussi bien de sceau de clôture (pour fermer des jarres, des paniers) que de sceau de validation, tendant à affirmer la véracité des actes juridiques.
Utilisé par la suite à Rome, le sceau est tout naturellement repris par les souverains mérovingiens, probablement dès le VIe siècle. A cette époque, le sceau ou cachet (les rois mérovingiens scellaient à l’aide d’un anneau sigillaire dont on a retrouvé plusieurs exemples) sert à garantir l’intégrité et la provenance de l’écrit. A partir de la fin du VIIe siècle, le sceau des souverains devient un signe de validation, qui légalise les actes, leur donne force probante, et sans lequel ceux-ci ne peuvent être considérés comme authentiques. Le sceau devient une preuve.
Droit régalien jusque vers le milieu du Xe siècle, l’apposition du sceau pour authentifier un acte se répand progressivement dans toutes les couches de la société. Réservé aux chancelleries ecclésiastiques tout d’abord, le sceau est ensuite utilisé par les grands seigneurs (par exemple, les comtes de Flandre dès 1050). De même que son usage gagne peu à peu toutes les couches de la société, il glisse du Nord vers le Sud, les régions méridionales l’ayant adopté plus tardivement. On l’utilise aussi de plus en plus pour les affaires privées. Les femmes ont scellé aussi, assez tôt, dès 1002 pour la reine Cunégonde dans l’Empire, vers 1100 pour la première fois en France, avec la comtesse de Flandre Clémence de Bourgogne, puis peu après la reine de France Bertrade de Montfort.
Au début du XIVe siècle, tout le monde peut posséder un sceau, les institutions comme les villes, mais aussi les corporations, les corps de métiers, les abbayes, les universités, etc. Au XVe siècle, le sceau entre en décadence, à cause de l’expansion de la signature autographe et de l’acte notarié. Cependant, il ne disparaît pas tout à fait. Les rois, les princes, les hautes autorités ecclésiastiques continuent à sceller les actes publics particulièrement importants. Le sceau contribue alors à la solennité de l’acte et lui donne la publicité nécessaire.
A la fin du XVIIIe siècle encore, le chancelier de France – ou en cas de disgrâce du chancelier, le garde des Sceaux – présidait au scellement des lettres patentes au cours d’une séance bimensuelle : les actes scellés étaient des actes de portée générale et certains actes individuels (notamment les anoblissements, provisions d’offices, lettres de grâce en matière criminelle). Cette séance se tenait à l’hôtel de la chancellerie, place Vendôme.
Depuis la Révolution, l’apposition du sceau sur les lois ne constitue pas une formalité nécessaire à leur validité. Cependant, si le scellement ne constitue pas une nécessité pour donner validité aux textes législatifs, l’arrêté du 8 septembre 1848 prescrivant le scellement des lois, et fixant la forme du sceau de la République, n’a pas été abrogé. De fait, après un abandon quasiment complet sous la IIIe République et total sous le régime de Vichy, un certain nombre de textes législatifs ont fait l’objet d’un scellement sous les IVe et Ve Républiques.
L’usage du sceau, préservé jusqu’à la fin du règne de Louis XVI, disparaît presque entièrement avec l’avènement de la Convention, sauf pour les constitutions. La constitution de 1793, par exemple, est scellée de cire rouge sur lacs tricolores. Le formalisme adopté rompt avec celui de l’Ancien Régime, l’usage étant, au sein de la chancellerie royale, d’utiliser la cire verte – ou jaune – pour les actes à valeur perpétuelle, le sceau étant apposé sur des lacs de soie verte et rouge.
L’Empire rétablit l’usage du sceau, du moins en droit. Le sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII dispose que « l’empereur fait sceller et promulguer les sénatus-consultes, les actes du Sénat et les lois » (art. 137). En pratique, l’usage de sceller les lois est resté très marginal sous Napoléon Ier. Il est redevenu important sous la Restauration, tant l’usage du sceau rappelait l’Ancien Régime. L’ordonnance royale du 15 juillet 1814 crée la Commission du Sceau, chargée du scellement des lois et ordonnances, des majorats et des actes de « juridiction gracieuse » : lettres patentes délivrées pour les naturalisations, autorisations de servir à l’étranger ou de se faire naturaliser étranger, dispenses pour mariage.
L’usage du scellement s’est peu à peu circonscrit à un nombre de plus en plus réduit de documents. Jusqu’en 1870, lois, ordonnances et traités sont scellés. La IIIe République maintient cet usage pour les traités et certains textes constitutionnels. À partir de 1923, l’usage du sceau est complètement abandonné. La loi constitutionnelle de 1926 n’est pas scellée.
Le XIXe siècle a constitué une période de conservation de la forme ancienne des documents, même si la matrice des sceaux a nettement varié selon les régimes politiques successifs.
C’est sous la IIe République que la forme actuelle du sceau de l’État s’est fixée. L’arrêté du 8 septembre 1848 dispose que le sceau de l’État portera d’un côté, pour type, la figure de la liberté et pour légende « au nom du peuple français », de l’autre côté une couronne de chêne et d’olivier, liée par une gerbe de blé ; au milieu de la couronne « République française, Démocratique, une et indivisible » et pour légende « Liberté, Egalité, Fraternité ». Ces prescriptions n’ont pas été rigoureusement observées par Barré, qui a inversé les légendes du recto et du verso et ajouté une grappe de raisin à la gerbe de blé. Le sceau de la IIe République a été réutilisé par les régimes républicains qui ont suivi, moyennant l’effacement de la date originale sur la matrice.
Le meuble supportant la presse à sceaux utilisée depuis l’Empire a été commandé par Cambacérès en 1810.
Utilisé en 1946, puis deux fois au tout début de la Ve République, le scellement devient beaucoup plus rare de 1963 à 1991, période où seules deux lois – ordinaires, mais de grande importance symbolique – ont fait l’objet d’un tel traitement. Depuis 1992, le rythme des cérémonies s’est de nouveau accru : les modifications constitutionnelles intervenues depuis lors ont assez souvent fait l’objet d’un scellement.
La date de la cérémonie, jusqu’en 1964 très proche de la date du vote de la loi, a par la suite été très nettement dissociée du vote et de la publication du texte. Un cas extrême est constitué par la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes, scellée le 8 mars 2002.
La Constitution de 1946 a fait l’objet d’un scellement selon des modalités inhabituelles : la cire rouge a été utilisée pour des raisons purement matérielles. Par la suite, la couleur du sceau, d’abord jaune, conformément à l’usage du XIXe siècle, est verte depuis 2002.
L’organisation technique de la cérémonie, en particulier pour ce qui a trait au fonctionnement de la presse à sceller, est confiée depuis 1946 à l’atelier de restauration des sceaux des Archives nationales.
Les textes constitutionnels scellés sont conservés au Musée de l’histoire de France, aux Archives nationales. Une sélection de textes est présentée en fac-simile dans la salle des sceaux du ministère de la Justice.
Textes scellés depuis 1946
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