Sommaire
:
I.
- LES OBJECTIFS DU PROGRAMME GOUVERNEMENTAL EN MATIERE
DE LUTTE CONTRE LES BRUITS DE VOISINAGE
II. - LES
MOYENS DE LA REALISATION DE CES OBJECTIFS
Textes sources
:
Loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la
lutte contre le bruit codifiée aux articles L. 571-1 à
L. 571-26 du code de l'environnement
Décret n° 95-408 du 18 avril 1995 relatif à la lutte
conte les bruits de voisinage codifié aux articles R. 1336-6
à R. 1336-10 du code de la santé publique
Art. L. 2212-2, L. 2122-34, L. 2215-1 et L. 2512-13 du code général
des collectivités territoriales
Les
nuisances sonores restent une préoccupation majeure des Français
selon les sondages d'opinion régulièrement effectués.
Ainsi, dans une enquête de l'INSEE sur la qualité de
la vie réalisée au mois d'octobre 2002, elles étaient
placées en tête par les ménages interrogés
dans les zones urbaines de plus de 50 000 habitants, devant le manque
de sécurité et la pollution.
Le dixième anniversaire de la loi du 31 décembre 1992
relative à la lutte contre le bruit a été l'occasion
de dresser un bilan de son application. Si le dispositif réglementaire
mis en place est globalement satisfaisant au regard des objectifs
initiaux de la loi, il est en revanche apparu des lacunes dans la
mise en oeuvre des contrôles et de la répression des
infractions prévues en la matière.
Il en est ainsi en particulier en matière de bruit de voisinage.
La lutte contre les comportements anormalement bruyants répond
en effet à une très forte demande sociale. Leurs répercussions
sur la santé de nos concitoyens et les troubles divers qu'ils
engendrent requièrent une plus grande mobilisation des pouvoirs
publics contre ce genre de nuisances, qui constitue moins un désagrément
individuel qu'une menace pour l'ensemble de la population.
C'est pourquoi, le plan gouvernemental de lutte contre le bruit, élaboré
à l'issue d'une concertation interministérielle et annoncé
par la ministre de l'écologie et du développement durable,
met l'accent dans ce domaine d'une part sur le renforcement nécessaire
des contrôles et des verbalisations et d'autre part sur un développement
des réponses pénales apportées aux infractions
constatées.
I.
- LES OBJECTIFS DU PROGRAMME GOUVERNEMENTAL EN MATIERE DE LUTTE CONTRE
LES BRUITS DE VOISINAGE
1.
Le contrôle et la verbalisation des infractions
1° Rappel concernant les incriminations existantes et les agents
investis de prérogatives de police judiciaire.
a) Les infractions liées aux nuisances sonores.
Les infractions de bruits de voisinage sont prévues et réprimées
par les articles R. 1336-6 à R. 1336-10 du code de la santé
publique (anciens articles R. 48-1 à R. 48-5 recodifiés par
le décret n° 2003-461 du 21 mai 2003).
Elles comprennent les bruits :
-
dits " de comportement " ou " domestiques ", c'est-à-dire
les bruits générés, " dans un lieu public
ou privé, par soi-même ou par l'intermédiaire
d'autrui ou d'une chose dont on a la garde ou d'un animal placé
sous sa responsabilité ... de nature à porter atteinte à la
tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme par
sa durée, sa répétition ou son
intensité " ;
- d'activité, dont l'origine se trouve dans " une activité
professionnelle ou une activité culturelle, sportive ou de
loisir organisée de façon habituelle ou soumise à
autorisation ", dès lors que leur niveau sonore excède
le seuil d'émergence réglementaire autorisé ;
- de chantier, produits à l'occasion de travaux publics ou
privés, sur les bâtiments et leurs équipements,
qui portent atteinte à la tranquillité du voisinage ou à
la santé de l'homme en raison d'une violation des conditions
d'utilisation ou d'exploitation des matériels et équipements
fixées par les autorités compétentes, ou d'un
défaut de précautions appropriées pour limiter
l'émission de bruit, ou encore d'un comportement anormalement
bruyant.
