Les grands hommes qui ont marqué l'Histoire de la Justice
D'Aguesseau, Cambacéres, Portalis, Carbonnier. Ces hommes ont tous contribué à écrire la Justice d'aujourd'hui. Portraits de ces 4 personnalités emblématiques, à l'occasion des 27èmes Journées européennes du patrimoine organisées cette année sur le thème des grands hommes.
Henri-François d’Aguesseau : le premier Chancelier à s’installer à l’hôtel de Bourvallais
Avocat général au parlement de Paris à 22 ans, Procureur général à 32 ans, Chancelier et Garde des Sceaux à 48, Henri-François d’Aguesseau (1668-1751) connaît une ascension rapide.

Il est le premier Chancelier à s’installer à l’hôtel de Bourvallais en 1717. Il a un rôle limité en matière législative : le pouvoir royal devant faire face aux Cours provinciales. Il est également chargé de la gestion des magistrats.
Après plusieurs exils à Fresnes, il s’y retire définitivement en 1751 pour y finir ses jours. Il dira que ces exils ont été « les plus beaux jours de sa vie ».
Lors de son premier exil, il rédige quelques deux cents mémoires sur l’unification des coutumes en matière civile. Ils aboutissent à de nombreux textes qui auront, quelques décennies plus tard, une influence sur les auteurs du code civil : réforme sur les donations en 1731, sur les testaments en 1735, sur les incapacités en 1736
On lui doit de nombreux aphorismes passés à la postérité :
« La Justice qui se fait attendre est une injustice »
« L’homme n’est jamais plus libre que lorsqu’il assujettit ses passions à la raison, et sa raison à la justice »
Jean-Etienne-Marie Portalis : l’éloquence au service de la Justice
Rédacteur du Code civil, père du Concordat, Jean-Etienne-Marie Portalis (1746-1807) est l’artisan de plusieurs des grands textes juridiques de son temps.
Né au Beausset dans le Var, il est reçu avocat et débute au barreau d’Aix-en Provence dès 1765. Il s’y fait très tôt remarquer par la simplicité et la clarté de son éloquence, en rupture complète avec l’emphase qui était alors de mise.
Hostile aux excès de la Révolution, il se tient relativement écarté des affaires politiques durant cette période. Elu par la suite député de la Seine au Conseil des Anciens, il prend la défense des prêtres et des émigrés et s’oppose à une résolution relative aux délits de presse.
Remarqué par Napoléon qui voit en lui « l’orateur le plus élégant et le plus fleuri » de son temps, il est nommé commissaire du gouvernement puis entre au Conseil d’Etat en 1800. Il participe alors activement à l’élaboration du code civil. On lui doit notamment le discours préliminaire au projet de code ainsi que les exposés des motifs des parties relatives au Mariage et à la Propriété.
Juriste éminent autant qu’homme de lettres, spécialiste des questions religieuses et auteur de plusieurs essais philosophiques, cet authentique fils des Lumières repose au Panthéon.
Jean-Jacques Régis de Cambacérés : maître d'oeuvre du code civil de 1804
Sa vie durant, Jean-Jacques Régis de Cambacérés (1753 – 1824) occupe les plus hautes fonctions. Après des études de droit à Montpellier et un diplôme d'avocat, il reprend la charge de son père et devient conseiller à la Cour des comptes de la ville.
Fervent défenseur de l'esprit des Lumières, il déplore que Louis XVI ne dispose pas, lors de son procès, des moyens nécessaires pour assurer sa défense. A la question, "Louis Capet, ci-devant Roi des Français, est-il coupable de conspiration contre la liberté et d'attentat contre la sûreté de l'État ?", il répond, malgré tout, par l'affirmative.
Quelques années plus tard, il s'engage auprès de Napoléon Bonaparte dont il devient ministre de la Justice en 1799. En 1804, lors de la proclamation de l'Empire, il est nommé Archichancelier.
Jean-Jacques Régis de Cambacérés est resté dans les mémoires comme le rédacteur du code civil et comme un homme de progrès, de tolérance et d'ouverture. Un homme attaché à l'indépendance du pouvoir judiciaire et à la prévention plutôt qu'à la sanction. Un homme conscient de la nécessité d'accélérer le fonctionnement de la Justice et de préserver la dignité des magistrats.
Jean Carbonnier : l'artisan d'une nouvelle approche du droit
Professeur de droit, sociologue, philosophe, moraliste... Jean Carbonnier (1908 – 2003) n'est jamais resté dans les sentiers battus. Né à Libourne (Gironde), fils d'un négociant en vin, il apprend très tôt l'allemand, l'anglais, l'espagnol, le latin, le grec, l'hébreu et l'arabe littéraire. Une ouverture et une curiosité qui ne le quitteront jamais.
Après un doctorat en droit civil à Bordeaux, il devient enseignant à Poitiers puis à Paris où il fonde, en 1968, le laboratoire de sociologie juridique. Une nouvelle discipline est née : la sociologie juridique.
Théoricien pragmatique, humaniste profond et éclairé, il pose la question des normes et des rapports entre les normes sociales, morales et juridiques. Il souhaite convaincre les juristes de la nécessité de s'ouvrir aux autres disciplines.
Observateur attentif de l'évolution des moeurs et des transformations de la société, il oeuvre également de façon magistrale à la rénovation de notre droit de la famille et à sa libéralisation. Il participe à la rédaction de nombreux projets de loi : réforme des majeurs protégés en 1968, de la filiation en 1972, du divorce en 1975, des successions en 2001...
Il est l'auteur de nombreux ouvrages. Le plus célèbre, son Manuel de droit civil publié en 1955, actualisé et enrichi par l'auteur jusqu'en 2002, contribue de façon décisive à la rénovation des études juridiques. Il reste un ouvrage de référence pour tous les étudiants en droit.
En savoir plus :
- Portrait sonore de Jean-Etienne-Marie Portalis
- Portalis, étudiant en droit
- Portalis, avocat
- Portalis et le code civil
- Portrait sonore de Jean Carbonnier