La symbolique des audiences solennelles
Prestation de serment, installation et costume des magistrats
L'audience solennelle est une cérémonie dont les codes et les usages sont établis de longue date. Elle marque le début de la carrière professionnelle des magistrats et représente donc un moment symbolique chargé d'émotion. Retour sur l'histoire de la prestation de serment, de l'installation et du costume d'audience des magistrats.

La prestation de serment du magistrat
Bien au-delà d'une simple formalité, la prestation de serment de magistrat est un évènement marquant dans la carrière d'un magistrat.
Préalablement à sa prise de fonctions, chaque magistrat doit prêter serment. Elle n'a lieu qu'une fois dans sa carrière même si, en 2001, une proposition de loi préconisait qu'un serment soit prêté à chaque nouvelle affectation. Cette cérémonie marque ainsi la fin de la période de formation.
Les auditeurs de justice y prêtent le serment prévu par l'article 6 de l'ordonnance de 1958 portant statut de la magistrature :

Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat.

Cette tradition remontant à 1254 pour les magistrats du siège et à une ordonnance de Philippe le Bel de 1303 pour les magistrats du parquet représente l'engagement de remplir leurs missions de manière exemplaire et de respecter en tout temps les règles morales et juridiques.
L'installation du magistrat dans ses fonctions
La prise de fonction d'un magistrat intervient non seulement après la publication de son décret de nomination au Journal Officiel, mais aussi après l'accomplissement d'une formalité : l'installation. Prévue par l'article 7 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, l'installation a lieu lors d'une audience solennelle de la juridiction au sein de laquelle le magistrat exercera ses fonctions.
Selon Antoine Garapon, magistrat secrétaire général auprès de l'Institutdes Hautes Etudes sur la Justice, cette cérémonie a tout du rite d'initiation : « L'impétrant est tout d'abord enfermé dans une petite pièce sombre, généralement la salle des témoins. Le président et le procureur désignent alors chacun un membre pour aller le chercher et le conduire à la barre, à laquelle l'impétrant reste seul pour écouter la lecture de son arrêté de nomination donné par le greffier. Il est ensuite invité par le chef de juridiction à rejoindre sa place à coté du président ou du procureur ».
Semblable au rituel initiatique du clergé ou de la chevalerie, cette cérémonie voit donc le nouvel arrivant d'abord isolé puis conduit dans la salle d'audience par deux de ses futurs collègues, un magistrat du siège et un du parquet. L'intéressé prend d'abord place face à la juridiction pour entendre la lecture du décret de nomination du président de la République, puis il est présenté par le premier président ou le procureur général.
Le magistrat rejoint ensuite le siège qui lui est désigné aux côtés de ses pairs, il est enfin installé.
Le costume d'audience du magistrat
Comme pour toutes les audiences solennelles, les magistrats porteront leurs tenues d'apparat. Ces robes et accessoires ont traversé le temps au gré des évolutions historiques et des bouleversements politiques, se chargeant ainsi d'une symbolique forte. A l’occasion des audiences solennelles la robe noire ou rouge s’orne dune ceinture de soie (selon les juridictions bleues, noires ou rouges à franges d’or), de fourrure pour les plus hautes fonctions judiciaires, et s’accompagne d une toque galonnée selon la fonction ainsi que de gants blancs.
voir un article de la cour d'appel de Paris sur les costumes judiciaires
Jusqu'au XVIIe siècle, ces robes amples étaient portées au quotidien et à longueur de journée par les magistrats comme symbole du prestige de leur profession. Aujourd'hui elles permettent notamment de marquer la distance entre l'individualité des magistrats et la fonction qu'ils occupent. Tout le formalisme judiciaire répond à cet objectif mais témoigne de surcroît de l'importance des situations concrètes qui se jouent pour les différents protagonistes des audiences.
Des tentatives de réformes ont d'ailleurs échoué malgré de nombreux détracteurs.
Si Robert Badinter proposait de moderniser l'institution judiciaire et notamment ses costumes, pour Antoine Leca, professeur de droit à la faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille III, « en revêtant la robe, le professeur, le magistrat, l'avocat, se fait l'héritier d'un patrimoine historique immense. C'est porter sur lui, en lui, un titre d'héritage, qui renvoie à ce qu'il y a eu de plus grand dans la civilisation de l'Occident : l'attachement à la tradition et la prééminence du droit, irremplaçables piliers de la liberté ».
De même pour Alain Girardet, conseiller à la Cour de cassation : « aujourd'hui le costume judiciaire ne symbolise plus l'appartenance des magistrats à la justice royale. La robe est un symbole d'uniformité, d'égalité entre les trois magistrats qui composent le tribunal et de rappel à ceux-ci des devoirs de leurs charges. Symbole, la robe est signe d'intemporalité, d'universalité. La permanence du costume judiciaire représente la permanence de l'institution judiciaire et sa capacité à maintenir ses rites ».