S comme street art
Le statut juridique du street art en France
De nombreuses interrogations sont régulièrement soulevées quant au statut juridique de l’art urbain. Comment estimer qu’une œuvre d’art urbaine puisse être légale ou au contraire illicite ? Reconnu comme un véritable mouvement artistique, beaucoup souhaitent le défendre et l’encourager.
L’art urbain est un mouvement artistique contemporain. Il s'apparente à toute œuvre d’art produite dans un espace public, généralement de façon spontanée, tels que les graffitis sauvages sur les murs des immeubles ou les créations du célèbre artiste Banksy. Aucun cadre juridique ne lui est spécifiquement dédié. Pas même la règlementation sur l'affichage urbain et son célèbre « défense d'afficher, loi du 29 juillet 1881 ». Protégé par la liberté d'expression ou la propriété intellectuelle, cet art au sens « street » est pourtant pénalement répréhensible.

Art urbain et liberté d’expression
Les œuvres d’art urbain sont généralement de véritables terrains d’expression au-delà de leur caractère esthétique. L'artiste Banksy utilise cette forme d'art pour dénoncer l’inhumanité dans le monde entier, tout comme Invader qui agit contre l’invasion du numérique dans nos vies. Leurs œuvres sont indissociables du droit à la liberté d’expression garanti par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Liberté fondamentale en France, tout individu a le droit de répandre ses idées « par quelque moyen d'expression que ce soit ». L’artiste pourrait donc s’exprimer sans se voir inquiéter pour ses œuvres.
Néanmoins, tout n’est pas permis : message à caractère xénophobe, pornographique, diffamatoire, ou pouvant porter atteinte à la dignité humaine. Au regard de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, tout « abus de cette liberté » doit être sanctionné.
Art urbain et propriété intellectuelle
Une œuvre d’art appartient à son artiste. Le simple fait qu’elle soit publique ne change rien à ce principe. Selon l’article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle, le droit d’auteur s’applique à « toutes œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ». Conformément à cette définition, les auteurs d’œuvres d'art urbain bénéficient de toutes les protections induites concernant les droits moraux et patrimoniaux.
Il est important de préciser que ces règles s’appliquent aussi à l'artiste, il doit les respecter pour réaliser son œuvre. Par exemple, il ne peut pas reprendre un dessin de « Superman » si les détenteurs des droits ne l’y ont pas autorisé. Si tel est le cas, il pourra être poursuivi, ou même voir son œuvre détruite. Avant de laisser parler sa créativité, l’artiste doit donc s’assurer qu’il rentre dans le cadre légal.
Art urbain et respect du Code pénal
L’un des derniers problèmes récurrents de l’art urbain est l’illégalité de l’emplacement d’une œuvre. Si la majorité des artistes demandent des autorisations aux propriétaires et sont même souvent encouragés par les municipalités dans leur création, il existe pourtant de nombreux débordements. C’est le cas des graffitis et des tags illégaux.
Selon l’article 322-1 du Code pénal, « la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui » doit être réprimée, tout comme « le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain ». La SNCF a par exemple fait condamner l’artiste Monsieur Chat en 2016 pour un dessin éphémère qu’il avait dessiné dans une gare. La limite de la légalité avait été ici franchie puisqu’il n’avait obtenu aucun accord de l’entreprise.
Les limites de l’art urbain sont donc nombreuses et plurielles. Mais aujourd’hui, l’art urbain est un art reconnu. Certaines œuvres deviennent de véritables attractions populaires, conduisant à un tourisme spécifique via des parcours dans certaines municipalités.
Mais aujourd'hui, le « street » art doit s'intégrer juridiquement au risque, peut-être, d'une perte de sens.
Céline Gentilhomme
M2/Institut Français de Presse