Histoire et architecture du palais de justice de Toulouse
Série « Patrimoine des juridictions » - Publication n°3
En mars 2008, le nouveau palais de justice de Toulouse ouvrait au public. Focus sur ce lieu ancré dans le présent et témoin de mille ans de justice.
Focus sur cette juridiction et son histoire.
Une histoire rythmée par les reconstructions
S’appuyant contre le rempart romain du IV siècle, les comtes de Toulouse érigèrent au XI siècle, une imposante forteresse, le château narbonnais, destinée à défendre l’entrée sud de Toulouse.
Lorsqu’à la signature du traité de Meaux en 1229, le comté de Toulouse perdit son indépendance et rejoignit le domaine royal, le château narbonnais devint le « palatio regali castri narbonansi », le palais du roi et de la justice.
Sur le modèle du Parlement de Paris, Charles VII décida de créer en 1443, par l’édit de Saumur, le Parlement de Toulouse. Ce fût alors le premier parlement de province.
Le Parlement de Toulouse siégea pour la première fois, le 4 juin 1444, dans « la salle neuve » puis déménagea dans la « Grand’Chambre », une fois celle-ci achevée en 1492.
Compte tenu de l’état très dégradé du château narbonnais, Henri II ordonna en 1549 la démolition de la partie ancienne de cet édifice médiéval. Mais ni l’architecte Nicolas Bachelier, qui devait le reconstruire dans le style Rennaissance, ni son successeur n’achevèrent le projet. Aussi, à compter de 1576, l’espace libéré par la démolition du château fut occupé par des boutiquiers et le parlement se développa de façon anarchique au milieu de ce quartier commerçant.
Face à un tel constat, l’ingénieur François Garipuy présenta en 1778 aux Etats du Languedoc un plan de reconstruction, qui ne prospéra pas en raison de son coût élevé.
C’est finalement au cours de la première partie du XIX siècle que sera confié à Jean-Pierre Laffon, architecte départemental, la mise en œuvre d’un projet de restauration et d’agrandissement du Palais de justice de Toulouse, qui concernait à la fois la cour d’appel, la cour d’assises et le tribunal de première instance.
Les travaux d’extension nécessaires et la volonté de rendre la justice dans de meilleures conditions ont conduit à élaborer un plan de restructuration en 1994. Au bout de treize ans de travaux, le nouveau palais de justice a ouvert ses portes en mars 2008.
Un mélange de styles et d’époques entre passé et présent
Le nouveau bâtiment présente deux grandes façades en verre et en brique rouge, couleur emblématique toulousaine, qui forment un angle occupé par un imposant cylindre, abritant en son sein des salles d’audiences.

En pénétrant dans la salle des pas perdus, le visiteur découvre, sous un plafond de verre, un mélange subtil entre l’ancien et le moderne où se mêlent arcades gothiques et colonnes de béton.
Par cette construction, Pascal Prunet, architecte en chef des Monuments historiques, a eu le souci d'exprimer "la transparence" et la "permanence" de la justice. Il a ainsi placé la « Grand’Chambre », aujourd’hui la première chambre de la cour d’appel, au centre de l’ensemble immobilier. Le plafond de cette salle est orné de 187 caissons finement décorés de fleurs de lys et de solives aux flancs habillés de motifs figurés inscrits en jaune.
Les décors du « salon doré » et du « salon d’Hercule » témoignent également du riche passé de ces lieux.
Mais c’est au sous-sol, que se dressent les vestiges les plus anciens du palais avec une partie du Château narbonnais et l’une des tours romaines. Découverts en 2005, ils ont été mis en valeur dans une crypte de 600 m2 accessible au public.
Jean-Louis Bec, avocat général et magistrat délégué à l’équipement, témoigne de l’architecture du palais « trait d’union entre l’histoire et la modernité ».
« […] Pièce maîtresse du nouveau palais de justice, la salle des pas perdus s’avère très symbolique.
Marquée d’une certaine solennité, elle exprime tout à la fois la transparence de l’institution judiciaire, ouverte sur la Cité, et l’ancrage du projet dans l’histoire de la ville de Toulouse. […] Englobant les contreforts du XV° siècle de la Grand’Chambre avec ses cinq grandes fenêtres à ogives, cette salle monumentale constitue un extraordinaire trait d’union entre l’ancien Parlement et le Palais de justice du XXI° siècle. Le béton, l’acier et le verre répondent harmonieusement à la brique toulousaine et aux enduits colorés des bâtiments anciens.
Le visiteur qui pénètre dans le palais de justice ne peut qu’être saisi par la luminosité de cet espace, d’ordre, de calme et de sérénité, point de rencontre apaisé des conflits et du tumulte extérieur. […] S’il doit exister un rapport étroit entre l’exercice d’une des principales fonctions régaliennes relevant de la puissance publique et le lieu de son exercice, l’architecture du nouveau palais doit être montrée en exemple.
La Justice a évolué, son architecture en a fait de même, quelques fois avec beaucoup moins de bonheur qu’à Toulouse. A ses fonctions traditionnelles se sont ajoutées de multiples et nouvelles missions d’assistance, d’éducation, d’accueil.
Par souci de rationalité, les bâtiments judiciaires n’auraient-ils pas quelques fois perdu de leur grandeur d’antan… ?
L’architecture du Palais de Justice de Toulouse parvient à exprimer tout à la fois la transparence de la Justice de la République, son accessibilité à tous les justiciables, l’ouverture sur la Cité, et la majesté dont elle n’est pas dépourvue, traduit la prééminence du droit dans une société qui en réclame sans cesse davantage. Enraciné dans un lointain passé, ouvert sur la justice de demain, le nouveau palais rappelle ainsi que depuis plus de 1000 ans la justice continue à être rendue, à Toulouse, en ces mêmes lieux. […] »
Extrait de Petites et grandes histoires de la construction du palais de justice de Toulouse, La documentation française, collection Histoire de la justice, 2012.