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Patrick Henry ou le procès de la peine de mort
Publié le 28 août 2019
Le 30 janvier 1976, le petit Philippe Bertrand, 7 ans, est enlevé à la sortie de son école, à Troyes. Après s’être joué des médias, Patrick Henry avoue l’avoir tué. Il est alors inculpé pour l’enlèvement et le meurtre de l’enfant. Son procès, très attendu, s’ouvre le 18 janvier 1977.

Maîtres Badinter et Bocquillon, seuls contre tous
Au lendemain de l’arrestation de Patrick Henry, en février 1976, le journaliste Roger Gicquel résume l’atmosphère qui règne depuis plusieurs semaines dans le pays. « La France a peur », déclare-t-il lors du journal télévisé de 20 heures sur TF1. A cette période, les enlèvements d’enfants font régulièrement la Une de la presse ; sans hésiter, l’opinion excédée réclame vengeance, et la peine de mort pour Patrick Henry.
Personne ne veut défendre l’assassin du petit Philippe Bertrand. Même la classe politique se prononce pour la peine capitale. Michel Poniatowski, alors ministre de l’Intérieur dira : « Si j’étais juré, je me prononcerais pour la peine de mort. »
Près d’un an plus tard, le premier jour du procès, le palais de Justice de Troyes résonne des cris de la foule agitée : « A mort ! A mort Patrick Henry ! »
Unanime, l’opinion publique refuse au meurtrier l’occasion de se racheter. Celui-ci ayant affirmé dans la presse : « le véritable criminel mérite la peine de mort pour s’en être pris à un enfant. »
Maître Bocquillon va être le seul à accepter de défendre Patrick Henry. Persuadé que le procès est perdu d’avance et que son client sera condamné à mort, il décide toutefois de demander l’aide de son confrère, Maître Robert Badinter.
Contre la peine de mort
Pour Robert Badinter, le seul moyen de sauver Patrick Henry de la guillotine est de faire de ce procès, le procès de la peine de mort. Le 20 janvier 1977, alors que l’avocat général réclame la peine capitale, Robert Badinter va réaffirmer sa position pour l’abolition de la peine de mort. La vie étant sacrée, on ne peut attenter à celle-ci, même s’il s’agit de celle du pire des criminels.
Lors d’une plaidoirie d’une heure et demie, il va rappeler l’exécution de Buffet et Bontems, deux criminels qui ont été guillotinés. Il décrit la violence d’une exécution, le bruit de la guillotine qui coupe la tête d’un homme vivant. Il s’adresse directement aux jurés pour les convaincre, tente de leur faire réaliser qu’ils ont, seuls, le droit de vie ou de mort sur un homme : « Vous demeurerez seul avec votre décision. On abolira la peine de mort, et vous resterez seul avec votre verdict, pour toujours. Et vos enfants sauront que vous avez un jour condamné à mort un jeune homme. Et vous verrez leur regard ! »
Il insiste également sur le fait qu’exécuter Patrick Henry n’empêchera pas d’autres criminels de tuer à nouveau et déclare « si vous le coupez en deux, ça ne dissuadera rien ni personne. »
A la fin de la plaidoirie, le jury se retire pour délibérer. Deux heures plus tard, Patrick Henry est déclaré coupable d’enlèvement, de séquestration et de meurtre. Contre toute attente, il ne le condamne pas à mort mais à la réclusion criminelle à perpétuité. Le meurtrier échappe de justesse à la guillotine. « Vous ne le regretterez pas » affirme alors Patrick Henry. Mais dehors la colère gronde. Personne ne comprend le verdict.
Le procès de Patrick Henry a marqué l’histoire du droit et de la justice. Après cette affaire et un combat politique acharné, la peine de mort sera abolie en France le 9 octobre 1981.
Emma Dauvin