28 octobre 2013

Interview d'Antoine Garapon

Secrétaire général de l’IHEJ

« Le juge du XXIe siècle est indissociable d’une société française qui soit plus en interaction avec sa Justice »

L'Institut des Hautes études sur la Justice (IHEJ) a remis à la ministre, en mai 2013, un rapport sur l'évolution de l'office du juge et son périmètre d'intervention. Quelles sont les grandes évolutions du rôle du juge ?

Antoine GaraponAntoine Garapon (AG): La première évolution est d'ordre organisationnel, c’est-à-dire qu’on a vu se multiplier le juge unique. Le travail du juge qui était essentiellement collégial est devenu un travail solitaire. La deuxième évolution concerne les outils de travail. L’informatisation des juridictions et la dématérialisation des procédures ont entraîné un bouleversement considérable. La troisième évolution marquante, c’est l’arrivée du management dans les méthodes de travail du juge.

En quoi les évolutions de l'office du juge sont-elles liées aux transformations démocratiques ?

AG: Ces évolutions sont liées aux transformations démocratiques dans la mesure où on a assisté, il y a une vingtaine d’années, à une explosion de la demande de Justice. Le juge est devenu un nouvel acteur collectif beaucoup plus qu’auparavant. Par ailleurs, les justiciables, les citoyens, demandent d’être associés, d’être coauteurs en quelque sorte de la décision de Justice qui les concerne. Ils attendent de la Justice que cette dernière leur réserve une certaine place, pas toute la place bien sûr, mais une certaine place dans la procédure.

En quoi la façon d'élaborer les décisions de Justice a-t-elle également évolué ?

AG: Ce qui a changé, c’est que désormais la décision de Justice se conçoit comme une production, c'est lié à l’introduction du management. On parle désormais de chaîne pénale ou de chaîne civile. Il s’agit de mieux coordonner le travail du juge, le travail du greffier, des fonctionnaires, et le travail des avocats de façon à offrir un meilleur service aux citoyens, un jugement mieux fait dans des délais plus courts.

Comment le juge exerce-t-il aujourd'hui ses missions ?

AG : Le juge exerce de plus en plus ses missions en cabinet, c’est-à-dire en dehors de la salle d’audience. C’est une Justice du face-à-face. C’est une Justice où le juge reçoit directement les familles, les parties et les avocats. C’est une Justice plus orale.

Qu'est-ce qui caractérise l'office du juge aujourd'hui ?

AG: Ce qui caractérise l’office du juge, c’est tout d’abord la recherche du temps long, la prise de distance. Il ne doit pas toujours céder à l’urgence. La prudence, c’est retrouver cette distance, cette sagesse professionnelle qui caractérise le travail du juge. La seconde vertu, c’est l’autorité. L’autorité est un mot qui peut sonner mal aujourd'hui. Elle peut être confondue avec l’autoritaire. Dans ce rapport, on a voulu montrer que les juges doivent inventer une nouvelle autorité, une autorité qui se conçoit comme une sorte de proposition faite aux parties, c’est-à-dire une demande de reconnaissance immédiate de son intervention dans le dossier. C’est une dimension tout à fait nouvelle que les juges doivent construire.

Comment garantir un exercice vertueux de ces deux dispositions d'esprit que sont l'autorité et la prudence ?

AG: Cette garantie doit être trouvée au niveau de la première instance. Il faut se méfier de l'appel, qui est une plaie pour notre Justice, une sorte de fuite en avant. L'appel ne doit pas être conçu comme une voie d'achèvement et la première instance comme un tour de chauffe.

Que pourrait-on dire pour résumer votre rapport ?

AG : On a les moyens de rendre une bonne Justice à condition de faire des choix : en faire moins pour le faire mieux. Le juge doit être au cœur de la cité mais entouré d’une cité plus ouverte et plus active, de citoyens plus responsables qui ont pris en charge leurs propres conflits plus qu’ils ne le font aujourd’hui. Il me semble que le juge du XXIesiècle est indissociable d’une société française qui soit plus en interaction avec sa Justice.

 

© Ministère de la Justice - SG/DICOM - Damien Arnaud

 

 
 
  
 
 
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