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Pierre Laval ou le procès de la collaboration

Publié le 30 juillet 2019

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Au lendemain de la libération de la France par les alliés, commence une période dite d’épuration. Les civils rendent alors eux-mêmes spontanément la justice et les exécutions sommaires d’anciens « collabos » se succèdent. Les femmes accusées d’avoir fauté avec l’ennemi sont tondues. C’est dans ce contexte que se déroule le procès Pierre Laval, l’homme qui va incarner la collaboration française.

La collaboration : une opportunité d'ascension (La collaboration synonyme d'ascension pour Laval)

Né en 1883, Pierre Laval est issu d’un milieu populaire. Il va pourtant être vite connu comme l’homme le plus puissant de la France occupée. Son ascension sociale est impressionnante. Devenu avocat de façon autodidacte, il est élu député sous l’étiquette socialiste, dans la ville ouvrière d’Aubervilliers. En 1930, il est élu pour la première fois président du Conseil des ministres, abandonnant ses idéaux de gauche mais reste pacifiste. Il obtient ensuite plusieurs portefeuilles ministériels avant de revenir à la tête du Conseil en 1935. Sa popularité s’effondre avec la crise et il quitte le pouvoir lors de l’élection du Front populaire.

En septembre 1939, la guerre contre l’Allemagne est déclarée dont il est un farouche opposant. Laval œuvre alors dans l’ombre de Philippe Pétain pour faire partie du gouvernement. Les deux chambres accordent les pleins pouvoirs au Maréchal et font de Laval son dauphin. Plus que ses convictions fascistes, c'est l'attrait du pouvoir qui le pousse à faire partie de ce gouvernement.

Sa rivalité avec le Maréchal Pétain lui vaut d’être exclu du pouvoir en décembre 1940. Cependant, les allemands lui permettent d’être à nouveau investi lorsqu’ils lui accordent des pouvoirs presque illimités, en juin 1942. Il ne s’oppose pas au durcissement des mesures et campagnes de propagande antisémites et affiche même des positions favorables à l’Occupation. Le 22 juin 1942, il déclare : « Je souhaite la victoire de l'Allemagne, parce que, sans elle, le bolchevisme, demain, s'installerait partout. »

Il nomme René Bousquet, chef de la police. Ce dernier va être à l’origine des grandes politiques de rafle de la population juive. Il autorise aussi la création d’une milice responsable de l’arrestation et de l’exécution de milliers de résistants. Face aux demandes croissantes des nazis, Pierre Laval cède. En 1944, devant l’avancée des alliés, il fuit la France pour se réfugier dans l’Espagne de Franco. Après l’avoir fait emprisonner, le dictateur l’expulse vers la France en août 1945.

Un procès expéditif et symbolique

Au lendemain de la Libération, on cherche à juger les anciens responsables de la collaboration. Le 18 novembre 1944, le gouvernement provisoire du général de Gaulle érige la Haute cour de justice pour juger les responsables du gouvernement de Vichy. Le procès de Pierre Laval débute le 5 octobre 1945 devant cette instance.

La défense met en avant un procès non-équitable. Les avocats de Pierre Laval n’ayant eu les éléments retenus contre leur client que la veille du procès. Ils dénoncent également une insuffisance d’instruction, mais le magistrat principal déclare : « Les faits qui sont reprochés à votre client sont connus de tous ; l’instruction du procès Laval, c’est en juillet 40 qu’elle a commencé ». Ils décident alors de ne pas plaider. Durant son procès, Laval justifie et défend les politiques menées sous le régime de Vichy.

Face aux accusations de son implication dans la déportation des Juifs, il prétend ne pas avoir eu connaissance du génocide. Pour lui, au dire des Allemands, les déportés allaient en Pologne où se créait un État juif. Il déclare même avoir participé à en « sauver des milliers. »

Au moment où est évoquée l’allocution radiodiffusée du 22 juin 1942, dans laquelle il a déclaré souhaiter la victoire de l’Allemagne, il indique que, grâce à cette phrase, il a obtenu « un apaisement inespéré » de la part des allemands. Il précise encore: « J’aime mon pays, je n’ai servi que lui et je vous le prouverai, si toutefois vous me laissez m’exprimer, autrement, condamnez-moi tout de suite, ce sera plus clair. »

Il rappelle également au procureur général et au président du tribunal qu’ils avaient prêté serment à Pétain. Dans ce cas, ils sont aussi coupables que lui. Lorsqu’il intervient à la barre, Pierre Laval fait face aux apostrophes des jurés. « Tu mérites douze balles dans la peau. » lui lance l’un d’eux.

Convaincu de la partialité des juges et des jurés, Laval n’assiste pas à la fin de son procès. Comme Pétain, il est condamné à la peine de mort pour haute trahison. Le Maréchal Pétain, compte-rendu de son âge avancé, de ses problèmes de santé et d'une certaine popularité au regard des actions rendues pendant la Première guerre mondiale, est finalement gracié. Quant à Laval, il est fusillé le 15 octobre 1945.

Pia Manière
M2/Institut Français de la presse