La qualification de tapages injurieux ou nocturnes, prévus
et réprimés à l'article R. 623-2 du code pénal,
a également vocation à s'appliquer aux situations de nuisances
de voisinage.
Toutes ces infractions constituent des contraventions de la troisième
classe.
Le cas échéant, il pourra être fait application
des dispositions de l'article 222-16 du code pénal afin de
retenir le délit d'agression sonore en vue de troubler la tranquillité
d'autrui, lorsque la nuisance n'est pas causée par simple désinvolture,
mais par une intention caractérisée de nuire. A cet
égard, je vous rappelle que la condition de réitération
qui rendait cette infraction punissable a été supprimée
par l'article 49 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la
sécurité intérieure.
Plus largement, il convient de rappeler que les autorités municipales
et préfectorales disposent de larges prérogatives afin
de réglementer, par voie d'arrêté, les activités
susceptibles de troubler la tranquillité publique, sur la base
des articles L. 1311-2 du code de la santé publique et du pouvoir
de police administrative générale qui leur est conféré
par le code général des collectivités territoriales
(en particulier les articles L. 2212-2, L. 2122-34, L. 2215-1 et L.
2512-13).
Sauf disposition plus répressive, la violation des arrêtés
ainsi pris est passible de la peine d'amende prévue pour les
contraventions de la première classe (art. R. 610-5 du code
pénal).
b) La constatation des infractions.
Outre les officiers et agents de police judiciaire agissant dans le
cadre des dispositions du code de procédure pénale,
de nombreux agents sont investis par la loi d'un pouvoir de police
judiciaire spécial afin de rechercher et de constater par procès-verbal
les infractions de bruit de voisinage :
-
les agents commissionnés et assermentés appartenant
aux services de l'environnement, de l'agriculture, de l'industrie,
de l'équipement, des transports, de la mer, de la santé
et de la jeunesse et des sports ;
- les inspecteurs des installations classées ;
-
les agents des douanes et de la répression des fraudes (art.
L. 571-18 I du code de l'environnement) ;
-
les fonctionnaires et agents des collectivités territoriales
mentionnés à l'article L. 1312-1 du code de la santé
publique (en particulier les ingénieurs du génie sanitaire
et les agents communaux agréés par le procureur de la
République et assermentés) (art. L. 571-18 II du code
de l'environnement).
Ces agents disposent, pour exercer leurs prérogatives, des
pouvoirs énoncés aux articles L. 571-19 à L.
571-21 du code de l'environnement (notamment l'accès aux locaux,
aux installations et lieux où sont réalisées
les opérations à l'origine des infractions, à l'exception des
domiciles, le droit de communication et de copie de tout document,
d'obtenir tous renseignements utiles sur convocation ou sur place,
de consigner des objets ou dispositifs pouvant ne pas être conformes).
Le fait de faire obstacle à l'accomplissement de ces contrôles
est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 d'amende (art. L.
571-22 du code de l'environnement).
2° Les évolutions souhaitées en matière de
police du bruit.
En permettant à un grand nombre d'agents de constater les infractions
en matière de bruit, le législateur a entendu garantir
l'efficacité du dispositif répressif.
Des instructions en ce sens seront adressées aux agents chargés
du contrôle par les services concernés, afin qu'ils donnent
suite aux demandes d'intervention qui leur parviennent et qu'ils recherchent
si une infraction peut être relevée contre les auteurs
de nuisances.
Ce renforcement de la police du bruit constitue le préalable
indispensable à un traitement judiciaire satisfaisant des procédures.
2.
Accroître et diversifier la réponse pénale
aux infractions de bruit de voisinage
Dans la perspective d'un renforcement des contrôles, le programme
gouvernemental vise à assurer un meilleur traitement des procédures
qui seront établies en cas d'infraction constatée.
Pour avoir un réel effet dissuasif, les procès-verbaux
dressés doivent être suivis d'une réponse pénale
adaptée. Le classement sans suite des procédures doit
donc être strictement limité aux faits insuffisamment
caractérisés ou pour lesquels un obstacle de fait ou
de droit empêche toute poursuite. Vous veillerez donc à
ce que les décisions de classement pur et simple soient dûment
motivées tant par les magistrats que par les officiers du ministère
public. Dans les autres cas, lorsque les faits sont susceptibles de
motiver des poursuites, il conviendra de prendre en considération
la spécificité de chacune des situations rencontrées
afin de déterminer le type de réponse pénale
le plus approprié.
