3 questions à Annie Kensey, démographe
et chef du bureau des études et de la prospective à l’administration pénitentiaire.
La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a affirmé qu’en matière délictuelle, les peines d’emprisonnement sans sursis ne doivent être prononcées qu’en dernier recours et que l’aménagement des peines doit être privilégié dès lors que les critères d’octroi sont réunis.
Sur cette thématique, l'administration pénitentiaire a organisé les 3 et 4 novembre 2011 des journées d'études internationales à science Po Paris
intitulées : « aménagement des peines privatives de liberté : l'exécution de la peine autrement ».

Quels étaient les objectifs de ces journées d’études internationales?
Annie Kensey : « Dans une démocratie moderne, la conception de la peine implique son évolution. La loi du 24 novembre 2009 a reconfiguré en l’amplifiant un droit de l’aménagement des peines.
En France, près de 20 % des personnes condamnées bénéficient d’un aménagement de peine. Stricto sensu, ce sont :
- la libération conditionnelle,
- la semi-liberté,
- le placement extérieur,
- le placement sous surveillance électronique.
Nous souhaitions mettre en lumière ces mesures qui contribuent à la prévention de la récidive, comme le montre une récente étude.
Sur l’année 2002, les personnes libérées en fin de peine sans avoir bénéficié d'aménagement de leur peine ont été recondamnées dans 63 % des cas dans les cinq ans. Les taux des libérés, qui ont été bénéficiaires d'un aménagement de peine au cours de leur détention, atteignent 55 % de recondamnation.
Le but de ces journées étaient donc d’échanger avec les professionnels de la justice autour de ce thème d’actualité et comprendre les conditions de la mise en place de ces mesures ».
Certains acteurs du monde de la justice ont témoigné de l’application des mesures privatives de liberté, pouvez-vous nous donner quelques exemples ?
Annie Kensey : « Des chercheurs (juristes, historiens, statisticiens), mais aussi des professionnels de l’administration pénitentiaire ont enrichi le débat . Parmi eux, Marie-Pierre Bonafini, directrice du service pénitentiaire d’insertion et de probation du Lot et d’Aveyron (SPIP), a mis en avant l’importance d’une collaboration entre les différents acteurs de la justice. Chaque aménagement est une œuvre collective. Ainsi dans son département, le SPIP, le juge de l’application des peines et les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation travaillent en étroite collaboration. Au titre des innovations, retenons : des placements à l’extérieur individualisés pour raisons médicales, en hôpital psychiatrique ou soins ambulatoires. Une juge d’application des peines, Valérie Sagant, a témoigné en des termes analogues de sa pratique à Créteil ».
Quel est le bilan de ces journées d’études ?
Annie Kensey : « L’échange entre les différents participants a permis de susciter une réflexion sur la mise en place de ces mesures alternatives à l’emprisonnement en s’appuyant sur des expériences françaises mais aussi européennes (Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Suisse). Au vu du nombre de participants (260 personnes) et de l’intérêt qu’ils ont témoigné, ces journées ont rencontré un vif succès. Elles nous ont conforté dans l’importance de se pencher sur les pratiques d’autres pays européens. Nous préparons actuellement la publication de ces journées ».