20 juillet 2012

Les cent ans des tribunaux pour enfants

Le 22 juillet 1912, la France se dotait d'une Justice des mineurs

« Je travaillerai d’arrache-pied pour la prévention et pour l’éducation » : dès le 2 juin 2012, Christiane Taubira disait son attachement à une justice spécifique des mineurs, qui soit capable d’offrir des solutions diversifiées pour assumer les paris et les défis de l’ambition de l’éducation.

C'était au congrès annuel de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille.

Deux mois après sa nomination, la loi du 22 juillet 1912 créant les tribunaux pour enfants a cent ans.

 

Palais de Justice de Paris. Tribunal pour enfants - Photo : Dicom - Caroline Montagné

Le début du XXe siècle est marqué par la création, en France, des premiers tribunaux pour enfants. La loi du 22 juillet 1912, qui les instaure, ouvrira la voie à l'Ordonnance de 1945 puis à celle de 1958, qui inscriront durablement dans le droit les grands principes d'une Justice spécifique pour les enfants.

Pendant des siècles les enfants, lorsqu’ils étaient délinquants, ont été jugés comme des adultes. « Des adultes en miniatures », explique Jean-Jacques Yvorel, chercheur en histoire à la direction de la recherche de l’Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ), qui étaient punis par des peines elles aussi « miniatures » : les mêmes que les adultes, mais à la durée quelque peu allégée. A partir de la fin du XIXe siècle, un mouvement de réflexion qui traverse l’ensemble du monde occidental va mener à la création des « Juvenile Courts » aux Etats-Unis, de juridictions spécialisées en Europe et, en France, à la création des tribunaux pour enfants, par la loi du 22 juillet 1912. Jean-Jacques Yvorel revient sur les raisons et les circonstances de cette innovation :

 

 

Dans les esprits des promoteurs de la loi, il s’agit d’abord de définir des classes d’âges relatives aux enfants délinquants ou en danger. Ainsi, les moins de 13 ans ne sont pas condamnables à une peine ; les 13-16 ans bénéficient d’une excuse Illustrationatténuante de minorité ; les 16-18 ans sont condamnables et ne bénéficient pas de l’excuse atténuante de minorité. Ce découpage en trois âges de la vie traversera d’ailleurs le siècle, pour n’être modifié qu’en 2004, avec l’ajout de la catégorie pénale des 10-13 ans.

L’organisation de la Justice prend donc désormais en compte la particularité des enfants en Justice, et se dote d’une nouvelle juridiction dans le ressort du tribunal de grande instance. Les enfants, mineurs au moment des faits qui leur sont reprochés, sont jugés à huis-clos, des auxiliaires de justice apparaissent : les rapporteurs et délégués à la liberté surveillée notamment, sont là pour épauler le juge. Les mesures éducatives doivent désormais prévaloir sur l’enfermement, même si dans les faits ces dispositions sont difficilement mises en œuvre. S’appuyant sur des bénévoles, qui plus est sans formation, cette nouvelle loi votée en 1912 - mais applicable seulement à partir de 1914 - va se heurter à ses propres limites :

 

 

Après la Seconde guerre mondiale, les sociétés de patronage, les cercles d’intellectuels, les hauts-fonctionnaires et la classe politique repensent la Justice des enfants. L’ordonnance du 2 février 1945, dont la plupart des propositions étaient déjà en gestation dès l’entre-deux guerres, va améliorer la loi de 1912, lui donnant de réels moyens, à commencer par la création d’un juge spécialisé : le juge des enfants. La volonté de replacer l’éducatif au cœur du système judicaire pour mineurs est réaffirmée et réellement mise en œuvre. Avec une distinction sans concession : les mesures éducatives sont la règle, les peines restent l’exception. La campagne contre les bagnes d’enfants va achever d’ancrer ce nouvel état d’esprit traduit dans l’ordonnance. Une direction de l'Education surveillée est créée quelques mois plus tard au sein du ministère de la Justice (ordonnance du 1er septembre 1945).

 

Puis une seconde ordonnance, celle de 1958, viendra confirmer cette nouvelle orientation. Elle renforce la protection civile des mineurs en danger, refond la législation complexe et modernise ses dispositions en les regroupant en un seul texte. Elle renforce les attributions du juge pour enfants qui peut par exemple se saisir d’office et met l’accent sur la nécessité éducative en lui donnant davantage de moyens. Avec la mesure d’assistance éducative et les mesures de protection de l’enfance, elle prend plus encore en compte la notion d’enfance en danger :

 

 

 

 

Pour en savoir plus :

 

 

 

 Genèse et mutations de la Justice des mineurs – Colloque international

L’Association pour l’histoire de la protection judiciaire des mineurs, le Centre de recherches historiques de l’Ouest, l’Ecole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse, le Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, avec le soutien du centre d’études pluridisciplinaires canadiennes de l’Université d’Angers, du Conservatoire national des archives de l’histoire de l’éducation spécialisée et de l’action sociale et l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille organisent

du 10 au 12 avril 2013 à l’Université d’Angers
 

un colloque international sur la genèse et les mutations de la Justice des mineurs.

Au-delà du tournant du XXème siècle, seront abordées la mise en œuvre et les évolutions des législations adoptées dans la plupart des pays occidentaux dès la fin du XIXe siècle.

 

 

 

 
 
  

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