A cet égard, il apparaît nécessaire de diversifier
les modes de traitement des procédures afin de privilégier
autant que possible la résolution de conflits de voisinage
générés ou alimentés par les nuisances
sonores et de permettre une gradation des réponses apportées
par l'institution judiciaire aux auteurs de ces nuisances.
L'objectif de l'ensemble du dispositif est d'améliorer le fonctionnement
des maillons successifs de la chaîne de contrôle et de
sanction, dans une logique aussi pédagogique que répressive
à l'égard des contrevenants d'abord verbalisés,
puis incités à cesser leur comportement nuisant et finalement
poursuivis s'ils persistent.
La sanction pénale prend tout son sens et permet une nouvelle
gradation au travers de l'individualisation de la peine. En outre,
pour garantir sa pleine efficacité, il conviendra à ce stade
de privilégier les voies de poursuite qui assurent la réponse
la plus immédiate chaque fois que cela sera possible.
II.
- LES MOYENS DE LA REALISATION DE CES OBJECTIFS
1.
Les voies de l'amélioration du traitement pénal des
infractions de bruit de voisinage
1° Le développement de la gamme des réponses pénales.
Les demandes d'intervention des services chargés de la police
du bruit peuvent intervenir dans des contextes extrêmement variés.
En conséquence, la réponse pénale devra s'adapter
à la particularité des situations rencontrées.
De manière générale, les bruits de voisinage
récurrents induisent assez souvent d'autres perturbations,
telles que des problèmes de santé, de stress, d'agressivité
voire de violences.
C'est pourquoi, lorsque ces nuisances surviennent entre des personnes
contraintes de partager un même environnement, et parfois inscrites
dans un conflit de voisinage qui dépasse le problème
de la nuisance sonore, il apparaît hautement préférable
de tenter de leur apporter une réponse de fond plutôt
que d'obtenir une sanction pénale qui pourrait contribuer à envenimer leur relation.
En pareille hypothèse, il est donc souhaitable de privilégier
la pacification des relations de voisinage par la mise en oeuvre de
mesures alternatives aux poursuites, qui éviteront de laisser
se développer un sentiment d'impunité chez l'émetteur
de nuisances, tout en permettant de rechercher une solution concrète,
immédiate et durable à la situation donnée.
On peut ainsi songer à recourir au rappel solennel à
la loi, à l'obligation de se mettre en conformité avec
la loi (par exemple de mettre aux normes des appareils ou installations
non conformes) et surtout à la médiation pénale.
S'agissant de contraventions de troisième classe, il conviendra
par conséquent d'inviter les officiers du ministère
public à faire application des dispositions de l'article 41-1 du code
de procédure pénale selon des modalités qu'il
vous appartiendra de leur indiquer.
En revanche, en présence de réitérants hostiles à toute modification de leur comportement ou dans des hypothèses
où d'emblée toute tentative d'amélioration de
la situation et de résolution du conflit éventuel apparaît
impossible autrement que par une répression systématique,
il y aura lieu de procéder à des poursuites immédiates
qui viseront à obtenir une sanction rapide.
A cette fin, des instructions devront être données aux
officiers du ministère public et aux magistrats du parquet
pour que la voie de l'ordonnance pénale soit privilégiée
dans ces cas, lorsque l'infraction est suffisamment caractérisée
et qu'un débat à l'audience du tribunal de police ne
semble pas s'imposer.
Je vous rappelle par ailleurs que, par décret n° 2003-542
du 23 juin 2003, il a été donné compétence
aux juges de proximité pour sanctionner, par la voie de la
procédure ordinaire devant le tribunal de police ou de la procédure
simplifiée de l'ordonnance pénale, la contravention
de bruit de voisinage (bruit de comportement prévu et sanctionné
à l'article R. 1336-7 du code de la santé publique),
ainsi que celle de tapage nocturne. Ce dispositif devrait alléger
la tâche des juges d'instance statuant comme juges de police
et permettre d'apporter un traitement adapté à la problématique
spécifique du contentieux des bruits de voisinage stricto sensu.
