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La lecture, un remède anti-stress pour les enfants entendus au tribunal
Publié le 10 novembre 2025
Dans certains tribunaux, des séances de lecture sont organisées pour les enfants convoqués par un juge au titre de l’assistance éducative. Grâce à des bénévoles, ces moments de stress se transforment en moments d’échange et d’évasion.
Pour des enfants, le tribunal n’est pas un lieu habituel et n’a rien de rassurant. Certains sont pourtant contraints de s’y rendre dans des situations précises, difficiles. C’est notamment le cas lorsqu’une procédure d’assistance éducative est ordonnée par un juge des enfants. Cette mesure est mise en place quand le développement physique, affectif ou moral d’un mineur est en danger ou que les conditions de son éducation sont gravement compromises. Il s’agit de le protéger et d’apporter une aide à la famille si nécessaire. Pour l’entendre et recueillir des informations sur son quotidien, le juge est amené à le convoquer.
« Leur avenir se joue dans ce bureau »
Pour « adoucir » autant que possible la venue des enfants, des tribunaux mènent des expérimentations autour de la lecture et du jeu. Ainsi, au tribunal judiciaire de Dijon (21), 12 bénévoles de l’association Lire et faire lire se relaient chaque mardi matin, depuis novembre 2024, en apportant leurs livres. « Les enfants convoqués, âgés de 5 à 12-13 ans, sont tous très stressés. Ils attendent d’être entendus par le juge, un par un, ou de recevoir une décision de sa part. Leur avenir se joue dans ce bureau. Parfois, ils n’ont pas vu leurs parents depuis longtemps. Ce sont des enfants qui ont surtout besoin d’un contact », estime Claudette Choquin, lectrice bénévole. Le temps passé à écouter, lire ou jouer leur permet de relâcher la pression, mais aussi de les occuper quand les parents sont entendus à leur tour.
Un espace aménagé pour les enfants
Au tribunal judiciaire de Saverne (67), le même constat a mené à la même expérimentation. « Les enfants convoqués voyaient passer beaucoup de monde dans la salle des pas perdus, parfois des gens escortés par des gendarmes, menottés dans les couloirs. Avec la procureure, nous avons décidé de faire de ce temps d’attente un moment d’apaisement et de découverte de la lecture », explique Françoise Decottignies, l’ancienne présidente de cette juridiction, aujourd’hui en poste à Grasse. Ainsi, depuis la rentrée 2024, des bénévoles de la Ligue de l’enseignement 67 interviennent environ une fois par mois au tribunal pour enfants. Le public cible reste les 3-8 ans, plus réceptifs, mais les grands peuvent bien sûr participer. Un bureau a été aménagé spécialement pour les accueillir. Il restait à trouver des livres. Pour cela, les cheffes de juridiction ont bénéficié de l’aide de la ville grâce au prêt de la bibliothèque municipale.
Des expérimentations réussies
Après un an d’expérimentation, les retours dans les deux juridictions sont positifs. « On constate un apaisement chez les enfants : ils se sentent moins seuls, on s’est intéressé à eux. Cette bulle les isole de l’angoisse dans laquelle ils sont plongés », assure Claudette Choquin. Pour cette retraitée de la police, assesseure au tribunal pour enfants, cette action lui donne « l'impression d’être utile ». Comme elle, les bénévoles sont des lecteurs très engagés et formés. Ils savent s’adapter lorsque leur jeune auditoire n’est plus réceptif. Les séances se terminent alors en jeu ou en dessin. En général, les familles acceptent volontiers que les petits assistent à ce moment de lecture proposé. « Parfois, certains parents refusent par manque de confiance ou par crainte d’être séparés de leurs enfants pendant ce temps », indique toutefois Françoise Decottignies. Et côté magistrats ? Selon la présidente du tribunal judiciaire de Grasse, « le juge des enfants estime cette pause bénéfique pour les familles qui peuvent être entendues dans un cadre plus serein. Les enfants sont moins angoissés et sont préservés. Pendant leur audience, les parents n’ont pas à les gérer ».
Un dispositif à essaimer ?
Face à ce succès, les tribunaux précurseurs pourraient faire des émules. Le dispositif exige toutefois l’accord des juges des enfants, l’aménagement d’un espace proche de leurs bureaux et du temps pour le greffe pour faire coïncider interventions et convocations. Sans compter des livres et de précieux bénévoles.