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L'histoire des mots de la justice

« Juridiction », « tribunal », « chancellerie », « sceaux », « garde des Sceaux » : ces mots entrés dans le langage courant n’ont pas toujours eu le sens qu’on leur connaît aujourd’hui. Leur étymologie et leur évolution reflètent les transformations de la justice à travers l'histoire.

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Juridiction

Le terme « juridiction » renvoie à la fois au pouvoir de juger, à l’étendue de ce pouvoir et à la compétence territoriale de l’autorité judiciaire.

Historiquement, la juridiction correspond au pouvoir d’énoncer et de rendre la justice. Elle conserve ce sens pendant tout le Moyen Âge jusqu'à la Révolution française.

La justice royale est déléguée à des juridictions. Celles-ci se constituent selon un critère de compétence et de spécialisation entre juridictions royales, seigneuriales et ecclésiastiques. Cette division provoque cependant des conflits de juridictions qui affaiblissent le pouvoir du roi.

À partir du XIIIe siècle, la réforme du droit rétablit l’autorité du souverain sur ces différentes formes de justice. Elle fait également du tribunal royal une instance d'appel pour les juridictions seigneuriales, puis ecclésiastiques. Pour la première fois, une hiérarchie est introduite entre les différents degrés de juridictions.

Dès lors, celles-ci se structurent selon leurs domaines de compétence : juridictions ordinaires organisées par matière (civile ou criminelle) et juridictions extraordinaires dédiées à certains secteurs, comme les juridictions de l'amirauté ou les juridictions consulaires.

Aujourd’hui, le terme juridiction désigne à la fois un tribunal ou une cour et l'étendue territoriale de sa compétence.

Tribunal

Le sens du terme « tribunal » a beaucoup évolué. Il trouve son origine dans l’antiquité romaine et désigne l’estrade où siègent les magistrats ou tribuns.

Le terme est également utilisé pour nommer le personnel judiciaire à l’audience. Il est parfois assorti d’une connotation ou d’un jugement moral. On parle de « tribunal de la conscience » ou de « tribunal de l’histoire » par exemple.

Mais à aucun moment, du Moyen Âge à la Révolution, il ne désigne un lieu de justice. La justice est rendue dans des lieux officiels rattachés aux juridictions et appelés « chambres auditoriales ».

L’usage du terme « tribunal » se généralise pendant la Révolution française, avec la création du Tribunal de cassation, en 1790 (ancêtre de la Cour de cassation) puis du Tribunal révolutionnaire (chambre criminelle éphémère créée en 1792).

Son emploi pour désigner un bâtiment date des XIXe et XXe siècles. Avec la construction de palais de justice dédiés, il devient le lieu où le droit est rendu.

Chancellerie

La fonction de chancelier est très ancienne. Dans l’empire romain, elle est occupée par des greffiers qui élaborent les lois et préparent le droit, puis, au Moyen Âge, par les clercs et notaires du roi qui authentifient ses écrits.

L’office de chancelier de France est créé sous l’Ancien Régime par les premiers rois capétiens. Premier officier de la couronne, le chancelier de France est le chef de l’administration judiciaire. À ce titre, il préside les différents conseils et cours de justice du royaume. Il rédige et diffuse les différents textes de lois et veille à leur application.

Le chancelier de France est nommé à vie. Il est également, en théorie, garde des Sceaux. Mais plusieurs chanceliers se sont vus retirer les sceaux, confiés à un garde des Sceaux, révocable par le roi.

En 1718, le chancelier s’installe place Vendôme, à l’hôtel de Bourvallais, siège actuel du ministère de la Justice. Aujourd’hui, on y trouve notamment le bureau du garde des Sceaux, ministre de la Justice.

L’office de chancelier de France est supprimé en 1790. Le chancelier est remplacé en 1791 par un garde des Sceaux, ministre de la Justice.

Pour désigner les services centraux du ministère de la Justice, on utilise aujourd’hui le terme « chancellerie » en référence à l'ancien office de chancelier de France. Si le ministre n'est plus chancelier, il en conserve la plupart des attributions.

Sceaux

Marques distinctives et signes d'autorité, les sceaux sont employés pendant des siècles par les particuliers et les instances du pouvoir civil ou religieux. L’authentification des écrits royaux par un sceau est déjà pratiquée par les Carolingiens.

Avec la Révolution française, on passe d’un sceau de majesté représentant le souverain et utilisé durant son règne à un sceau impersonnel représentant la République, plus durable. Le Grand Sceau de France est l'œuvre du graveur des monnaies, Jean-Jacques Barré. Toujours en usage, il a été frappé en 1848 pour la IIe République.

Garde des sceaux

Le titre de garde des Sceaux remonte aux origines de la monarchie française. Il désignait l’officier de la couronne chargé de la conservation des sceaux et de leur apposition sur les documents officiels, permettant ainsi leur authentification. La tradition a traversé les siècles.

Le ministre de la Justice porte également le titre officiel de « garde des Sceaux, ministre de la Justice » et conserve dans son bureau, la presse servant à établir le sceau officiel de la République.

Bien qu’il n’ait plus qu’un rôle symbolique, le Sceau de France peut encore être apposé par le ministre de la Justice en de rares occasions particulièrement solennelles, notamment en cas de modification de la Constitution.