Dans ces hypothèses, j'attache le plus vif intérêt
à ce que les infractions constatées en matière
de bruit de voisinage fassent l'objet de poursuites décidées
par le ministère public et que la mise en oeuvre de l'action
publique ne soit pas laissée systématiquement à
l'initiative des victimes ou des associations de lutte contre les
nuisances sonores.
En cas de poursuite, il convient de souligner que le tribunal saisi
d'une infraction de bruit de voisinage dispose de la faculté
d'ajourner le prononcé de la peine, en enjoignant au contrevenant
de se conformer aux prescriptions qu'il détermine, dans le
délai qu'il lui impartit, éventuellement assorti d'une
astreinte (art. L. 571-25 du code de l'environnement). Ce dispositif
particulièrement efficace pourra constituer une incitation
très forte pour le prévenu à prendre toutes les
mesures de nature à remédier aux nuisances qu'il génère,
par exemple en procédant à l'isolement acoustique de certains
de ses locaux.
Enfin, j'appelle votre attention sur l'utilité de requérir
les peines complémentaires de confiscation de la chose qui
a servi ou était destinée à commettre l'infraction (prévues
aux articles R. 1336-7, R. 1336-8) et de publication de la décision
de condamnation (prévue à l'article L. 571-26 du code
de l'environnement), y compris lorsque la juridiction est saisie aux
fins d'ordonnance pénale.
2° Le suivi du traitement des procédures.
L'évaluation du programme gouvernemental passera par une remontée
de données chiffrées permettant de dénombrer
et de déterminer la nature des suites réservées
aux procédures relatives au bruit de voisinage, qui vous sont
transmises ou qui sont adressées aux officiers du ministère
public placés sous votre autorité (nombre de procès-verbaux
reçus, nature des faits, nombre et motifs de classement sans
suite, nombre d'alternatives aux poursuites et leurs suites, nombre
d'ordonnances pénales, nombre et nature des jugements rendus
en matière de bruit de voisinage).
Faute d'enregistrement au casier judiciaire national des condamnations
prononcées pour les contraventions des quatre premières
classes qui ne comportent aucune mesure d'interdiction, de déchéance
ou d'incapacité, je vous engage à inviter les secrétariats
des officiers du ministère public à procéder à un enregistrement statistique de ces procédures. De même,
les services des parquets et les greffes des juridictions de proximité
devront être mis en mesure de fournir tous les éléments
chiffrés nécessaires au suivi de l'application de la
présente circulaire.
Il serait en outre hautement souhaitable que les classements sans
suite dus à des procédures irrégulières, incomplètes
ou ne comportant pas les constatations nécessaires à la caractérisation
des infractions soient signalés.
Vous voudrez bien, en conséquence, donner toutes instructions
utiles aux officiers du ministère public placés sous
votre autorité.
2.
Les actions de sensibilisation et de formation des acteurs de la
procédure
En complément de la diffusion de brochures d'information, les
actions de formation, notamment dispensées par le Centre national
de la fonction publique territoriale et le Centre d'information et
de documentation sur le bruit, vont être développées
et devraient concerner un public plus large qu'auparavant.
Il s'agit en particulier de renforcer la formation initiale et d'assurer
la formation continue des agents de contrôle et de constatation
des infractions. Les officiers du ministère public, les magistrats,
du parquet ou du siège et tout particulièrement les
juges de proximité appelés à connaître de ces
procédures, qui le souhaitent pourront également recevoir
une formation sur les questions touchant à la lutte contre
les nuisances sonores.
*
* *
Je vous saurais gré de bien vouloir me rendre compte, sous
le timbre de la direction des affaires criminelles et des grâces,
bureau de la santé publique, du droit social et de l'environnement,
de toute difficulté que vous pourriez rencontrer pour l'application
de la présente circulaire.
Le directeur des affaires criminelles et des grâces,
J.-C. MARIN