Interview de Pascal Guichard, vice-président chargé de l'instruction à la JIRS de Marseille
Les JIRS sont peu connu du grand public. Pascal Guichard, vice-président chargé de l'instruction à la JIRS de Marseille détaille son fonctionnement lors d'une émission de Canal Thémis, la radio en ligne de la Justice.
En tant que magistrat qu'est-ce qui vous a amené à choisir une JIRS ?
J'étais déjà chargé de la délinquance organisée à Marseille et avec l'entrée en vigueur de la loi PERBEN II, j'ai naturellement demandé à être habilité en matière de juridiction interrégionale spécialisée.
Quel est le rôle d'une JIRS ?
Les JIRS traitent des dossiers de délinquance organisée au niveau interrégional. Elles sont chargées des plus gros dossiers de délinquance et de criminalité organisées aussi bien en matière générale qu'économique et financière.
Et de quels moyens disposez-vous pour mener cette procédure ?
Nous disposons de tous les moyens qui sont prévus par le code de procédure pénale. C'est-à-dire les moyens généraux dont disposent tous les juges d'instruction avec, en plus, des possibilités - notamment l'infiltration et la sonorisation - dans des domaines très spécifiques.
Quand on parle de sonorisation à quoi cela correspond-il exactement ?
La sonorisation consiste à sonoriser comme son nom l'indique, une pièce, un véhicule ou tout lieu afin de saisir des conversations entre des individus qu'on recherche ou dont on souhaite connaître le contenu.
La JIRS est donc composée d'un pôle d'instruction et d'un Parquet spécifique. Qui rend les jugements instruits par la JIRS ?
C'est une juridiction correctionnelle ou éventuellement une cour d'assises. La juridiction correctionnelle est une juridiction spécialisée puisque là encore les magistrats qui jugent les affaires sont des spécialistes et qu'ils ont été sensibilisés à la matière de la criminalité organisée.
On connaît les pôles économiques et financiers présents dans quasiment chaque TGI. Quelle est la répartition des compétences entre une JIRS et un pôle économique et financier ?
La distinction doit s'opérer entre les dossiers de grande complexité et les dossiers de très grande complexité. On peut considérer que la très grande complexité résulte du caractère international du dossier, de la multiplicité des parties en cause dans le dossier et pourquoi pas du nombre des victimes des infractions qui sont reprochées.
Vous travaillez donc sur Marseille, quelles sont les spécificités de la grande criminalité sur ce ressort ?
Marseille est connu pour avoir une activité "délinquantielle" assez constante depuis toujours. Historiquement elle justifie le travail des juridictions interrégionales spécialisées mais également d'autres magistrats spécialisés en matière de délinquance organisée puisque outre les quatre Vice-présidents que nous sommes à traiter le contentieux de la JIRS, il y a également trois autres magistrats en section délinquance organisée à Marseille.
Combien de magistrats et fonctionnaires travaillent à la JIRS de Marseille ?
Elle occupe des magistrats dont quatre spécialisés en délinquance organisée et deux en matière de délinquance économique et financière, autant de greffiers pour le siège, autant de magistrats au Parquet ainsi que des assistants spécialisés qui peuvent également nous aider dans nos tâches.
Qui sont ces assistants spécialisés, quels sont leurs profils ?
Nous avons un agent des douanes, un agent des impôts, un agent de la Banque de France, nous avons aussi un vétérinaire qui est plutôt dédié pour le pôle santé. Ces spécialistes peuvent nous aider utilement à mener nos investigations dans tous les domaines y compris douaniers ou en matière d'impôt, car ils peuvent nous permettre - et c'est là l'une des spécificités de la JIRS - de s'intéresser au patrimoine des délinquants. En effet, nous avons la possibilité de prendre des mesures conservatoires qui pourront conduire jusqu'à la saisie du patrimoine immobilier de ces auteurs de faits lorsqu'ils seront jugés.
Il y a probablement des problématiques transfrontalières importantes dans ces domaines, quelles sont les institutions avec lesquelles vous collaborez ?
On travaille, bien entendu, avec beaucoup de pays du bassin méditerranéen mais avec d'autres pays dans le monde. On travaille de façon traditionnelle au moyen de commissions rogatoires et nos interlocuteurs naturels sont les magistrats de liaison, les officiers de liaison et les institutions destinées à réguler les difficultés qu'on pourrait rencontrer - type Eurojust - dans l'hypothèse d'un dossier qui intéresserait plusieurs pays.
Les JIRS utilisent les nouvelles technologies, avec la visioconférence, ou certains logiciels spécifiques, est-ce que vous sentez, une culture "nouvelle technologie" plus importante au niveau des magistrats des JIRS ?
C'est indiscutable.
Les JIRS sont peu connues du grand public, comment l'expliquez-vous ?
La JIRS n'a pas vocation a être connue du grand public puisque elle s'intéresse quand même à un secteur d'activité très spécialisé qui est la criminalité organisée. Cette dernière est, en outre, aujourd'hui transfrontalière, les dossiers sont complexes et les victimes de ces dossiers ne sont pas forcément des personnes du grand public.
Quelles sont les perspectives des JIRS dans les années à venir ?
Je crois que nous allons continuer à travailler comme nous le faisons en renforçant le travail de groupe. A Marseille, cela existe déjà puisque nous avons développé une co-désignation systématique dans les dossiers dont nous sommes saisis.